C’était une décision très attendue depuis la signature des accords d’Abraham et la relance des relations diplomatiques entre le Royaume du Maroc et Israël. Sans aucun doute, la longue instabilité politique en Israël y était un peu pour ce retard. Les changements de gouvernement et les élections anticipées, qui ont vu le retour de Benjamin Netanyahu au pouvoir, ont certainement bouleversé les agendas. Aujourd’hui, Israël sort de la zone grise et reconnaît officiellement la souveraineté du Maroc sur son Sahara. Cette clarification est venue mettre un terme à de nombreuses supputations sur l’attitude d’Israël sur cette question cruciale pour le Maroc.
Entre ceux qui affirmaient qu’Israël cherchait une négociation bilatérale avec le Maroc avant de se décider définitivement et ceux qui affirmaient qu’il attendait de voir les grands pays européens lever toute ambiguïté sur leur positionnement avant de trancher la sienne, les interprétations allaient bon train.
Jusqu’à ce que tombe le communiqué du Palais royal qui relaie le contenu d’une lettre du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, adressée au Roi Mohammed VI dans laquelle Israël «reconnaît la souveraineté du Maroc sur le territoire du Sahara occidental».
Le communiqué royal cite aussi cet engagement d’Israël qui, certainement, donnera à réfléchir. La décision israélienne sera «transmise aux Nations Unies, aux organisations régionales et internationales dont Israël est membre, ainsi qu’à tous les pays avec lesquels Israël entretient des relations diplomatiques».
Cette position claire et sans fioritures est une grande nouvelle pour la diplomatie marocaine qui voit ses efforts et ses tentatives de persuasion de la communauté internationale ainsi renforcés par la reconnaissance israélienne.
Israël est une grande puissance régionale sur le plan militaire et technologique. C’est aussi un grand pays qui dispose d’excellentes relations dans la plupart des forums internationaux. Aussi bien en Amérique qu’en Europe, la parole d’Israël est audible et il dispose d’une influence certaine à travers une diaspora dont une grande partie est d’origine marocaine, très active.
Très présentes dans le milieu de la finance internationale et les milieux d’affaires, les entreprises israéliennes et leurs alliés internationaux feront certainement profiter le Sahara marocain de leur capacité à investir dans des projets économiques structurants et bénéfiques dans la région. Cette reconnaissance israélienne facilitera à n’en pas douter l’arrivée massive de capitaux internationaux pour participer au processus d’exploitation commune des richesses de cette région.
Dans sa lettre, Benjamin Netanyahu a promis d’ouvrir un consulat dans la ville mythique de Dakhla, comme l’ont déjà fait 28 pays de la zone Afrique, arabe et latino américains. Le Maroc a par ailleurs décidé de rehausser sa représentation diplomatique en Israël au niveau d’une Ambassade pleine et entière. Les deux pays peuvent ainsi se targuer d’avoir des relations diplomatiques tout à fait normales et classiques. Avec la possibilité d’établir un partenariat stratégique d’une richesse et d’une variété de leviers inédite.
Ce positionnement israélien sur le Sahara n’aura pas que des conséquences politiques et économiques sur le plan des relations bilatérales déjà excellentes. Il ne manquera pas de susciter un intérêt croissant, notamment en Europe où certains pays comme l’Espagne et l’Allemagne, pour ne citer que ceux-là, ont épousé le choix stratégique de soutenir le Maroc, et où d’autres non moins importants comme la France, cultivent toujours une forme d’ambiguïté sur le sujet.
Il est à parier que la reconnaissance israélienne poussera, à n’en pas douter, les pays les plus réticents à reconnaître la souveraineté du Maroc sur son Sahara à revoir, voire réactualiser leur posture. Par ailleurs, cette reconnaissance israélienne, s’il est acquis qu’elle va donner aux relations entre le Maroc et Israël une ampleur jamais atteinte, ne limitera aucunement l’approche du Royaume sur la question palestinienne, élevée au rang de cause nationale par le Roi Mohammed VI, président du comité Al Qods.
Le Maroc a tenu à garder sa liberté de critiquer la politique israélienne contre les Palestiniens quand celle-ci dépasse les limites et les lignes rouges. Il se donne aussi pour mission cardinale de tenter, avec d’autres membres de la communauté internationale, d’investir dans les efforts de paix pour essayer de convaincre Israéliens et Palestiniens de se mettre autour d’une table des négociations pour parvenir à une solution mutuellement acceptable pour les deux parties.
Par Mustapha Tossa