Du 14 au 16 avril, Marrakech a accueilli la troisième édition du Gitex Africa, sous le haut patronage du Roi Mohammed VI. Plus de 45.000 participants et 1.400 exposants venus de 130 pays ont convergé pour faire de cet événement la plus grande vitrine du numérique sur le continent.
Dossier réalisé par A. Hlimi, Y. Seddik et K. Aourmi / Photos : S. Zefri
Plus qu’un salon, Gitex Africa 2025 a incarné une ambition : faire de l’Afrique non plus un simple consommateur de technologies, mais un acteur stratégique de leur production, de leur régulation et de leur souveraineté. La cérémonie d'ouverture a été introduite par une intervention vidéo du Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch.
Dans un discours aux accents stratégiques, il a souligné que Gitex Africa s’est imposé comme «le cœur battant de l’innovation sur le continent africain, une plateforme de fertilisation croisée des idées et d’unification des volontés». Ce propos a été l’occasion de replacer le numérique au centre des mutations structurelles à l’œuvre en Afrique. Face à l’essor de l’intelligence artificielle et à la montée des tensions géopolitiques liées à la donnée et à la technologie, il a appelé à renforcer les mécanismes de souveraineté numérique.
«Les cyberattaques, souvent orchestrées par des entités malveillantes, nous obligent à penser collectivement à des mécanismes renforçant notre sécurité informationnelle», a-t-il averti. Cette édition s’est tenue dans un contexte d’accélération globale des investissements en IA, et le Maroc a réaffirmé sa volonté de ne pas rester spectateur. À travers sa stratégie «Maroc Digital 2030», le Royaume entend articuler modernisation des services publics, inclusion numérique, formation des talents et déploiement d’infrastructures souveraines.
L’intervention d’Amal El Fallah Seghrouchni, ministre déléguée chargée de la Transition numérique, a apporté un éclairage complémentaire sur les leviers activés à l’échelle nationale. Selon elle, «le choix du Maroc pour abriter Gitex Africa est le fruit du travail continu visant à faire du Royaume un pôle numérique régional, sous les hautes orientations de Sa Majesté le Roi Mohammed VI». La ministre a aussi souligné que «plus de 40% des entreprises présentes proposent des solutions liées à l’IA», un chiffre qui illustre «la transition de l’Afrique vers une nouvelle décennie technologique, où l’intelligence artificielle devient un levier de souveraineté et de compétitivité».
De la tech verte à la 5G
L’édition 2025 a marqué un tournant avec l’introduction de nouveaux axes structurants. Le salon a mis à l’honneur la HealthTech, l’AgriTech, l’EdTech et la SporTech. L’espace Green Impact a permis de mettre en lumière les efforts du Royaume en matière de transition verte, avec la participation d’acteurs comme Engie, l’AMEE, InnovX et l’OCP. Des solutions pour l’optimisation de l’agriculture, la sécurité alimentaire, l’énergie renouvelable ou encore la mobilité intelligente ont été largement valorisées.
Dans le même esprit, le sommet «Africa Future Connectivity» a réuni les grands opérateurs télécoms et les leaders du cloud autour des enjeux d’infrastructure, de connectivité et de 5G. L’objectif a été clair: renforcer les bases matérielles de la transformation numérique du continent. Parallèlement, la cybersécurité s’est imposée comme un axe prioritaire. Le Cybersecurity Forum, intégré pour la première fois de manière aussi visible dans le programme, a permis d’aborder les vulnérabilités systémiques des infrastructures africaines face à la montée des cybermenaces. Les discussions ont porté sur la résilience, la régulation, les outils de détection et la mutualisation des compétences à l’échelle continentale.
Un programme tremplin pour les talents numériques du Royaume
Dans cette dynamique, le programme Morocco 200 a offert à 200 startups marocaines un tremplin de visibilité inégalé. Lancée par le ministère de la Transition numérique et de la Réforme de l’Administration, en partenariat avec l’ADD, cette initiative a permis à ces jeunes entreprises de bénéficier d’une prise en charge à 95% pour leur participation au salon.
Chaque structure a eu accès à un stand, à des bootcamps de préparation et à plus de 600 rendez-vous B2B avec des investisseurs et partenaires internationaux. Seghrouchni a rappelé que cette initiative visait à «favoriser l’internationalisation des startups marocaines et à dynamiser leur présence sur la scène technologique mondiale».
Sur les 200 entreprises sélectionnées, 34 ont été fondées par des femmes. L’intelligence artificielle a représenté 13% des projets retenus, suivie par la logistique, la mobilité, la fintech, l’edtech, la santé et l’agritech. Certaines d’entre elles ont également participé au Supernova Challenge, compétition phare du salon. Tout au long des trois jours, Gitex Africa 2025 a proposé une immersion dans un continent en pleine transition, où la technologie devient non seulement un levier économique, mais aussi un outil d’autonomie stratégique. L’affluence record, la densité des échanges, la qualité des panels et la diversité des acteurs présents ont démontré que l’Afrique ne souhaite plus simplement rattraper son retard, mais bien tracer sa propre voie.