Le haut-commissariat au Plan, le Système des Nations Unies au Maroc et la Banque mondiale ont développé conjointement une «Note stratégique» pour approfondir la compréhension de l'impact socio-économique de la pandémie de la COVID-19 au Maroc. Voici les principales recommandations qui en ressortent.
La COVID-19 présente un risque systémique créant des vulnérabilités, renforçant les inégalités et entravant la réalisation des ODD.
Elle engendre non seulement une nouvelle crise économique et sociale, mais souligne aussi les lacunes existantes dans la manière dont les pays se préparent, réagissent et se rétablissent.
Le Maroc devra agir rapidement et de manière intégrée pour mesurer et répondre à l’ampleur des changements dans la vie des individus et dans plusieurs secteurs de son économie, tout particulièrement le secteur informel.
Le secrétaire général des Nations Unies a présenté un Cadre de réponse socio-économique immédiate à la COVID-19 dans son rapport global, en mentionnant des principes généraux pour atteindre les ODD, tout en répondant à la crise et en renforçant la préparation et la récupération.
Ce cadre recommande cinq pistes d’action prioritaires à explorer par les équipes pays des Nations Unies, lesquelles sont intégrées aux recommandations exprimées dans cette partie, soit : la santé d’abord, la protection sociale et les services essentiels, la réponse et la relance économique, les mesures macroéconomiques et collaboration multilatérale ainsi que la cohésion sociale et la résilience communautaire.
Cette grille de lecture a ainsi été utilisée pour définir les recommandations suivantes propres au Maroc, lesquelles sont le résultat conjoint des consultations entre le Système des Nations Unies pour le Développement (SNUD) au Maroc, le Haut-Commissariat au Plan (HCP), la Banque mondiale et leurs partenaires.
Recommandation #1
Alors que le Maroc élabore un nouveau modèle de développement, le Système des Nations Unies et ses partenaires proposent d’apporter un soutien et un accompagnement à cette réflexion autour d’un nouveau modèle d'équilibre économique et de développement durable, aligné avec la réalisation des ODD, en tirant les leçons de la crise actuelle et en ne laissant personne pour compte.
Cette recommandation s’inscrit dans les axes 3 et 4 du Cadre de réponse socio-économique promu par le Secrétaire général des Nations Unies.
Dans le contexte marocain, cette recommandation implique, dans un premier temps, de soutenir l’analyse d’impact de la crise sur les différents secteurs, l’appui à la planification de la réponse économique et sociale, ainsi que la gestion des ressources.
L’appui du SNUD intégrera spécifiquement la prise en compte de l’atteinte des ODD à l’horizon 2030, sur la base des indicateurs existants, lesquels prennent en compte les populations les plus vulnérables.
Recommandation #2
Le Système des Nations Unies propose d’accélérer la mise en place de méthodes innovantes pour collecter, analyser et tirer des informations utiles des données socio-économiques marocaines, afin d’accompagner au mieux la prise de décision de manière éthique, scientifique et contextualisée.
La digitalisation, l’intelligence artificielle et les nouvelles technologies en général sont déjà au centre de la compréhension de la crise à travers le monde et généreront aussi des enseignements selon l’expérience qui en est faite par les services gouvernementaux, les entreprises et la société civile marocaines.
Conscient que les données fiables et la transparence contribuent à la fois à l'amélioration des politiques publiques et à la confiance des citoyens, le Maroc a accompli des efforts significatifs de transparence et de gestion des données, ce qui renforce le respect des règles et l’acceptation des mesures par la population.
Dans un contexte de pression accrue sur les ressources publiques, il est important de construire une compréhension commune et tangible, permettant de mesurer l’impact de la crise et des politiques visant à la mitiger.
Cette note stratégique propose à la réflexion un point sur l'importance de la gestion des données en temps de crise pour éclairer la prise de décision.
Cette recommandation est transversale et s’applique à la totalité des axes promus par le Secrétaire général des Nations Unies dans son Cadre de réponse socio-économique à la crise du COVID-19.
Sa mise en œuvre permettrait de renforcer le capital social, c’est-à-dire la confiance.
En effet, il est important de considérer la confiance et les comportements, en soulignant que les Marocains déploient un effort de solidarité et de respect des règles considérable, et que les startup et PME rivalisent d’inventivité malgré les difficultés financières.
Recommandation #3
Parmi les douze recommandations des travaux des premières Assises nationales de la régionalisation avancée (Décembre 2019), le renforcement des mécanismes de planification territoriale en cohésion avec la politique générale de l'État, ainsi que la convergence et l’adéquation des programmes de développement régional avec les plans sectoriels ont été fortement soulignés.
Cette recommandation, en cohérence avec l’axe 5 du cadre de réponse socio-économique du Secrétaire général des Nations Unies, s’applique d’autant plus en temps de crise où les stratégies nationales de réponse sectorielle ne peuvent être mises en place sans une planification et une budgétisation régionale renforcée.
