La crise du Qatar a semé le trouble dans les pays arabes et représente sans aucun doute la plus grande débâcle qu’ait connue le CCG (Conseil de coopération du Golfe) depuis sa création en 1981. Cette crise vient de franchir un nouveau seuil avec un ultimatum lancé par l’Arabie Saoudite au Qatar. Doha a 10 jours pour accepter la liste de 13 conditions formulées par les Émirats arabes unis et l’Arabie Saoudite. Parmi ces conditions figurent la fermeture de la chaîne de télévision Al Jazeera, la prise de distance avec les Frères musulmans et surtout avec la bête noire des alliés : l’Iran.
Cet ultimatum exclu pour le moment toute tentative de médiation et une sortie de crise paraît difficilement envisageable à court terme. L’Arabie saoudite semble écarter toute possibilité de médiation pour le moment : «Nous n’avons pas demandé de médiation, nous estimons que cette question peut être traitée entre les États du Conseil de coopération du Golfe», indique le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel al Djoubeirn.
Cette situation de crise a amené plusieurs pays à se prononcer sur la situation et expliquer leurs positions. Bien que le désamour des voisins soit clair, les réactions des pays du reste du monde diffèrent.
Donald Trump a été l’un des premiers à pointer du doigt le Qatar et à l’accuser. Ce dernier s’est manifesté à travers une série de tweets marquant sa prise de parti qui a choqué nombre de diplomates américains car ses dires contradictoires peuvent être lourds de conséquences… En revanche, Rex Tillerson, son secrétaire d’État, a adopté une position plus nuancée, soulignant qu’il est important que les pays du Golfe restent unis.
Il ne faut pas oublier que le Qatar abrite la plus grande base aérienne américaine servant de lutte contre les groupes djihadistes. Le discours du président américain a par la suite viré vers un appel au dialogue entre les parties et des vœux d’apaisement ont été formulés.
Selon le Huffpost, les États-Unis auraient signé, le 14 juin 2017, un contrat de vente d’avions de combat F-15 de plus de 12 milliards de dollars avec le Qatar. Et ce après avoir signé un contrat le 20 mai avec l’Arabie Saoudite, de plus de 380 milliards de dollars, dont 110 milliards de dollars de ventes d’armements.
La Turquie a, pour sa part, annoncé sa volonté d’intensifier ses relations avec le Qatar. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a affirmé que son pays continuera à faire preuve de soutien envers l’émirat, tout comme ce dernier l’a fait lors du putsch militaire, le 15 juillet 2016. Il n’a pas manqué de critiquer les sanctions prises à l’égard de ce dernier.
Ce n’est pas le cas des voix françaises annonçant qu’il était peut-être temps de mettre fin aux accords favorisant le Qatar et pensent aussi mettre un terme à son exemption fiscale en tant qu’investisseur très important dans l’Hexagone. Sur le continent africain, des pays comme le Sénégal, tout comme la Mauritanie, n’ont pas hésité à se ranger du côté de l’Arabie Saoudite.
Qu’en est-il du Maroc ?
Le Royaume a annoncé le 12 juin 2017, sa neutralité face à ce conflit, et a mis en avant ses qualités de médiateur en proposant aux deux parties de communiquer en vue de trouver une solution mutuellement acceptable.
À la même date, le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, s’est rendu à Koweït City, pour transmettre un message de soutien du Roi Mohammed VI pour tous les efforts entrepris par l’émir koweïti pour amener les deux parties en conflit à dialoguer.
Il ne s’agit pas pour le Maroc de prendre parti, ni de profiter de cette crise comme le feraient d’autre pays, mais plutôt préserver la stabilité des pays du CCG.
Le Royaume s’est démarqué en faisant preuve de solidarité envers le Qatar qui importe plus de 90% de ses besoins, tout en prenant soin de préciser qu’il ne s’agit aucunement d’un acte politique. Des avions chargés de produits alimentaires ont atterri à Doha.
Le Qatar se défend comme il peut
Le Qatar est accusé de financer le terrorisme. Selon le Financial Times qui cite des sources proches de l’affaire, l’émirat aurait versé des rançons dont la valeur s’élève à plus d’un milliard de dollars à un groupe djihadiste lié à Al Qaida et dit Tahrir al-sham. Ces versements auraient servi à libérer des membres de la famille qatarie pris en otage par des islamistes irakiens chiites. Pour nombre d’observateurs, ces versements serviraient à financer le terrorisme.
Ce qui aurait contribué davantage à mettre de l’huile sur le feu, est le discours de l’émir qatari Ben Hamad Al-Thani tenu le 23 mai 2017, où il aurait fait preuve de complaisance envers l’Iran, ennemi de l’Arabie Saoudite. Un discours qualifié de faux par les autorités qataries qui affirment avoir fait l’objet d’une cyberattaque. Des enquêtes sont d’ailleurs ouvertes depuis pour le prouver.
L’infirmation de ces paroles n’a pas eu d’effet, car le 6 juin, le petit émirat s’est vu mis au ban par ses principaux alliés, à savoir les Émirats Arabes Unis, l’Arabie saoudite et l’Égypte qui ont annoncé la rupture de leurs relations diplomatiques.
De son côté, Doha continue à rejetter et démentir toutes les accusations, criant à la machination. Selon le quotidien français Le Monde, un familier de la Cour de l’émir atteste que «les Qataris sont persuadés que toute cette affaire a été planifiée de longue date dans le but de les mettre à genoux, de transformer leur émirat en un Etat-croupion. Le prince qatari est prêt au dialogue, mais pas sous la pression».
Le Qatar est-il réellement coupable ou est-il victime d’un plan dans le seul objectif d’attiser le conflit au Moyen-Orient ? La question reste posée.
Isolé, l’émirat a non seulement perdu la confiance de ses partenaires et subi des mesures de rétorsion lourdes pour son économie.
Devant ce rapport de force, l’on peut se demander, à juste titre, combien de temps le Qatar pourra-t-il résister à cette pression et quel sera surtout le devenir de la CCG ?
Par Nouhaila Darii (stagiaire)