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Dessalement et énergie verte : la double révolution marocaine

Dessalement et énergie verte : la double révolution marocaine

Le Royaume mise sur le dessalement durable pour bâtir une souveraineté hydrique résiliente. Ce choix stratégique a été au cœur de la 16ème Conférence de l’énergie tenue à Ouarzazate.

 

Par Désy M.

Le Maroc traverse sa septième année consécutive de stress hydrique. Face à cette réalité, le pays n’a d’autre choix que de repenser en profondeur sa politique de l’eau. À l’occasion de la 16ème Conférence de l’énergie, organisée à Ouarzazate sous le haut patronage du Roi Mohammed VI, un nouveau cap a été annoncé : faire du dessalement durable, adossé aux énergies renouvelables, un pilier stratégique de la souveraineté hydrique nationale. Cette rencontre a rassemblé décideurs publics, experts internationaux, partenaires financiers et acteurs industriels autour d’une ambition commune : bâtir une gestion intégrée, intelligente et résiliente de l’eau.

Le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a souligné l’urgence d’une refonte complète de la politique de l’eau, insistant sur la nécessité de passer d’une logique de réaction à une logique d’anticipation. «Le dessalement n’est plus une option parmi d’autres. Il devient une condition de survie pour de nombreuses régions, en particulier les zones côtières où la pression démographique, agricole et industrielle s’intensifie», a-t-il déclaré.

Dans cette perspective, la ministre de la Transition énergétique, Leïla Benali, a plaidé pour une convergence renforcée entre politiques énergétiques et hydriques. Elle a rappelé que «le Maroc, engagé depuis plus de quinze ans dans une transition énergétique ambitieuse, sous la conduite de Sa Majesté le Roi, dispose désormais d’un socle solide pour articuler les enjeux de l’eau, de l’énergie et de la sécurité alimentaire». En effet, le croisement de ces secteurs n’est plus une vision théorique : il devient un moteur opérationnel de résilience, comme l’illustre le projet de Dakhla, où l’énergie éolienne alimente une unité de dessalement destinée à irriguer des cultures durables.

Tous concernés !

Mais cette dynamique nationale ne serait pas complète sans l’engagement du secteur privé. Le Groupe OCP, géant mondial du phosphate, se positionne comme un pionnier dans la production d’eau non conventionnelle. Grâce à son «Programme Eau», le groupe mise sur trois leviers essentiels : le dessalement, le recyclage des eaux usées et la recherche.

À Jorf Lasfar, l’OCP exploite déjà la plus grande station de dessalement du Royaume, avec une capacité de 25 millions de m³ par an, bientôt portée à 40 millions. Il développe aussi un projet de pipeline de 219 kilomètres pour acheminer cette eau jusqu’à Khouribga, sécurisant ainsi l’approvisionnement des installations industrielles et des communautés locales. Ces efforts vont être renforcés par un partenariat de 6 milliards de dirhams, signé récemment avec le Groupe CDG via OCP Green Water.

Objectif : atteindre une capacité de production de 630 millions de m³ par an d’ici 2030. Ces volumes couvriront non seulement les besoins industriels, mais également ceux des zones urbaines et agricoles voisines. Ce modèle marocain, tout en s’inspirant d’expériences internationales comme celles des Émirats Arabes Unis, se distingue par sa dimension territorialisée. Chaque projet est conçu en fonction des réalités locales.

À Casablanca, Safi, Agadir ou Laâyoune, le dessalement vise des usages différenciés selon les régions : alimentation domestique, besoins industriels ou irrigation agricole. Cette adaptabilité favorise des partenariats public-privé inédits et une meilleure acceptabilité sociale. Encore et toujours des défis Toutefois, le dessalement durable soulève plusieurs défis. Mohamed Jalil, expert en climat et ressources hydriques, rappelle que cette technologie génère des résidus salins, appelés saumures, dont la mauvaise gestion peut causer des dégâts écologiques. D’autres défis concernent le coût élevé des installations, leur maintenance et la dépendance technologique.

Pour y répondre, l’innovation locale s’organise : plusieurs startups marocaines travaillent sur des membranes plus efficaces, des modèles hybrides moins énergivores et des solutions de stockage innovantes. Enfin, la question du financement reste centrale. Si les grands bailleurs de fonds, à savoir la Banque mondiale, la BEI et la BAD soutiennent activement cette stratégie, le Maroc cherche à impliquer davantage le secteur privé. Le défi est de garantir une accessibilité équitable à l’eau, sans pénaliser les populations vulnérables. Comme le résume Jalil, «l’eau ne peut pas rester gratuite dans un monde de rareté, mais elle ne doit pas devenir un luxe non plus». 

 

 

 

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