Sahara marocain : l’heure de vérité pour l’Algérie et le polisario

Sahara marocain : l’heure de vérité pour l’Algérie et le polisario

La résolution 2797 du Conseil de sécurité de l’ONU marque une avancée significative pour le Maroc, tant sur le plan diplomatique qu’institutionnel. Mustapha Sehimi, politologue et fin connaisseur du dossier, décrypte les enjeux de cette nouvelle phase.

 

Propos recueillis par C. Jaidani

Finances News Hebdo: Après l’adoption de la résolution 2797, quels sont les enjeux pour le Maroc ?

Mustapha Sehimi : L’adoption de la résolution 2797 constitue indéniablement une victoire diplomatique pour le Maroc au Conseil de sécurité. Aucun membre ne s’y est opposé : 11 voix favorables, trois abstentions et une non-participation. Aucun vote contre, ce qui est en soi significatif. Premier acquis donc : un large soutien sans opposition formelle. Deuxième élément favorable : la résolution fait explicitement référence au plan d’autonomie du Sahara, présenté comme solution politique réaliste et sérieuse dans le cadre de la souveraineté marocaine. Troisième atout : le texte fixe désormais un cadre procédural clair, notamment avec l’implication renforcée des Etats-Unis, traditionnel «porte-plume» des résolutions sur le Sahara. Washington a piloté la rédaction du projet de résolution et s’est même proposé pour accueillir les futures négociations, marquant ainsi une implication diplomatique plus active.

 

F. N. H. : Quelles sont les étapes à venir ?

M. S. : Le Conseil de sécurité a invité le Maroc à actualiser sa proposition de 2007. Un plan qui définissant les principes généraux, mais qui nécessite aujourd’hui une traduction plus précise, notamment en matière institutionnelle: statut du chef du gouvernement régional, compétences du Parlement, articulation entre les institutions régionales et l’Etat central, répartition des pouvoirs, etc. C’est dans cet esprit que, sur décision du Roi, une réunion a eu lieu le 10 novembre entre ses conseillers, les partis politiques représentés au Parlement ainsi que les ministres concernés (Intérieur et Affaires étrangères). L’objectif est d’enrichir la proposition marocaine à travers une démarche de concertation nationale qui renforce l’adhésion collective autour d’une question nationale consensuelle et ouvre la voie à un document institutionnel plus abouti.

 

F. N. H. : La partie adverse va-t-elle rejoindre le processus politique et entamer des négociations pour trouver une issue finale ?

M. S. : La réintégration de l’Algérie et du Polisario dans le processus de négociation demeure une incertitude. Les dernières discussions, organisées sous forme de tablesrondes à l’initiative de l’envoyé personnel Horst Köhler, avaient eu lieu en Suisse en décembre 2018 et mars 2019. Mais ce processus a été interrompu après sa démission en mai 2019. L’Algérie a ensuite annoncé qu’elle ne participerait plus aux tables-rondes, estimant qu’elles faisaient du dossier du Sahara une question régionale, alors qu’elle considère qu’il relève exclusivement des Nations Unies. Or, le Maroc partage cette approche : le dossier est bien inscrit à l’ordre du jour de l’ONU, mais les négociations doivent impliquer les parties directement concernées, au premier rang desquelles figure l’Algérie. Autre interrogation : celle de la participation du mouvement séparatiste, notamment depuis sa décision de rompre le cessez-le-feu en novembre 2020 après l’opération marocaine de sécurisation du passage de Guergarate.

 

F. N. H. : Le Maroc est prêt. Les autres suivront-ils ?

M. S. : Le calendrier est désormais fixé. D’ici fin décembre, le Maroc transmettra sa version actualisée du plan d’autonomie à l’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU. Ce document sera simultanément transmis aux trois autres parties : la Mauritanie, l’Algérie et le polisario. Une rencontre est ensuite prévue aux États-Unis, sous supervision de l’ONU, mais aussi des Américains qui se positionnent désormais comme acteurs centraux dans ce dossier. La question est donc claire : l’Algérie et le mouvement séparatiste seront-ils prêts ou contraints à se réinscrire dans le processus tel que défini par la résolution 2797 ?

 

F. N. H. : Est-ce que l'Algérie va répondre favorablement à la main tendue du Roi et peut-on s’attendre à une normalisation des relations entre les deux pays ?

M. S. : La main tendue du Roi, formulée à plusieurs reprises depuis des années, n’a jamais reçu de réponse concrète d’Alger. Ainsi, rien ne permet encore d’affirmer que la dynamique actuelle conduira à une normalisation entre les deux capitales. L’Algérie demeure enfermée dans une posture idéologique rigide. Sa politique étrangère semble se résumer à l’hostilité envers le Maroc. Elle est absente des grands dossiers régionaux : peu active en Afrique, marginalisée au Moyen-Orient, presque inaudible sur la question palestinienne ou les autres crises régionales. Son isolement diplomatique s’accentue et son influence internationale s’étiole. Reste à savoir si cette marginalisation la poussera vers plus de pragmatisme ou au contraire vers une rigidité accentuée. L’hypothèse la plus plausible est celle de pressions américaines pour favoriser, non pas une normalisation immédiate, mais au moins un climat de dialogue et de participation constructive au processus de paix. 

 

 

 

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