Les collectivités territoriales ont d’ores et déjà mené des actions louables pour réduire l’impact de la pandémie.
Les exemples d’efforts et de solidarité locale ne manquent pas, et la société civile est souvent en première ligne, notamment pour collecter les informations sur le terrain auprès des populations vulnérables et participer ainsi à une réponse nationale coordonnée, notamment entre les autorités locales (conseils élus localement), les représentants de l’autorité centrale au niveau territorial et la société civile, dans le cadre de la réponse d’urgence au Covid-19.
Les agences onusiennes soulignent ainsi l’importance de l’inclusion des collectivités territoriales et de la société civile dans la réponse du pays et la mise en œuvre des politiques nationales au niveau local.
Une telle bonne pratique est un exemple de coordination et renforcement du travail conjoint entre les institutions locales et les associations de la société civile dans le cadre de la régionalisation avancée, qui mériterait d’être systématisé et documenté dans le cadre d’un développement régional inclusif.
Recommandation #4
Il est par ailleurs recommandé d’accorder une attention particulière à la pauvreté multidimensionnelle, même s’il faudra attendre une collecte de données plus précises afin de formuler une analyse approfondie à ce sujet.
L’estimation de la Banque mondiale concernant le recul du PIB (-4%) implique une hausse de la pauvreté dont la proportion exacte reste à estimer, mais qui sera de toute évidence sensible.
Cette recommandation s’inscrit dans l’axe 3 du Cadre de réponse socio-économique du Secrétaire général des Nations Unies.
Il s’agit notamment de planifier une réponse adaptée aux segments de la population les plus durement touchés par la crise, et donc les plus vulnérables à basculer dans la pauvreté. Il s’agit des salariés des PME, des travailleurs indépendants, des travailleurs agricoles et des journaliers.
L’impact selon le genre étant particulièrement différencié, cette approche devra l’intégrer, ainsi que les populations migrantes, réfugiées, et demandeurs d’asile, souvent premières victimes du ralentissement économique.
Il est important de ne pas considérer uniquement le volet monétaire de la pauvreté.
L’accent est mis sur la pauvreté multidimensionnelle car les conséquences sur la santé et l’éducation ne sont pas toujours captées par les indicateurs monétaires.
Les indicateurs déjà existants et portant sur les ODD sont, à cet égard, des instruments de compréhension et de suivi utiles pour une compréhension approfondie des besoins des populations.
Ainsi, une réponse inclusive, basée des indicateurs éprouvés et des données probantes, est donc recommandée pour garantir l’efficacité du ciblage des populations et l’effet des politiques de soutien économique et social.
Recommandation #5
Les services publics essentiels constituent l’unique filet social pour certaines populations, les plus vulnérables.
Certains indicateurs montrent déjà un impact de la crise sur l’accès aux services de base.
Sur le plan sanitaire, 30% des ménages éligibles aux services de consultations prénatales et postnatales (33% en milieu rural) ont dû renoncer à ces services selon l’enquête réalisée par le HCP en avril 2020 sur les effets de la crise sur les ménages.
36% des ménages ayant des enfants à vacciner ont dû également renoncer aux services de vaccination (43% en milieu rural contre 31% en milieu urbain).
Cette interruption des services publics essentiels, souvent liée à la peur du virus, à l'incertitude quant à la durée de la situation, à la réduction de la mobilité ou au manque de connectivité, peut créer des vulnérabilités latentes ou amplifier les vulnérabilités déjà existantes, qui risquent alors de se manifester de manière plus profonde dans les mois et les années à venir.
Cela est valable pour la santé (dépistage des pathologies et soins réguliers), mais également pour l’éducation, où les interruptions de scolarité augmentent le risque d’abandon scolaire.
Or, il convient aussi de noter que les communes, les provinces et les régions ont développé, avec une grande rapidité, des mesures facilitant l’accès à leurs services pour les citoyens, tout en essayant de garantir leur protection.
Cela a été le cas pour des services administratifs qui, lorsque les conditions étaient réunies, ont été digitalisés, mais également pour des services de santé de base ou d’urgence, qui ont été maintenus malgré la pression sur le système de santé.
Cela est d’autant plus important dans le secteur de la santé et de l’éducation comme le montre l’impact d’une interruption des services sur les facteurs de pauvreté multidimensionnelle. Enfin, au-delà de la disponibilité de services continus, leur qualité et leur perception par la population sont tout aussi importantes.
En cohérence avec l’axe 2 du Cadre réponse socio-économique du Secrétaire général des Nations Unies, il est donc recommandé de capitaliser sur les efforts déployés en temps de crise pour investir davantage dans la résilience des services publics afin qu’ils puissent assurer une continuité de l’offre, quelle que soit la situation sanitaire ou économique.