C'est une conception différente qu'ont les deux majors marocaines pour «pricer» les risques macro dans leurs pays d'implantation. Alors que la Banque Populaire va commencer dès cette année à provisionner le risque pays, Attijariwafa bank adopte une démarche proactive en anticipant «le fait du prince». L'explication de ces idéologies différentes provient du mode d'implantation. Attijariwafa bank exporte sa marque en ciblant des zones précises en y allant filiale par filiale, pays par pays, tandis que le Groupe Banque Populaire avait pris le contrôle de plusieurs banques (7) d'un coup, avant de les consolider dans une holding. Les démarches diffèrent, les risques aussi. Tour d'horizon.
La Banque Populaire va révolutionner son contrôle des risques. «A partir de cette année, nous allons commencer à provisionner le risque pays». C'est ce qu'a déclaré Hassan El Basri, Directeur général Gestion globale des risques du Groupe Banque Populaire, lors d'une conférence sur l'internationalisation des banques marocaines organisée par Toulouse Business School. Une nouvelle catégorie de risques qu'il ne faut pas confondre avec les risques souverains. Selon la définition de l'OCDE, le risque pays est composé du risque de transfert et du risque de convertibilité. C'est-à-dire le risque qu’un gouvernement impose par des contrôles sur les mouvements de capitaux ou sur les devises qui empêchent une entité de convertir la devise locale en devise étrangère et/ou de transférer des fonds vers des créanciers situés en dehors du pays. Le risque pays comprend aussi les cas de force majeure (par exemple : guerre, expropriation, révolution, troubles civils, inondations, tremblements de terre). Les classifications de risque pays ne sont pas des classifications de risque souverain et ne devraient donc pas être comparées à ces dernières, établies par les agences de notation. Conceptuellement, les classifications de risque pays sont proches des «plafonds-pays» calculés par certaines des plus grandes agences de notation. Autrement dit, le risque souverain «s'arrête» à la solvabilité du pays.
A travers ce nouveau modèle de gestion des risques, le Groupe BP cherche à devenir plus efficient, avec un coût du risque encore plus représentatif de l'aspect politique. Bien sûr, cela peut avoir un impact négatif sur sa profitabilité et ses fonds propres. C'est le revers de la médaille.
Le fait du prince chez Attijariwafa bank
Ismail Douiri, DG du Groupe Attijariwafa bank, également présent à cette conférence, a, lui, expliqué préférer un pricing initial des risques politiques (avant implantation). L'idée est de se prémunir contre ce qu'il a appelé «le fait du prince». Un principe qui désigne un acte arbitraire du gouvernement, comme par exemple une rupture unilatérale d'un contrat ou d'une procédure. La théorie du fait du prince prévoit que le cocontractant de l'administration a alors droit à une indemnisation intégrale des frais causés par cette mesure, si celle-ci a perturbé la réalisation des travaux prévus par le contrat. En d'autres termes, pour se prémunir contre le fait du prince, Attijariwafa bank cible d'abord les pays où le circuit diplomatique est bien huilé. Les deux banquiers sont par ailleurs revenus sur ce qui les a poussés à aller à l'international. Dans les deux cas, le marché domestique était saturé et il fallait trouver des relais de croissance. Aujourd'hui, ces banquiers estiment que le poids du secteur bancaire au Maroc, considéré comme surdimensionné il y a quelques années, est maintenant un facteur stabilisateur.
Les risques pris à l'international sont compensés par la stabilité de leurs portefeuilles au Maroc, ce qui leur donne un profil de rendement/risque meilleur que ceux de leurs concurrents internationaux. Référence ici aux banques françaises dont la suprématie historique dans la région a été remise en cause par les banques marocaines en l'espace d'une décennie.
Adil Hlimi