À l’occasion de la deuxième édition du Visa Fintech Day à Casablanca, Leila Serhan, Senior Vice-President and Group Country Manager Visa, North Africa, Levant & Pakistan, revient sur les engagements de l’entreprise en faveur de l’écosystème fintech au Maroc. Innovation, inclusion financière et intelligence artificielle sont au cœur d’une stratégie qui vise à bâtir une économie numérique plus résiliente, inclusive et tournée vers l’avenir.
Propos recueillis par K. A.
Finances News Hebdo : Visa multiplie ses initiatives au Maroc et à travers l’Afrique. Quels sont aujourd’hui vos principaux axes d’intervention dans l’écosystème fintech local ?
Leila Serhan : Chez Visa, nous nous considérons comme le réseau des réseaux et le partenaire de référence pour l’innovation digitale à travers l’Afrique. Au Maroc, notre approche repose sur un engagement actif en faveur du développement d’un écosystème fintech résilient et inclusif. Nous concentrons nos efforts autour de trois piliers stratégiques. Premièrement, nous avons à cœur de soutenir les fintechs à travers des programmes dédiés, comme le Visa Africa Fintech Accelerator et le Visa Everywhere Initiative, conçus pour leur fournir les outils, les financements et la portée mondiale nécessaires pour se développer. Deuxièmement, nous œuvrons à promouvoir des paiements numériques sûrs et inclusifs, avec une attention particulière portée aux populations sous-desservies et aux PME. C’est dans ce cadre que nous déployons des technologies comme Tap-to-Phone, qui permet aux microentreprises et petits commerçants d’accepter les paiements simplement via leur smartphone. Enfin, nous sommes résolument tournés vers l’avenir, en accélérant l’innovation portée par l’intelligence artificielle, avec l’introduction de solutions de nouvelle génération telles que le Visa Flexible Credential, qui redéfinit l’expérience de paiement. Toutes ces initiatives s’inscrivent dans la droite ligne de la stratégie Maroc Digital 2030, et nous sommes fiers d’être un catalyseur durable de la transformation digitale du pays.
F. N. H. : Vous avez lancé un programme d’accélération dédié. Quels résultats concrets avez-vous observés, notamment du côté des startups marocaines ?
L. S. : Le Visa Africa Fintech Accelerator, lancé en 2023, porte déjà ses fruits avec des résultats concrets et prometteurs. Je suis particulièrement fière que deux startups marocaines innovantes aient été sélectionnées pour faire partie de notre toute première cohorte. La première, Chari, est une plateforme B2B qui collabore avec Visa pour accélérer la digitalisation des PME, notamment dans les zones sous-desservies au Maroc et en Afrique du Nord. La seconde, PayTic, accompagne les institutions financières dans l’amélioration de leurs dispositifs de contrôle des risques et dans l’optimisation de leurs opérations back-office, contribuant ainsi à renforcer l’efficacité des systèmes de paiement digitaux. Ces deux startups ont bénéficié d’un accompagnement dédié, d’un mentorat sur-mesure, d’un soutien technique et d’un accès privilégié au réseau mondial de Visa. Notre confiance en leur potentiel s’est vue renforcée lorsque nous avons annoncé des partenariats stratégiques avec elles lors du Gitex Africa, illustrant notre conviction selon laquelle les solutions locales sont les mieux placées pour répondre aux enjeux locaux. Nous sommes impatients d’accueillir d’autres startups marocaines dans nos prochaines promotions. D’ailleurs, les candidatures pour la cinquième cohorte sont actuellement ouvertes jusqu’au 15 août 2025, pour les startups africaines en phase Seed jusqu’à la Série A.
F. N. H. : À votre avis, quels sont les leviers les plus efficaces pour renforcer les partenariats public-privé en faveur de la digitalisation des paiements au Maroc ?
L. S. : Je me rends régulièrement au Maroc dans le cadre de nos engagements avec nos partenaires locaux, et je suis convaincue que le pays a déjà posé des bases solides pour sa transformation digitale. La prochaine étape consiste à amplifier ces efforts grâce à des collaborations renforcées. Pour y parvenir, plusieurs leviers clés s’imposent. Tout d’abord, l’instauration d’un environnement réglementaire favorable est essentielle. Des dispositifs tels que les sandboxes réglementaires qui permettent de tester des solutions innovantes en toute sécurité, sans compromettre la protection des consommateurs. Cela va de pair avec le développement d’infrastructures communes, car l’interopérabilité est un facteur clé. Lorsque des institutions financières, fintechs et régulateurs collaborent autour de systèmes sûrs et interconnectés, c’est tout l’écosystème qui en bénéficie. Il est également fondamental d’adopter une approche constructive et inclusive des politiques publiques, afin de combler la fracture numérique grâce à des initiatives ciblées et des programmes d’éducation financière pour les TPE/PME et les zones rurales. Enfin, le dialogue permanent entre tous les acteurs est crucial. Des initiatives comme le Visa Fintech Day peuvent jouer un rôle important en facilitant des échanges transparents entre régulateurs, banques et entrepreneurs. Chez Visa, nous considérons notre rôle comme un pont dans cet écosystème, en aidant à coordonner et à relier l'innovation technologique à une infrastructure financière fiable et agile.
