Le sidérurgiste compte doubler son EBITDA à horizon 2026.
Pour y parvenir, un budget d'investissement de près de 100 MDH par an sera mobilisé.
Le management de Sonasid, avec à sa tête l'expérimenté Ismail Akalay, a présenté les principales orientations stratégiques de l'aciériste à la presse récemment.
Par A. H
La décarbonation est le principal fer de lance de cette stratégie. «Etre capable de mettre sur le marché, peut-être même avant les Européens, un acier vert comme celui de Sonasid, qui provient à 85% d'énergie verte et qui pourrait atteindre 100% avec le parc photovoltaïque que nous construisons avec Nareva à Nador et qui sera opérationnel avant 2023, nous permettra d'être extrêmement compétitifs à l'export vers l'Europe», a indiqué d'emblée Ismail Akalay. L'Union européenne va lancer une taxe énergie verte qui cible l'acier.
Dès 2023, l'Union va recenser les exportateurs qui produisent l'acier vert pour, en 2026, lancer cette taxe carbone dédiée à l'acier et qui sera pénalisante pour les sidérurgistes. Mais Sonasid, qui a pris les devants depuis quelques années déjà, considère cette taxe comme une véritable opportunité pour écouler son acier en Europe. Ismail Akalay nous assure que plusieurs pays européens, dont les Turcs, n'auront pas le temps de se mettre à niveau d'ici 2026. «Nous pourrons être parmi les premiers producteurs d'acier à mettre sur le marché européen un produit totalement vert», s'est-il félicité.
Du carbone à revendre...
Sonasid économise actuellement quelque 200.000 tonnes de carbone par an. Et aujourd'hui, le crédit carbone se vend à 80 euros la tonne. Cela permettrait à Sonasid de réaliser des produits financiers de 16 MDH aux cours actuels si elle écoule ses crédits carbone. Cependant, les crédits carbone marocains ne sont pas encore reconnus sur les Bourses européennes. «Les autorités marocaines sont conscientes de cette problématique. On en discute et elles travaillent sur le dossier pour que nous puissions être reconnus sur le marché international et pouvoir vendre nos crédits carbone», fait savoir Akalay. A noter que ArcelorMittal, actionnaire de référence de Sonasid, paie des montants importants en crédits carbone chaque année en Europe. Mais elle ne peut pas faire de compensation avec ses filiales.
De nombreux projets au Maroc
En attendant l'autoroute de croissance en Europe, Sonasid reste bien positionnée sur de nombreux chantiers au Maroc. Le management fait le pari de la construction de six barrages par an. Chaque barrage peut consommer 8.000 tonnes d'acier. La société est également positionnée sur le port de Nador, qui est en construction, avec de plus de 120.000 tonnes d'acier consommées. Sonasid est également sur le port à phosphates de Laâyoune, qui va consommer 50.000 tonnes d'acier. La société attend aussi le projet du port de Dakhla qui pourrait consommer quelque 100.000 tonnes d'acier, le TGV Casablanca-Marrakech, en plus des autres projets structurants en dehors du bâtiment. A noter que les aciéristes marocains ont une capacité installée de 3 millions de tonnes, alors que la demande nationale se stabilise à 1,2 million de tonnes. Concernant Sonasid, son unité de Jorf Lasfar tourne à 80% de ses capacités de production et celle de Nador à 40%. Un chiffre qui va augmenter avec le potentiel à l'export vers l'Europe de l'acier vert.
Production de la fibre d'acier au quatrième trimestre 2022
En plus du BTP, Sonasid souhaite se positionner sur des produits à plus haute valeur ajoutée. Dans ce sens, une première gamme de produits sera lancée au quatrième trimestre de cette année. Il s'agit de la fibre d'acier qui est réalisée avec une technologie brevetée par ArcelorMittal et destinée à 80% aux marchés export. Essentiellement les Etats-Unis et l'Europe, nous confie Ismail Akalay. Ce produit utilisé dans le bâtiment permet de renforcer le béton à moindres coûts. La zone de libre échange continentale africaine (ZLECAF) est également un relais identifié par Sonasid. Actuellement, les droits de douane rendent les marchés subsahariens peu intéressants. Mais avec la mise en place de cette zone, Sonasid pourrait y écouler quelque 8 millions de tonnes immédiatement, étant plus compétitives que les Turcs et les Chinois qui opèrent actuellement sur place.
Sonasid souhaite à moyen terme s'attaquer également aux constructeurs automobiles locaux. Mais pour l'heure, ce marché est encore petit et ne justifie pas d'investir dans des lignes de production dédiées. L'acier anti-sismique est également à l'étude. Pour ses projets et d'autres comme celui de la production d'armes au Maroc, une cellule de R&D a été montée pour développer de nouveaux produits. «Nous devons profiter du fait que le secteur est en haut de cycle pour investir, nous diversifier et poursuivre nos efforts de maîtrise des coûts», résume, lucide sur la situation, Ismail Akalay, pour qui la crise en Ukraine n'a pas modifié substantiellement les fondamentaux du marché de l'acier. Mais la demande devrait porter les prix après la guerre, notamment pour la reconstruction de l'Ukraine.
Doubler l'EBITDA en 2026
Ismail Akalay nous a annoncé que Sonasid souhaite doubler son EBITDA à horizon 2026. Pour ce faire, des investissements de près de 100 MDH/an seront nécessaires, nous précise Youssef Hbabi, directeur financier du groupe. Rappelons que la société affiche un EBITDA de 315 MDH en 2021, contre 118 MDH en 2020 et 109 MDH en 2019. Pour le responsable financier, les investissements précédents de Sonasid avaient pour objectif de maintenir l'outil de production et de lutter contre sa vétusté. Mais, désormais, les CAPEX des années à venir auront pour principal objectif de générer de l'EBITDA. Désendettée, la société dispose d'un trésor de guerre pour concrétiser ses investissements : 950 MDH de cash.