Pourquoi la Bourse apprécie tant le secteur du ciment

Pourquoi la Bourse apprécie tant le secteur du ciment

  Le confinement a quasiment mis l'arrêt les ventes et la consommation de ciment pendant 3 mois, menant à une baisse de 26% du marché à fin mai. Pourtant, vous ne trouverez pas un analyste ou un gérant foncièrement baissier sur ce secteur. Sa structure oligopolistique le protège d'une guerre des prix et la baisse importante des coûts de production lui permet de traverser sans contraintes la crise. 

 

D'un point de vue commercial, le secteur du ciment est l'un des plus exposés aux conséquences de la crise sanitaire. Mais à la différence de secteurs proches, comme l'immobilier, les investisseurs professionnels continuent de lui faire confiance. Dans la communauté des analystes, les avis sont partagés entre neutres à haussiers. Mais la vente du secteur est rarement conseillée.

Dans un document de recherche rendu public aujourd'hui, les analystes de CDG Capital analysent la situation de marché particulière dans laquelle évoluent les cimentiers.

 

Ciment : des prix qui résistent...

Les analystes prévoient une baisse de la demande de ciment de 20,1% durant l'année 2020 avec une baisse de 27% au S1 et un retour à la normale à partir du T3 2020 (tenant compte la période des vacances estivales, la fête de l’Aid et la rentrée scolaire). Aussi, l'utilisation des capacités de production devrait se situer autour de 51% à 53%, atteignant ainsi le niveau le plus bas jamais enregistré par cette industrie. Mais cela ne devrait pas exercer de pressions sur les prix. "En dépit d'une baisse des coûts et d'un repli important des volumes, nous pensons que les cimenteries vont maintenir le même niveau de prix pratiqué en 2019, en raison de la situation oligopolistique qui caractérise le marché marocain", prévoient les analystes. 

 

En effet, une des importantes spécificités de l'industrie du ciment au Maroc est son pouvoir sur le contrôle des prix qui tient d'une part à sa nature oligopolistique et d'autre part au coût très élevé du transport en comparaison avec le coût de la matière transportée. 

 

Ainsi, même en cas de recul important des volumes, un cimentier est en mesure de maintenir ses prix dans un marché concentré.  Par exemple, le recul des volumes sur la période 2013-2019 (TCAM de -1,4%) n'est pas accompagné d'une baisse des prix mais plutôt d'une hausse (un TCAM estimé à +2,6%).

 

...Et un repli attendu des coûts de production

En face, l'énergie constitue la composante la plus importante des coûts pour l'industrie du ciment. Elle est utilisée comme matière première (coke de pétrole) pour la fabrication du ciment (clinker) dans le four, et pour le transport routier / le fret (diesel ).  Le petcoke, qui est un sous-produit de transformation du pétrole et un combustible stratégique pour les cimenteries, est fortement lié au prix du pétrole brut.  Négocié en mars 2020 au prix de 38,61 USD/t, le petcoke est bien moins cher que la moyenne inférieure sur 14 ans (USD37/t en 2006).La bonne nouvelle donc pour les cimenteries est à trouver au niveau de leur structure des coûts. "En effet, l'ensemble des producteurs de ciment devraient voir leurs coûts de production fortement baisser en raison du repli du pet coke et du fret". 

 

Au final, la stabilité des prix, conjuguée à la baisse des coûts, devrait limiter l'érosion des marges en dépit d'une volatilité des prix des intrants à court terme. Toutefois, les analystes font remarquer que les coûts fixes devraient augmenter en raison de la baisse drastique des volumes.

 

 

Guerre des prix dans le ciment ? peu probable 

Le secteur est en suracapacité et la situation devrait continuer à s'aggraver à court terme. Néanmoins, cette situation ne devrait être que temporaire, estime la recherche de CDG Capital. En effet, "à moyen terme, la demande de ciment devrait rattraper cette augmentation de l'offre".

 

"Notre principale préoccupation avec la nouvelle vague d'augmentation des capacités de production est qu'elle peut entraîner un déséquilibre à court terme entre la demande et l'offre, entraînant ainsi une surcapacité temporaire.  La surcapacité potentielle devrait exercer une pression sur les prix du ciment à mesure que les taux d'utilisation chutent (à l'instar de ce qui s'est produit en 2012 suite à l'entrée de CIMAT dans le secteur). Cependant, nous pensons que les principaux groupes cimentiers devraient être proactifs pour faire en sorte que la menace de la rentabilité soit contenue par une meilleure gestion de la production, des prix et des éventuelles exportations de clinker en Afrique".  

 

En effet, Lafarge Holcim et Ciments du Maroc contrôlent actuellement 78% de la capacité de production de ciments. De plus, ils sont intégrés verticalement (granulats, ciment et béton prêt à l'emploi). 

 

"L’éventuelle probabilité d'une « guerre des prix » dépendra du comportement des différents participants à ces marchés - qui est difficile à évaluer aujourd’hui - et du niveau sous-jacent de la demande".

 

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