L’Association des Utilisateurs des Systèmes d’Information au Maroc (AUSIM) a présenté, ce 20 février, les résultats de la CIO Survey Gartner 2025, une étude de référence mondiale qui analyse les tendances et défis des Directeurs des Systèmes d’Information (DSI).
Pour la troisième année consécutive, le Maroc y a participé, permettant ainsi un benchmark précis sur l’évolution du secteur au niveau national. L’étude, qui a recueilli les réponses de 3100 CIO à travers le monde, dont 42 au Maroc, met en évidence plusieurs tendances clés.
Parmi elles, la pression budgétaire sur les services IT, avec une croissance des budgets limitée à 1,7 % au Maroc, bien en dessous de la moyenne mondiale (3,8 %). En tenant compte de l’inflation, les DSI marocains doivent donc optimiser leurs ressources tout en répondant à une demande accrue en solutions numériques.
Jean-Marc Lejeune, expert Gartner, ce contexte impose une rationalisation des investissements. "Les résultats marocains sont globalement bons, mais l’augmentation des budgets IT reste inférieure à l’inflation. Les DSI doivent donc maximiser l’impact de chaque dirham investi."
La cybersécurité, priorité absolue
L’étude confirme que la cybersécurité demeure le principal poste d’investissement des entreprises marocaines, avec une hausse prévue de 42 % des budgets alloués à ce domaine. Cependant, 62 % des entreprises investissent avant tout pour se conformer aux réglementations plutôt que pour une réelle stratégie proactive. À ce sujet, Asmaë Iraqi Houssaini, Directrice Transformation Digitale à l’AMMC a déclaré que : "Il est essentiel d’aller au-delà de la simple conformité et d’intégrer la cybersécurité comme un levier clé dans la stratégie des entreprises."
Les défis de l’IT : gestion des talents et collaboration avec les métiers
L’étude met en évidence un besoin croissant de compétences spécialisées, avec 26 % des effectifs des métiers désormais impliqués dans des projets technologiques. Dans certaines entreprises, ce chiffre atteint même 45 %, ce qui souligne l’importance de la formation continue et de l’accompagnement des collaborateurs dans l’adoption des outils numériques. Selon Fatima Zohra El Ouerkhaoui, Chief Information & Digital Officer à l’ONCF, la collaboration avec les métiers est un facteur clé de succès. "L’innovation ne doit pas être uniquement portée par la DSI. L’implication des métiers est essentielle pour assurer la réussite des projets numériques", a-t-elle ajouté.
Un taux d’échec élevé des projets IT
L’un des constats les plus préoccupants de l’étude est que 48 % des projets IT n’atteignent pas leurs objectifs initiaux, une donnée qui interroge sur les processus de gouvernance et d’exécution des initiatives digitales. Selon Abdelhak El Harrak, Directeur des Systèmes d’Information du Ministère de l’Intérieur, plusieurs facteurs expliquent ces échecs :
+ Une gouvernance déséquilibrée entre IT et métiers
+ Une mauvaise définition des besoins
+ Une gestion du changement insuffisante
Il souligne également l’importance d’anticiper les impacts organisationnels des projets IT : "Dans notre administration, nous avons appris que la réussite d’un projet dépend autant de la gestion du changement que de la technologie. Par exemple, notre projet RMP a nécessité le recrutement et la formation de 5000 personnes pour être pleinement opérationnel."
Malgré ces défis, les DSI marocains affichent une volonté claire d’accélérer la transition numérique, notamment en renforçant la collaboration avec les directions métiers. L’étude met en avant une tendance émergente : l’avant-garde digitale, un modèle où les CIO et CXO travaillent ensemble dès la conception des projets numériques. Pour Jean-Marc Lejeune, "les entreprises où CIO et CXO sont copropriétaires des projets IT enregistrent un taux de réussite de 71 %, bien supérieur à la moyenne."
Les perspectives pour 2025
À l’issue de cet événement, plusieurs pistes de réflexion ont émergé. L’optimisation des budgets IT et une meilleure justification des investissements apparaissent comme des impératifs pour assurer la pérennité des projets numériques. Parallèlement, le renforcement de la cybersécurité doit dépasser le simple cadre réglementaire pour devenir un véritable levier stratégique. Le développement des compétences IT au sein des équipes métiers est également essentiel afin de favoriser une collaboration efficace avec les DSI. Enfin, une amélioration de la gestion des projets s’impose pour réduire le taux d’échec et garantir une meilleure exécution des initiatives digitales.