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Annulation de l'accord de pêche Maroc-UE: les dessous des cartes

Annulation de l'accord de pêche Maroc-UE: les dessous des cartes

Les jours défilent et se ressemblent presque en termes de pressions étrangères exercées sur le Maroc. Après les faux pas de Madrid, après les peaux de banane de Berlin, après les accusations d’espionnage de Paris, après les insultes d’Eric Zemmour, après la fausse-vraie affaire Pegasus, après les hostilités extrêmes de l’Algérie, voici la dernière saillie de l’Union européenne : le Tribunal de l’Union européenne a annulé deux accords commerciaux entre Rabat et l’UE.

L’un portant sur les produits agricoles et l’autre sur la pêche. Ces accords resteront toutefois en vigueur «pendant une certaine période afin de préserver l’action extérieure de l’Union et la sécurité juridique de ses engagements internationaux», comme le précise un communiqué officiel émanant du Tribunal.  Une décision qui ne change rien, pour l'instant, aux affaires courantes, en attendant les développements d’une histoire dont les coulisses sont plus ramifiées et lourdes en symboles et en conséquences.

Quoi qu’il en soit, après cette annonce, l’UE et le Maroc se sont engagés à poursuivre leur partenariat commercial. «Nous prendrons les mesures nécessaires afin d’assurer le cadre juridique qui garantisse la poursuite et la stabilité des relations commerciales entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc», affirment le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, et son homologue européen, Josep Borrell.

La suite de la déclaration commune donne dans une littérature convenue de circonstance qui ne dit pas le sens caché de ce qui se passe concrètement entre Rabat et l’UE. On peut y lire : «Nous restons pleinement mobilisés pour continuer la coopération entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc, dans un climat de sérénité et d’engagement, afin de consolider le partenariat euro-marocain de prospérité partagée, lancé en juin 2019». «Nous continuerons à œuvrer pour développer les multiples dimensions de ce partenariat stratégique, dans le même esprit de mobilisation, de cohérence et de solidarité. Ce partenariat d’égal à égal s’appuie, par ailleurs, sur une relation bilatérale solide, basée sur la confiance et le respect mutuel entre le Royaume du Maroc et l'Union européenne, tout en contribuant en même temps au renforcement de cette relation et de celle avec les États membres», poursuit la déclaration.

Maintenant, loin des formules toutes faites, que veut dire cette décision, qui tombe à un moment bien spécifique dans les relations entre le Maroc et ses partenaires européens ?

Il est aujourd’hui de notoriété internationale que le torchon brûle sérieusement entre Rabat, Madrid, Paris et Berlin. Cette dernière étant la figure de proue qui impose ses choix et ses visions dans une Union européenne dont elle est le moteur, la locomotive et le catalyseur.

Nous le savons depuis le début de l’année 2021 : l’Allemagne œuvre de manière très hostile et agressive à la fois ouvertement et dans les coulisses pour essayer de freiner l’expansion marocaine dans le Maghreb et en Afrique, sans oublier les rapprochements stratégiques entre le Maroc, la Russie et la Chine.

Des partenariats gagnant-gagnant qui se sont étendus à Israël, dans une logique de croissance rationnelle et pragmatique pour un pays comme le Maroc qui veut traiter avec les États d’égal à égal, droit dans ses bottes, sûr de ses atouts et déterminé dans ses choix pour l’avenir.

Il faut aussi ajouter les accords directs conclus avec la Turquie, considérée par Berlin comme son pré carré. L’Allemagne n’a jamais vu d’un bon œil la pénétration marocaine dans le marché turc fort de plus de 80 millions de consommateurs.

A ceci s’ajoute l’entente solide entre le Maroc et les États-Unis d’Amérique, avec la reconnaissance par Washington de la marocanité du Sahara, une décision du président américain Donald Trump, confirmée ensuite par Joe Biden, qui est venue perturber tous les agendas politiques dans la région.

Ce sont là les éléments de lecture à mettre en perspective pour placer les pièces du puzzle les unes à côté des autres, de manière limpide, pour comprendre les dessous profonds de cette escalade entre le Maroc et l’UE.

Une pression de plus qui vient s’ajouter à toutes les autres, qui s’accumulent depuis plusieurs mois dans le but de faire fléchir Rabat, qui campe mordicus sur ses positions.

Ceci participe d’une nouvelle approche géostratégique dans la région et d’un nouvel équilibre des forces et des puissances à la fois dans le Maghreb, le Sahel et en Afrique. Une équation dans laquelle le Maroc joue un rôle de premier ordre en renforçant ses relations bilatérales avec des puissances économiques et militaires telles que la Chine, la Russie et, bien entendu, les USA.

Dans ce sens, le Maroc, qui reste ouvert à tous les accords d’égal à égal avec l’Union européenne, avance aussi d’autres pions solides en ouvrant son littoral à Pékin, Moscou et Washington, sans oublier Tokyo, ce qui fait un marché de plus de 2 milliards de consommateurs pour les produits de pêche marocains et pour la variété de sa production agricole. 

Dans cette optique, le Maroc a tout à fait raison de s’ouvrir sur tous les grands marchés pour une meilleure croissance. L’erreur à ne pas commettre est de faire preuve de fébrilité et d’attendre le bon vouloir d’un marché européen qui souffre en prenant l’eau de toutes parts, plongé dans une crise économique et financière qui dure depuis 2008, avec des indices de croissance qui stagnent, voire qui plongent, consacrant une profonde crise à tous les étages et dans tous les secteurs. Le Maroc se positionne naturellement comme un acteur crédible dans cette nouvelle refonte des cartes des croissances, en misant sur le long terme et sur le pragmatisme des affaires.

 

 

 

 Par Abdelhak Najib. Écrivain-Journaliste

 

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