Le Salon international de l’agriculture au Maroc (SIAM) a ouvert ses portes, lundi, à Meknès. Ce grand barnum agricole est à la fois vitrine technologique et agora politique où se croisent produits du terroir, tracteurs et déclarations diplomatiques.
Et cette année encore, le rendez-vous tient toutes ses promesses, avec un Prince Héritier en ouverture pour donner le ton, plus de 1.500 exposants, 70 pays invités et des allées pleines à craquer. Le thème de cette 17ème édition, «Agriculture et monde rural : L’eau au cœur du développement durable», est un aveu. Un Sos. Car le contexte climatique rappelle les fragilités de ce secteur, soumis à un stress hydrique sévère en raison de plusieurs années de sécheresse successives.
Les chiffres dévoilés par le ministre de tutelle, Ahmed El Bouari, en attestent. La campagne 2024-2025 s’annonce certes meilleure, avec 44 millions de quintaux de céréales attendus, soit un rebond de 41% par rapport à l’année de misère précédente, mais ces chiffres sont avant tout le fruit d’un miracle pluviométrique tombé en mars. Il faut dire que la météo a joué avec les nerfs des agriculteurs. Après un automne encourageant, la sécheresse s’est invitée de novembre à février, avant que mars ne déverse sa pluie, sauvant in extremis certaines cultures. Mais peut-on bâtir une politique agricole sur des pluies de dernière minute ?
C’est toute la question. Derrière le tohu-bohu du SIAM, se cache une vérité plus rugueuse : le Maroc agricole vit sous perfusion climatique. Et cette perfusion devient capricieuse, aléatoire et de plus en plus rare. Le déficit hydrique n’est pas un aléa conjoncturel, c’est une tendance structurelle qui impose de repenser en profondeur notre modèle agricole et notre rapport à l’eau. Ce qui nécessitera de faire des arbitrages parfois douloureux.
Ainsi, au-delà des discours rassurants sur la souveraineté alimentaire, il faudrait oser poser les vraies questions : doit-on continuer à semer là où l’eau ne viendra plus ou très peu ? Jusqu’à quand maintenir certaines cultures dans des zones devenues arides ? Doit-on et peut-on abandonner certaines cultures au profit d’autres moins consommatrices d’eau ? Le SIAM n’élude pas ces questions. On y parle goutte-à-goutte, désalinisation, optimisation hydrique, variétés résistantes….
A l’évidence, il y a urgence à penser une agriculture marocaine plus résiliente, plus sélective et plus territorialisée. Quitte à accepter que certaines filières déclinent au profit d’autres mieux adaptées au stress hydrique. Quitte à repenser le modèle même du fellah, ce héros discret de nos campagnes, souvent sacrifié entre les bulletins météo et les statistiques ministérielles. Parce qu’au final, le ciel est certes capricieux, mais il a toujours le dernier mot.
Par F.Z Ouriaghli