Israël s’apprête à conquérir ce qu’il a déjà détruit. Après 19 mois de guerre ininterrompue, plus de 52.000 morts à Gaza, des bombardements en rafale, une famine savamment organisée et un déplacement massif des populations, l’armée israélienne lance un «plan de conquête» du territoire palestinien.
Le général Effi Defrin, porte-parole de l’armée israélienne, a en effet annoncé fièrement lundi que «l’opération inclut une attaque de grande envergure» avec «déplacement de la plupart de la population». Pourtant, aujourd’hui, il ne reste presque plus personne à déplacer.
Les 2,4 millions de Gazaouis ont déjà été déracinés plusieurs fois, pour finir dans des tentes, des ruines ou... des tombes. L’objectif de Tel-Aviv ? «Vaincre le Hamas» et «ramener les otages». Deux intentions qui se heurtent à une équation impossible : on ne sauve pas des otages sous un tapis de bombes. Même en Israël, la pilule a du mal à passer : des centaines de manifestants ont bravé la Knesset pour dénoncer une opération suicidaire, «qui met en péril à la fois les otages et les soldats».
On ne saurait mieux dire. On pensait donc avoir tout vu. Tout entendu. Mais voilà qu’au XXIème siècle, un pays qui se sent tout puissant tente de remodeler une population entière en la déplaçant méthodiquement à l’intérieur d’un territoire asphyxié, tout en prétendant respecter le droit international. La France et la Chine s’en indignent. La diplomatie européenne, fidèle à son ADN de contorsionniste, appelle Israël à la «plus grande retenue». L’ONU, quant à elle, est «alarmée».
Son secrétaire général Antonio Guterres n’a pas mâché ses mots : «cela va inévitablement conduire à un nombre incalculable de civils tués supplémentaires et à plus de destruction». Mais la logique militaire israélienne actuelle est-elle surprenante ? Pas le moins du monde. Elle tire son essence du projet ahurissant porté par Donald Trump himself, qui rêve de transformer Gaza en
«Riviera du Moyen-Orient». Avec un petit détail : il faut d’abord expulser toute sa population. Une vision balnéaire du nettoyage ethnique. Ben-Gvir, le ministre de la Sécurité intérieure israélien, l’a bien compris : «la seule aide qui doit entrer dans Gaza est celle destinée à favoriser l’émigration volontaire».
Volontaire ? Quand on meurt de faim et de soif, la fuite n’est pas un choix, mais est une pulsion de survie. Aujourd’hui, sur le plan humanitaire, c’est un tableau dantesque qu’offre Gaza. Le Programme alimentaire mondial n’a plus rien à distribuer, les hôpitaux sont devenus des morgues silencieuses et les enfants meurent de malnutrition. Les ONG ont jeté l’éponge.
Le Comité international de la Croix-Rouge appelle en vain à «dépolitiser» l’aide. Mais Israël reste sourd, affamant cruellement la population. Dans ce contexte, le Hamas ne voit plus l’intérêt d’une trêve. Et il n’a pas tort : on ne négocie pas avec une armée qui vous affame et veut vous effacer de la carte.
Par F.Z Ouriaghli