Le Maroc dispose d’un potentiel important d’entreprises transmissibles, mais ce vivier demeure mal exploité, d’où la nécessité de revoir les rouages de fonctionnement de ce processus, surtout sur le plan fiscal.
Ce frein peut mener l’entreprise à la déchéance en cas de difficulté de transmission. Un benchmark est nécessaire pour s’inspirer des expériences de certains pays.
La transmission d’entreprises constitue une problématique d’envergure au Maroc. Par transmission, on entend la cession de la propriété de l’entreprise, c’est-à-dire le pouvoir décisionnel ou managérial.
Cette cession peut être totale ou partielle, choisie ou subie à travers une vente directe, une succession familiale, un acte à titre gratuit (donation) ou la Bourse. Elle se fait soit par des titres de participation ou de fonds de commerce. Mais le volet fiscal est toujours cité comme handicap majeur pour cette succession. C’est dans ce cadre que Brahim Bahmad, expert-comptable, a animé récemment une conférence organisée par la Chambre française de commerce et d’industrie au Maroc (CFCIM) sous le thème : «La fiscalité, un frein pour la transmission de l’entreprise». L’intervenant révèle que 15% des entreprises disparaissent, car la transmission est mal ficelée et ne se fait généralement pas en douceur. «Une entreprise liquidée, cela implique nécessairement une perte de valeur ajoutée, des recettes fiscales, d’emplois et des drames sociaux», souligne-t-il. Au Maroc, il n’existe pas encore de véritable culture de la transmission d’entreprises. Celle-ci est mal appréhendée, à tel point que les intervenants impliqués préfèrent transmettre leurs activités à des proches, même si ces derniers n’ont pas toujours la capacité nécessaire et suffisante pour les diriger, ce qui peut remettre en cause la pérennité de l’entreprise.
«Plusieurs entrepreneurs marocains ont fondé leurs entreprises au cours des années 80. Ils ont atteint l’âge de la retraite ou ne peuvent plus physiquement assumer la fonction de diriger leur entreprise, ce qui leur impose de la transmettre», souligne Bahmad. En effet, le Maroc dispose d’un potentiel important d’entreprises transmissibles mais ce vivier demeure mal exploité, d’où la nécessité de revoir les rouages de fonctionnement de ce processus. Une transmission d’entreprises soulève une question importante : qui va reprendre le flambeau ? Qu’il s’agisse des enfants de l’entrepreneur, de l’équipe dirigeante actuelle ou d’une équipe dirigeante venue de l’extérieur, toute succession se doit d’être minutieusement planifiée.
Fiscalité pesante
La fiscalité est jugée lourde par les personnes désirant la transmission. Concernant la cession des titres de participation de personnes physiques, elle est soumise au taux de 20% de la plus-value dans le cadre de l’IR. Et dans la limite de 38% dans le cas de l’IS. Le cessionnaire paye également 4% pour les droits d’enregistrement, alors que pour un fonds de commerce, ces droits s’élèvent à 6%. La donation est imposée à 20% sauf en cas de lien de parenté (ascendants, descendants, entre époux, frères et sœurs).
Pour les droits d’enregistrement, la donation est soumise au taux de 4% et de 1,5% en cas de lien de parenté. «Les impôts et taxes ne sont pas déductibles s’agissant des personnes physiques, alors qu’ils le sont pour les personnes morales. La transmission risque d’être compromise à cause de la contrainte fiscale», explique Bahmad.
Le tissu marocain étant composé essentiellement de PME qui participent activement à la création d’emplois et à l’amélioration de la compétitivité, leur survie et leur pérennité sont primordiaux pour l’économie nationale.
«L’héritage de fonds de commerce présente des risques pour la continuité d’exploitation. Avec l’indivision, tous les héritiers ont la qualité de commerçants», affirme Bahmad.
Le conférencier a dévoilé les problématiques majeures de la transmission qui ont trait au contrôle fiscal et au parcours du combattant pour enregistrer les titres.
A cet égard, il a évoqué la possibilité de la constitution préalable d’un holding familial qui présente plusieurs avantages, notamment fiscaux. En effet, le cessionnaire peut donner une part importante à ses héritiers sans pour autant perdre le contrôle de sa société et éviter une dispersion des titres. Ce procédé va aussi permettre au successeur de prendre le contrôle du groupe et d’être majoritaire dans la société d’exploitation. En l’absence de successeur ou pour des raisons intrafamiliales, le propriétaire a la possibilité de vendre à un repreneur tiers.
Par ailleurs, Bahmad s’est interrogé sur l’absence de dispositif pour les personnes qui veulent transmettre leurs entreprises sous l’effet de l’âge et aussi pour les entreprises en difficulté. A cet effet, le Maroc peut s’inspirer des expériences de certains pays. La France prévoit des dérogations fiscales pour la cession d’un fonds de commerce dont la valeur est inférieure à 500.000 euros.
En Tunisie, l'Etat a prévu des clauses en faveur des entreprises en difficulté.
C. Jaidani