J’ai pris l’habitude dans mon billet de parler des filières agricoles, de relater leur environnement, leurs contraintes et leurs potentialités. Pour cette semaine, c’est une filière assez spéciale «qui fait la vedette» du fait qu’elle a un poids socioéconomique très important et un potentiel à l’export très fort avec des marges nettement importantes comparativement avec les autres produits agricoles.
Pourtant, elle ne bénéfice d’aucun soutien de l’Etat ni de mesures de promotion dans les Salons ou dans les marchés. Elle n’a pas besoin ni de quota ni de négociations marathoniennes pour être écoulée, même dans les marchés les plus fermées. 700.000 personnes sont concernées par cette culture, soit près de 90.000 familles. Son chiffre d’affaires à l’international est estimé à 13 Mds de dollars, soit l’équivalent des recettes des MRE plus celle des phosphates. Mais, malheureusement, c’est une activité illicite et fortement combattue. Vous l’avez peut-être deviné, il s'agit bel et bien de la culture de cannabis, un sujet qui était tabou, il y a quelques années. Actuellement, les commentaires fusent de toutes parts à propos de cette question.
La lutte contre ce fléau nécessite une stratégie intégrée de longue haleine. Plusieurs parties, comme nos voisins de l’Est, taxent le Maroc comme producteur et exportateur de drogues. Pourtant c’est un héritage de l’époque coloniale. C’est comme les mines anti-personnels qui nécessitent la fédération des efforts internationaux pour les combattre.
Il faut du temps, beaucoup d’argent, de la patience et de la bonne volonté.
Les partenaires européens sont conscients que l’aspect sécuritaire ne peut à lui seul résoudre le problème du cannabis, la bataille étant plutôt au niveau du développement de la région du Nord, notamment le Rif. Car cette zone est fortement accidentée, le terroir est peu fertile et très peu propice à d’autres cultures. Pendant plus de cinq générations, les exploitants ne savaient faire que de la culture du cannabis. La reconversion vers d’autres activités est dure quand on sait qu’un hectare de pavot assure un revenu moyen de 20.000 DH, alors que celui de blé, ne rapporte que 2.000 DH en moyenne. La différence est colossale. Il faut avouer que les Européens n’ont pas respecté leurs engagements pour soutenir la région du Nord, surtout au niveau de financement des projets de développement, notamment en matière de routes pour désenclaver la zone fortement montagneuse.
Le Maroc a fait certes des efforts colossaux dans le Nord avec des réalisations comme le port de Tanger Med, la rocade méditerranéenne, mais il a énormément à faire dans l’arrière-pays. Avec des sites éblouissants, le tourisme rural est peu développé, les autres activités comme l’artisanat sont victimes de l’absence de mesures de promotion. Il est clair que la filière occulte a la peau dure tant qu’il n’y a pas d’alternatives plus pragmatiques et plus réalistes
de reconversion.
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