Législatives 2021: doit-on enterrer le PJD ?

Législatives 2021: doit-on enterrer le PJD ?

Les observateurs avertis mettent le Parti de l’Istiqlal et le Rassemblement national des indépendants grands favoris des prochaines législatives.

Affaiblis par les dissensions internes et l’adoption du quotient électoral, les islamistes ne s’avouent pas vaincus pour autant.

 

Par D. William

 

Le Parti de la justice et du développement (PJD) a-t-il une chance de rempiler pour un troisième mandat  en septembre 2021? Séduira-t-il autant les électeurs qu’il ne l’a fait lors des deux précédentes élections législatives ? Difficile de répondre à ces interrogations pour l’instant. Ce que l’on sait par contre, c’est que les autres partis politiques comptent bien contester la «mainmise» des islamistes sur le microcosme politique depuis dix ans. Et, depuis la dernière élection, ils se préparent et peaufinent leurs stratégies.

Le Parti du progrès et du socialisme (PPS), le Parti de l’Istiqlal (PI), l’Union socialiste des forces populaires (USFP), le Rassemblement national des indépendants (RNI), le Parti authenticité et modernité (PAM) …, tous sont d’ores et déjà dans les starting-blocks. Mais pour certains observateurs avertis de la scène politique, actuellement, ce sont le PI et le RNI qui semblent être dans les meilleures dispositions pour remporter le scrutin à venir. Le PI ne manque pas d’arguments en effet. Et le premier, si tant est que ça peut jouer sur la balance, est le préjugé favorable dont jouit son secrétaire général, Nizar Baraka.

Certains voient en l’ancien argentier du Royaume, élu meilleur ministre des Finances au Moyen-Orient et ministre des Finances de l'année 2012 par le magazine The Banker, un an seulement après sa prise de fonction, le profil parfait pour briguer le poste de chef de gouvernement. Mais encore faut-il que le parti de la balance triomphe en septembre prochain.

Cela, l’ancien président du Conseil économique, social et environnemental (CESE) en a parfaitement conscience. C’est pourquoi Baraka a lancé une véritable opération séduction pour étendre son influence dans certaines régions, notamment le sud du Royaume, quitte à brouter dans les prés de ses adversaires.

Le «recrutement», pour ne citer que lui, de Abderrahim Bouaïda, l’ancien président de Guelmim-Oued Noun, qui arborait les couleurs du RNI dont il a été évincé, s’inscrit dans cette veine. Parallèlement, son parti, dans l’opposition depuis maintenant 8 ans, compte bien tirer profit du nouveau quotient électoral, qui marque une inflexion majeure dans le développement de la démocratie participative et va certainement conduire à une reconfiguration profonde du microcosme politique marocain.

Les ambitions du PI, qui déploie méthodiquement sa stratégie de reconquête de l’électorat, avec comme postulat «l’égalitarisme social et économique» revendiqué par Baraka, risquent cependant d’être contrariées par l’autre formation politique donnée favorite, le RNI, dont le leader, Aziz Akhannouch, ne cache pas ses ambitions de tenir les rênes de l’Exécutif. Le parti de la colombe a, dans ce cadre, lancé une grande offensive pour toucher la masse populaire, à travers notamment son programme «100 jours 100 villes».

Objectif : être à l’écoute des vraies préoccupations des citoyens et connaître les problèmes de ces villes, ce qui permettra à l'avenir de faciliter la tâche aux élus du parti en termes d'accomplissement et d'efficacité. D’ailleurs, selon le bilan dressé par la formation politique, «ce programme ambitieux a permis de communiquer avec plus de  35.000 citoyens, d'identifier et de classer les villes sur la base d'un ensemble d'indicateurs tels que le chômage, la pauvreté et la densité de population». Cela suffira-t-il cependant à séduire l’électorat populaire ? Difficile de le dire, d’autant que le RNI risque de souffrir de deux handicaps :

Primo : en faisant partie de la majorité, il est également comptable du bilan gouvernemental;

Secundo : il traine derrière lui l’image d’un parti élitiste, avec une brochette d’hommes d’affaires symbolisant la réussite; tout ce que semblent honnir certains citoyens, encore davantage en ces temps de crise.

Quid du PJD ?

Convenons-en, le PJD est dans une posture moins favorable que lors des précédentes élections. En effet, après dix ans au pouvoir et des compromis que certains jugent douteux, voire à l’opposé de ses références idéologiques, les islamistes n’ont plus leur verve d’antan. Surtout, le parti offre l’image d’une formation politique divisée, où les dissensions et les querelles intestines sont nombreuses.

Avec en toile de fond une guerre de deux clans : celui de Saad Eddine El Otmani, secrétaire général du parti et actuel chef du gouvernement, et l’autre porté par l’ex-SG, Abdelilah Benkirane, qui a, le moins que l’on puisse dire, «pourri» la législature de son successeur. Or, ce qui a toujours fait la force des islamistes, c’est leur unité et une adhésion unanime autour des valeurs qu’ils incarnaient.

Aujourd’hui, la ligne du parti est fortement décriée en interne, poussant mêmes certains cadres à demander la démission de El Otmani. Avec une telle fracture, le PJD a-t-il les chances de rempiler pour un troisième mandat ? En tout cas, outre le fait qu’il soit aussi comptable du bilan gouvernement, il aborde en plus les prochaines échéances avec un gros handicap : le nouveau quotient électoral qu’il a vivement contesté, mais qui a été validé par le Conseil constitutionnel.

Le calcul du quotient électoral sur la base des inscrits aux listes électorales au lieu des suffrages exprimés va, en effet, pénaliser le parti de la lampe, qui risque de se retrouver avec moins de sièges au sein de la représentation nationale. «Le PJD de 2015 n’est pas le même parti que celui de 2021. Plusieurs éléments devraient jouer en sa défaveur lors des prochaines élections, notamment la grogne sociale qui sévit actuellement et qui touche de nombreux secteurs, ou encore la gestion de certains dossiers comme ceux relatifs à la libéralisation des hydrocarbures et aux enseignants contractuels», analyse le politologue Mohamed Belmir.

De même, poursuit-il, «le nouveau quotient électoral adopté dernièrement devrait réduire la percée du PJD d’au moins 20%, si l’on tient compte des différentes projections. Il sera donc difficile pour le parti de réaliser le score obtenu lors des dernières élections». De plus, «le parti a longtemps bénéficié de l’image de Benkirane qui est un monstre politique. C’est un bon orateur et un bon communicant qui emploie un discours simple, sans langue de bois, apprécié par un certain lectorat. Ce qui n’est pas le cas pour El Otmani», ajoute Belmir.

Néanmoins, enterrer si tôt le PJD serait une erreur, car ce serait négliger la force de frappe que constitue sa base électorale. Une base fidèle, qui a su se mobiliser lors des échéances importantes. A moins que cette dernière ne se reconnaisse plus dans les idéaux véhiculés par le parti de la lampe. L’avenir nous le dira. Mais à l’évidence, ce nouvel exercice démocratique qui approche, pourrait être décisif pour l’avenir du PJD, qui risque d’être disloqué s’il perd les élections. 

 

 

 

 

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