F. N. H. : Comment Visa utilise-t-elle aujourd’hui l’intelligence artificielle pour rendre les services financiers plus accessibles dans des marchés comme le Maroc ?
L. S. : Nous voyons l’intelligence artificielle comme un levier de transformation majeur pour améliorer l’accès, la sécurité et la personnalisation des services financiers. Elle constitue un pilier central de notre stratégie d’innovation. Dans le cadre de notre Global Product Drop 2025, nous avons dévoilé plusieurs innovations alimentées par l’IA, spécifiquement pensées pour des marchés comme le Maroc. Parmi elles, Visa Intelligent Commerce, une solution qui permettra à des agents intelligents d’exécuter des transactions de manière autonome pour le compte des utilisateurs, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle génération d’expériences d’achat intelligentes. Nous avons également lancé le Visa Flexible Credential, une carte innovante qui offre aux consommateurs la possibilité de passer aisément d’un mode de paiement à un autre comme le débit, crédit ou «Achète maintenant, paies plus tard», à partir d’un seul et même support. Pour les micro-commerçants, les solutions Visa Accept et Visa Pay étendent les capacités de paiement digital à travers des portefeuilles numériques simples et accessibles. Enfin, l’IA joue un rôle fondamental dans la gestion des risques et la prévention de la fraude, garantissant la sécurité des expériences digitales, notamment pour les personnes qui les découvrent pour la première fois. Afin de déployer ces innovations de manière responsable et sécurisée, nous collaborons étroitement avec des leaders mondiaux de l’IA comme OpenAI, Microsoft et Mistral AI, dans le but de garantir que ces technologies soient interopérables, fiables et réellement impactantes dans les contextes africains.
F. N. H. : Les grands tournois comme la CAN et la WAFCON deviennent des vitrines technologiques majeures. En quoi représentent-ils une opportunité pour Visa ?
L. S. : Les grands événements sportifs comme la CAN et WAFCON vont bien au-delà du football : ce sont des moments d’unité culturelle puissants, qui deviennent aussi des plateformes d’opportunités digitales. Pour Visa, ces compétitions sont l’occasion idéale de se connecter aux communautés à grande échelle. Elles nous permettent de démontrer concrètement les usages des paiements numériques et sans contact dans des environnements à fort trafic, que ce soit pour l’achat de billets, de nourriture ou de produits dérivés. Ce type de déploiement contribue activement à l’inclusion financière, en permettant à des milliers de supporters - souvent issus d’économies encore très tournées vers le cash - de découvrir par euxmêmes la sécurité, la simplicité et la rapidité des paiements digitaux. Ces événements constituent également une vitrine de l’innovation locale, à travers des activations commerçantes et des démonstrations de solutions fintech mises en place autour des tournois. Enfin, ces moments nous permettent de renforcer la confiance, de créer un lien émotionnel fort avec les communautés autour d’une passion partagée, et d’aller au-delà de l’infrastructure. Nous comptons pleinement tirer parti de ces moments uniques pendant la Coupe d’Afrique des Nations 2025 au Maroc, pour démontrer ce que sera l’avenir du commerce digital en Afrique.
F. N. H. : Enfin, quelle est votre vision du rôle de Visa dans la transformation digitale du continent à l’horizon 2030 ?
L. S. : Notre vision est claire et constante : permettre à chacun, partout dans le monde, de payer et d’être payé de la meilleure façon possible. D’ici 2030, nous voulons contribuer activement à l’émergence d’une Afrique entièrement connectée et centrée sur le digital, et cela inclut bien évidemment le Maroc. Nous ne nous contentons pas d’ambitions : nous les soutenons par des actions concrètes. Nous avons ainsi engagé un investissement d’un milliard de dollars en Afrique d’ici 2027, pour accélérer l’innovation, renforcer les infrastructures et soutenir les talents locaux. Notre objectif est de permettre l’émergence de systèmes de paiement interopérables, sûrs et inclusifs, capables de soutenir aussi bien l’économie formelle qu’informelle. Un volet essentiel de cette mission consiste à accompagner la prochaine génération de leaders de la fintech à travers le mentorat, le financement et la visibilité internationale. Bien entendu, tout cela ne peut se faire qu’en étroite collaboration avec les gouvernements et les régulateurs, pour garantir que la confiance, la sécurité et l’inclusion restent au cœur de l’innovation financière. La transformation digitale de l’Afrique n’est pas une vision lointaine : elle est en marche. Et chez Visa, nous sommes fiers de contribuer à cette évolution, non seulement en tant que fournisseur de technologies, mais aussi en tant que partenaire engagé sur le long terme.