Sommet de l'UA à Addis-Abeba. Maroc : le leadership d’influence et de crédibilité

Sommet de l'UA à Addis-Abeba. Maroc : le leadership d’influence et de crédibilité

Le regretté Souverain, Hassan II, l'avait déclaré un jour à propos de la politique et de la diplomatie : «Il y a des saisons...». Nul doute qu'à cet égard - et en particulier cette nouvelle année 2022 -, le Royaume poursuit la conduite et la mise en œuvre d'une politique étrangère d'influence. L'illustration vient de nouveau d'en être donnée par la 35ème session ordinaire du Sommet de l'Union africaine (UA), tenue à Addis-Abeba les 5-6 février courant.

Trois jours auparavant, dans cette même capitale éthiopienne, le Conseil exécutif de l’UA avait élu le Maroc et quatorze autres membres au Conseil de paix et de sécurité (CPS). Son mandat est de trois ans. Le Royaume avait déjà siégé au sein de cette même instance avec un mandat de deux ans (2018-2020). Il a ainsi contribué depuis à une réforme du CPS, en améliorant ses méthodes de travail et en instaurant de bonnes pratiques. Il a, dans cette même ligne, insisté sur l'importance des piliers de base pour l'exécution de cette réforme, à savoir : une bonne gouvernance, une diplomatie préventive, la paix et la sécurité.

Sur toutes ces questions, le Maroc a engrangé une grande expérience, avec une diplomatie mobilisée dans la résolution des conflits sur la base des principes et des objectifs de la Charte de l'UA et de celle des Nations Unies. Il retrouve ce siège avec une majorité très confortable des deux tiers des membres de l'UA, et ce malgré les manœuvres et les pressions finalement vouées à l'échec de quelques pays connus pour leur hostilité (Algérie, Afrique du Sud...).

Le CPS recadré

Cette instance continentale va pouvoir se consacrer à sa mission et recadrer ainsi son action et ses initiatives. Le CPS a été en effet instrumentalisé par l'Algérie à des fins d'agenda diplomatique. En mars 2021, cet organe s'était octroyé un mandat en lieu et place de l'ONU sur la question nationale et le processus de règlement. Une prise de position qualifiée alors de «non-évènement» par le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, la dénonçant comme étant d'illégale et sans valeur juridique. Il faut rappeler que c'était toujours l'Algérie qui s'était mobilisée dans ce sens, la présidence du CPS étant assurée par l'un de ses diplomates, Smail Chergui, qui avait assuré pas moins de cinq mandats successifs depuis… 2004 !

Aujourd'hui, voilà donc le CPS sur les «bons rails», lui permettant de mettre fin à toute instrumentalisation, d'autant plus que ce sont les Nations Unies qui ont la charge exclusive du processus de règlement du Sahara marocain récupéré. C'est, globalement, toute l'organisation continentale qui œuvre désormais à sa restructuration et à sa réforme en profondeur, que ce soit au niveau du CPS ou d'autres instances (la Cour africaine des droits de l’Homme, la Commission de l'Union africaine pour le droit international, le Conseil consultatif de l’Union africaine sur la corruption et le Comité africain d'experts sur les droits et bien-être des enfants).

Un cadre référentiel différent

Cinq ans après le retour du Maroc à l'organisation continentale, force est de faire ce constat : un cadre référentiel différent s'impose de plus en plus, ralliant une majorité d'Etats membres. Des principes qui avaient été définis par SM le Roi; ils se concentrent sur le véritable agenda africain : celui des principales préoccupations et des défis africains. Des évolutions importantes ont marqué ces dernières années dans un contexte difficile : zone de libre-échange, architecture africaine de sa sécurité, ... Dans plusieurs questions, l'Afrique parle d'une seule voix en coordonnant ses positions et en mettant en avant des propositions nouvelles.

