La Loi de Finances 2025 prévoit l’introduction d’une taxe carbone visant à réduire la facture pétrolière de l’Etat en orientant le mix énergétique vers des ressources renouvelables. Toutefois, son application pourrait être reportée à 2026.
Par Désy M.
Face aux urgences climatiques, la taxe carbone s’impose comme un mécanisme central dans les stratégies mondiales de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Dans le contexte marocain, ce mécanisme fiscal revêt une importance stratégique, tant pour répondre aux engagements climatiques internationaux que pour renforcer la compétitivité économique du pays. Son implémentation soulève des débats complexes, oscillant entre objectifs environnementaux et réalités économiques et sociales. Dans ce contexte, BMCE Capital Global Research (BKGR) offre un cas d’étude pertinent pour explorer les opportunités et les défis liés à la taxe carbone.
Dans ce rapport «Flash Strategy Taxe carbone», il est mentionné que « la taxe carbone, bien que perfectible, demeure un outil clé de la transition écologique. Son adoption est une étape cruciale pour l’évolution énergétique du Maroc», indique BKGR. Selon les données de la Banque mondiale, le secteur de l’énergie représente près de 73% des émissions mondiales de GES, soulignant l’urgence d’agir sur ce levier principal. Sur l’aspect économique, la taxe carbone repose sur le principe du «pollueur-payeur», en intégrant les coûts environnementaux des activités émettrices dans leur modèle économique.
Cette approche favorise une transition vers des énergies renouvelables et des processus industriels plus propres. Un exemple emblématique cité dans le rapport est le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) introduit par l’Union européenne, qui pénalise les importations issues de pays ne respectant pas des normes climatiques strictes. Ce dispositif pourrait avoir des conséquences significatives sur les économies exportatrices, y compris celles des pays en développement, en les incitant à adopter des règles climatiques plus rigoureuses. De ce fait, «la taxe carbone n’est plus une option, elle représente la réponse idoine à une réalité mondiale qui pousse les économies à verdir leurs pratiques», lit-on. D’un point de vue social, la taxe carbone soulève également des défis de taille. Bien que son objectif ultime soit la réduction de l’empreinte carbone, elle tend à entraîner une augmentation du coût de certains biens et services (carburant, énergie, etc.), grevant ainsi au passage le pouvoir d’achat des consommateurs, notamment celui des plus démunis.
Le cas marocain
Le Maroc, dont 65% des exportations sont destinés au marché européen, travaille à l’augmentation de sa capacité installée en énergies renouvelables évaluée à ce jour à 4.000 MW. Avec un plan de 15 milliards de dirhams d’ici 2027, l’objectif du Royaume est de transformer cette contrainte à court terme en opportunité à long terme, en attirant des capitaux et en renforçant la réputation du pays dans les énergies propres. BKGR rappelle que le Maroc avait adopté une stratégie «ambitieuse» de Finance climat à l’horizon 2030 qui repose sur trois piliers interconnectés. Il s'agit de la mise en place d’un marché financier intégré; la promotion des investissements verts à travers une offre adaptée et des projets attractifs sur le plan du rendement et de l’impact écologique; et l’exploration d’innovations financières, telles que les Fintechs et les marchés de carbone, afin de démocratiser l’accès aux financements verts et d’encourager l’adoption de solutions durables.
Cependant, certains secteurs industriels, tels que le ciment, qui représente à lui seul plus de 19% des émissions de GES au Maroc, redoutent une augmentation des coûts de production. Cette taxe pourrait affecter leur compétitivité sur les marchés internationaux, d’autant que ces industries sont fortement tournées vers l’exportation. BKGR a identifié des mesures incitatives comme étant cruciales pour compenser ces impacts. Parmi celles-ci, figurent des subventions aux technologies propres, des programmes de formation pour les travailleurs touchés, ainsi que des réductions fiscales pour les entreprises qui investissent dans des solutions durables. Pour atténuer les effets négatifs de la taxe carbone, le Maroc explore des alternatives complémentaires, telles que la création d’un marché régional de crédits carbone.
Ce mécanisme permettrait aux entreprises d’acheter des crédits pour compenser leurs émissions, tout en finançant des projets verts, notamment dans les secteurs de l’énergie et de l’agriculture. Les collectivités locales, les ONG et le secteur privé jouent un rôle clé dans la conception et la mise en œuvre de ces initiatives. Par exemple, le partenariat public-privé pour le développement de la mobilité électrique au Maroc illustre comment la collaboration multi-acteurs peut contribuer à une transition juste et inclusive. La taxe carbone représente une opportunité unique pour le Maroc d’aligner ses ambitions climatiques avec ses objectifs de développement. La Loi de Finances 2025 prévoit l’introduction de cette taxe carbone permettant de réduire la facture pétrolière de l’Etat en orientant le mix énergétique vers des ressources renouvelables. Toutefois, son application pourrait être reportée à 2026, selon BKGR.