Quand il y a un dirham de plus sur le litre de lait et sur certaines marques d’eau minérale, quand le kilo de tomate coûte 8 DH et celui de l’oignon 10 DH, quand vous payez le litre de gasoil à 14,60 DH et celui de l’essence à 15,43 DH…, vous êtes forcément imperméables à tous les discours rassurants sur l’effort consenti par l’Etat pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages. Cet exercice, c’est le ministre du Budget qui s’y colle régulièrement.
Devant les parlementaires, Fouzi Lekjaa s’est de nouveau illustré lundi pour mettre en orbite les mesures ô combien importantes initiées par l’exécutif pour contrer l’inflation. Reconnaissons-lui une chose : il ne se livre jamais à un monologue stérile aux relents démagogiques. Bien au contraire : son discours est toujours bien étoffé en chiffres, calculés au centime près. Cet amour qu’il voue aux chiffres est, au demeurant, assez utile pour la presse économique qui voit en lui une précieuse source d’informations. Lundi donc, Lekjaa a sorti son chapelet pour égrener ce que l’Etat «bienveillant» fait pour les citoyens.
Exemples : • Les charges de la Caisse de compensation ont atteint 11,8 milliards de dirhams à fin avril 2022 contre 6,3 Mds de DH durant la même période de l'année écoulée, soit une hausse de 87%. • La charge de compensation du blé tendre et de la farine atteindra 7,32 Mds de DH en 2022. • Pour le gaz butane, l'État a dépensé, durant les quatre premiers mois de l'année en cours, 7,3 Mds de DH contre 4,2 Mds de DH durant la même période l'année écoulée. La charge de compensation du gaz butane avoisinera 9,2 Mds de DH à fin mai et devrait atteindre 22 Mds de DH à la fin de l’année, sur la base du niveau actuel du prix du gaz butane. •La charge de compensation du sucre a atteint 1,5 Md de DH au premier trimestre 2022, en hausse de 26% par rapport à l’année dernière.
Lekjaa ne s’est pas limité à vouloir démontrer que les charges de la Caisse de compensation vont exploser cette année. Non, il en a mis plein les yeux aux parlementaires, évoquant tour à tour le soutien de 1 Md de DH accordé aux professionnels du secteur du transport routier, les 6 Mds de DH alloués pour régler les promotions des fonctionnaires, l'augmentation du SMIG dans la fonction publique à 3.500 dirhams, les 2 Mds de DH pour le secteur touristique, ou encore les 13 Mds de DH au titre de la TVA pour atténuer les difficultés des entreprises. En réalité, Lekjaa est très habile.
En donnant tous ces détails chiffrés, il nous impose une grille de lecture de la conjoncture économique actuelle qui dédouane le gouvernement et culpabilise ceux qui estiment qu’il doit, au contraire, faire plus. Comme notamment baisser les taxes sur les produits pétroliers, qui induira une baisse des prix à la pompe. Mais pas touche à une manne financière annuelle moyenne de 26 Mds de DH : «cela impactera négativement les équilibres budgétaires». Dès lors, pas étonnant qu’il y ait un décalage entre le discours politique et le ressenti des citoyens. Lesquels se font braquer par l’inflation.
Par F.Z Ouriaghli