Les situations de déséquilibre que soulèvent les deux régimes du secteur public, le CMR-RPC et le RCAR, militent pour l’accélération de la mise en place de la réforme systémique.
Par A. Hlimi
“Si nous n'intervenons pas, le régime des retraites connaîtra un effondrement total en 2028», avait prévenu le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, en janvier 2022. S'exprimant à la télévision à l'occasion des 100 jours du gouvernement, il avait assuré que la réforme des retraites serait achevée durant son mandat. Ce pari est-il tenable pour une aussi impopulaire réforme ? Le temps presse.
CMR : Épuisement des réserves dans 4 à 5 ans
Heureusement pour le gouvernement, 2022 a été finalement une année de répit. Le déficit global du régime de la CMR y a enregistré une amélioration pour se situer à 1,4 milliard de dirhams contre 4 milliards une année auparavant. Ce chiffre peut paraître important mais il tient compte d'une contribution spéciale de l’Etat en 2022 d’un montant de 2 milliards de dirhams. Pour le reste, l'évolution est expliquée par l’augmentation des cotisations collectées sous l’effet de l’intégration de la population des enseignants contractuels des AREF (Académie régionale d’éducation et de formation) à partir du dernier trimestre de 2021. Cependant, les flux de trésorerie induits par ces deux mesures ne permettraient pas de retarder la date d’épuisement de ses réserves prévue dans 4 à 5 années.
Premier déficit global du RCAR
Par ailleurs, la baisse des cotisations du régime général du RCAR, sous l’effet du changement du régime d’adhésion de la population des enseignants contractuels des AREF, a concouru à l’aggravation du déficit technique du régime pour se situer à 4,1 milliards de dirhams contre 3,3 milliards en 2021. Sous l’effet combiné de cette baisse et de la mauvaise performance financière, le régime a enregistré son premier déficit global d’un montant de 4,7 milliards de dirhams.
Pour ses perspectives à long terme, il a connu, d’une part, une baisse de son taux de préfinancement de 200 points de base pour atteindre 74% sous l’effet principalement de la baisse de la valorisation de ses placements et, d’autre part, la réduction de l’horizon d’épuisement de ses réserves de deux à trois années. Les situations de déséquilibre que soulèvent les deux régimes du secteur public militent pour l’accélération de la mise en place de la réforme systémique. C'est ce que s'accordent à dire les différents régulateurs du secteur financier (ACAPS, BAM et AMMC) dans le dernier rapport sur la stabilité financière.
Selon eux, «si le premier régime se caractérise par une tarification équilibrée grâce à sa réforme paramétrique de 2016, le RCAR souffre, encore, d’une sous-tarification des droits accordés à ses affiliés qui se traduit par un rapport prestations / cotisations dépassant les 140%, et ce, malgré sa réforme paramétrique de 2021. Ceci implique une accumulation, d’une année à l’autre, de nouveaux engagements non couverts. D’autre part, le poids des droits acquis avant la réforme du CMR-RPC de 2016 continue de peser lourdement sur la viabilité de ce régime et réduit considérablement ses marges de manœuvre».
Interpellé pour commenter la situation du pôle public à l'occasion de la présentation des résultats annuels de la CIMR, Khalid Cheddadi, son PDG, avait à son tour insisté sur l'urgence de la réforme.
CNSS : Le résultat technique bascule dans le rouge
Qu'en est-il de la CNSS ? La situation est là aussi sous pression. Car la revalorisation des pensions servies par la Caisse dans le cadre de la branche retraite, actée en décembre 2022 avec effet rétroactif à partir du premier janvier 2020, a induit une importante augmentation des prestations du régime de 21,3% contre une augmentation des cotisations collectées de 0,6%. Résultat : La branche a enregistré un déficit technique de 197,7 millions de dirhams contre un excédent de 2,5 milliards de dirhams une année auparavant. Les produits financiers ont, toutefois, permis à la branche de dégager un excédent global de 1,5 milliard de dirhams.
Globalement, et malgré la dynamique démographique du secteur privé, le taux de préfinancement de la branche se situe à 64% contre 65% lors de la précédente évaluation et traduit la sous-tarification des droits acquis qui caractérise le régime. Les réserves de la branche permettraient de financer les déficits du régime qui seraient enregistrés sur les 16 prochaines années. Ce délai et le niveau actuel des paramètres de fonctionnement de la branche lui octroient encore une marge de manœuvre pour redresser sa pérennité sur le long terme, à travers notamment la révision du taux de cotisation et de l’âge de retraite dans le cadre d’une réforme paramétrique, constate l'ACAPS. Cependant, cette réforme devrait permettre, en plus d’instaurer une tarification équilibrée, d’assurer une équité parmi les cotisants du régime par la modification du mécanisme d’acquisition des droits qui est actuellement défavorable aussi bien pour les courtes que pour les longues carrières et excessivement généreux pour les carrières moyennes.
La CIMR fait exception