Les défis sécuritaires ne manquent pas cependant : retour des coups d'Etat dans plusieurs pays, ampleur de la menace terroriste, rapprochement entre groupes séparatistes et groupes terroristes dans de nombreuses régions du continent, menace pour la stabilité... Depuis deux ans, voilà la crise sanitaire de la pandémie Covid-19, avec son double impact social et économique. Le taux de vaccination en Afrique ne dépasse pas 10%, alors que le continent représente un quart de la population mondiale. Au Maroc, le taux de vaccination est de 67%. Dans le cadre de la souveraineté sanitaire, le Maroc a inauguré, le 27 janvier dernier, une usine de fabrication de vaccins anti-Covid 19, un projet structurant qui va être à terme une contribution importante à la souverain vaccinale du Royaume et à l'Afrique.

Avec la création de l'Agence africaine des médicaments (AMA) -dont le traité est en voie de ratification-, le Maroc plaide pour le rôle clé que celle-ci va jouer dans l'amélioration des capacités des pays africains (réglementation des produits médicaux, amélioration de l'accès, harmonisation des textes sur la base des normes internationales, ...). C'est là une nouvelle déclinaison de la vision de coopération Sud-Sud du Souverain présentée et développée dans son discours d'Abidjan du 29 novembre 2017, au Vème sommet UA-UE. Pour ce qui est de la sécurité alimentaire qui a été au centre de l'ordre du jour de ce sommet d’Addis-Abeba, le Maroc a capitalisé une expérience importante avec plusieurs programmes agricoles (Plan Maroc Vert, Stratégie Génération Green 2020-2030). Il est aussi l'un des premiers producteurs mondiaux des engrais, lesquels sont un facteur important de la sécurité alimentaire dans le continent.

Migration : trois messages

Autre thématique où le Maroc est en première ligne : celle des migrations. De SM le Roi Mohammed VI, en tant que leader de l'Union africaine sur les questions migratoires, depuis 2017, sur le suivi de l’opérationnalisation de l'Observatoire africain des migrations au Maroc, trois messages principaux sont à retenir. Le premier a trait au fait que «l'Afrique continue à payer un lourd tribut que ce soit à la pandémie ou à la migration» : altération des flux, vulnérabilité, précarité. Mais une démonstration supplémentaire a été faite de l'impact positif des migrants pour les pays d'accueil comme pour les pays d'origine. Le deuxième message regarde, lui, l'opérationnalisation de l'Observatoire africain, inauguré officiellement le 18 décembre 2020, qui revêt une triple dimensionpour le Maroc, pour l'Afrique, enfin entre le Maroc et le continent -. Il aura en effet à s'atteler à une fonction de compréhension, mais aussi d'anticipation et d'action du phénomène migratoire. Enfin, ce dernier message : le rapport de SM le Roi souligne que l'Afrique est le précurseur de la nouvelle gouvernance migratoire définie et voulue par le Pacte de Marrakech, intitulé officiellement «Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières», approuvé par l'Assemblée générale des Nations Unies le 13 juillet 2018 par 152 Etats à l'exception des Etats-Unis, et qui a été ouvert à la signature le 10 décembre 2018 à Marrakech. Comme l'avait déclaré le Souverain lors du 33ème Sommet de l'UA, il faut faire en sorte que «les migrants ne soient pas les oubliés du développement et des pandémies, mais au contraire le centre de gravité de politiques migratoires responsables, solidaires et conformes aux 23 objectifs du Pacte de Marrakech». Une diplomatie d'influence donc. D'initiative aussi. Elle est servie par une crédibilité du Royaume à l'international, producteur de paix. De stabilité. Et de sécurité. Un leadership royal, personnel, moral, politique aussi portant haut la voix du Maroc et de l'Afrique. Tout cela porte ses fruits. Alors que par le passé les rapports de l'UA évoquaient souvent la question du Sahara marocain, tel n'est plus le cas aujourd'hui, lors de cette 35ème session ordinaire de l'UA ...

 

 

Par Mustapha SEHIMI Professeur de droit, Politologue

 

 

 

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