Le seuil électoral se trouve au coeur d’une discorde opposant, d’une part, les partisans d’une représentativité parlementaire élargie à l’ensemble des sensibilités politiques et, d’autre part, ceux qui mettent en garde contre la balkanisation du champ politique national. La question est au centre des concertations en cours autour des amendements à apporter à la loi organique relative à la Chambre des représentants.
Les tractations battent leur plein à l’approche des élections législatives 2016. Le ministre de l’Intérieur, Mohamed Hassad, ainsi que son collègue au gouvernement, Mustapha Ramid, ministre de la Justice et des Libertés, devraient recevoir ce mercredi 9 mars les chefs des partis politiques, issus de la majorité et de l’opposition, représentés ou non au Parlement. Au menu de cette rencontre très attendue, poursuivre les concertations et discuter des derniers préparatifs pour le prochain scrutin. Chaque parti est appelé à présenter sa «feuille de route» quant aux modifications à apporter aux lois électorales, concernant notamment le découpage, les listes électorales, la liste nationale des femmes et celle des jeunes, etc.
Mais de tous les sujets chauds animant ce débat politique, celui du seuil de représentativité électoral semble susciter le plus d’attention.
Entre ceux qui plaident pour un abaissement du niveau de ce seuil (fixé aujourd’hui à 6%) et ceux qui réclament son relèvement, la porte reste ouverte à toutes les supputations. Certains veulent le réduire à 3%, d’autres espèrent le supprimer définitivement, à l’opposé des partis qui veulent le ramener à 10%. Si rien ne change, seuls les partis détenant 6% des voix exprimées dans une circonscription électorale ont le droit de se représenter à la Chambre des représentants.
Deux grilles d’analyse, paradoxalement contradictoires, encadrent le débat suscité autour du seuil électoral. La première, selon laquelle le fait de le réduire risquerait d’éclater, voire de balkaniser le paysage politique national et, au lieu d’avoir 16 partis dans l’hémicycle, il y en aurait plus d’une trentaine. Pour les partisans du maintien, à leur tête le PJD, la balkanisation rendrait encore plus délicat l’exercice de formation d’une majorité gouvernementale. Plus le nombre de partis est élevé, moins le gouvernement sera homogène dans son ensemble.
Face à cet argument avancé par les défenseurs du statu quo, des voix s’élèvent pour crier à l’inconstitutionnalité du seuil électoral, en ce sens qu’il prive un pan entier de la population de se voir représenté au Parlement, remettant en cause le principe constitutionnel d’égalité des chances. Car le seuil actuel exclut de facto plusieurs courants jouissant d’une légitimité historique, politique et intellectuelle au sein de la société marocaine. D’aucuns pensent qu’une baisse de seuil à 3% bénéficierait au seul Parti socialiste unifié (PSU) qui a enregistré des résultats encourageants lors des communales du 4 septembre 2015. Et que pour pouvoir intégrer l’ensemble des sensibilités politiques, le seuil devrait être purement et simplement supprimé. En marge de ce débat houleux né des discussions sur le mode de scrutin, les sorties médiatiques de certaines figures politiques, issues de la majorité comme de l’opposition, laissent penser que toute modification du seuil électoral servirait les «petits partis en cas de baisse», et inversement, les «grands partis en cas de hausse». Omettant le triste constat qu’avec le seuil de 6%, le Maroc est loin d’atteindre le niveau rêvé de rationalisation du champ politique. La bipolarisation reste un mythe et elle le restera encore plus avec un seuil de 3%. Notons enfin qu’en l’absence d’une publication détaillée des résultats des législatives de 2011, aucune étude sérieuse n’est venue confirmer ou infirmer les arguments des uns et des autres. Le consensus est loin d’être atteint sur cette question précisément. Pis encore, au moment où nous mettions sous presse, le bureau politique du RNI a décidé de boycotter les travaux de la commission chargée de la préparation du scrutin du 7 octobre, et ce suite à l’inculpation, par le tribunal de première instance d’Agadir, de certains parlementaires, dont Brahim Hafidi, le président du Conseil régional Souss Massa, et Mohamed Bouhdoud Boudlal, l’ex-président de la municipalité d’Ouled Taima, poursuivis pour corruption lors des dernières élections. Ils ont écopé de trois mois de prison avec sursis, avec paiement d’une amende de 50.000 DH et interdiction de se présenter aux élections pour les deux prochains mandats.
Quotas des jeunes : Le débat demeure vif
Faut-il supprimer la liste nationale des jeunes ? Pas moins de 30 parlementaires (contre 60 femmes) ont accédé à la Chambre des représentants grâce à la discrimination positive instituée par la liste nationale lors des élections de 2011. Dans le cadre des amendements qui seront apportés à la loi organique sur la Chambre des représentants, le ministère de l’Intérieur a informé les chefs des partis politiques de son intention de supprimer la liste des jeunes et d’affecter les 30 sièges y afférents à la liste réservée aux femmes ou bien les réorienter vers les listes locales. Les jeunes des partis ne comptent pas baisser les bras. Les chefs des organisations de jeunesse des partis ont pris leur bâton de pèlerin pour défendre leur droit à une «discrimnation positive» auprès notamment du Chef de gouvernement. En fait, l’argument qui justifierait la suppression de cette liste, y voyant une sorte de «rente parlementaire» est en partie vrai, puisque certains leaders tiennent à placer leurs proches en tête de liste. Mais cela n’empêche de souligner la qualité du profil et du choix porté sur plusieurs parlementaires élus grâce à la fameuse liste, tous partis politiques confondus.
Wadie El Mouden