Le crédit, particulièrement à la consommation, qui enregistre habituellement des pics pendant le mois de ramadan, devrait connaître un coup d’arrêt brutal cette année.
Par A.H
P as de rassemblements, pas de réunions entre amis, ni même en familles, et, sans doute, pas de folies de consommation et donc pas de crédits. Le mois de ramadan aura un goût spécial cette année. Il sera des plus moroses économiquement.
Alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a spécifiquement pointé du doigt les habitudes comportementales du mois sacré, demandant aux pays «d'empêcher un grand nombre de personnes de se rassembler dans des lieux associés aux activités du ramadan, tels que les lieux de divertissement, les marchés et les magasins», le prolongement de l'état d'urgence au Maroc pour un mois supplémentaire devrait permettre de respecter cette recommandation.
Mais le coût économique sera élevé. Rappelons que le HCP a chiffré à près de 11 Mds de dirhams l’impact sur la croissance de l’arrêt d’activité durant le seul mois d’avril.
Consommation
Le mois du jeûne est généralement une période de forte consommation des ménages. Banques et sociétés de financement y enregistrent habituellement des pics de volumes d'affaires. Les campagnes de communication, rivalisant d’ingéniosité pour «vendre» des crédits à la consommation, inondent les panneaux publicitaires de nos villes durant cette période.
Mais, cette année, les panneaux sont vierges et les rideaux des commerçants spécialisés dans l'électroménager et autres biens de consommation, habituellement prisés en cette période, sont baissés. Même chose pour les concessionnaires automobiles qui profitent généralement d’un rush en cette période. En face, la frilosité des acheteurs, qui n'ont pas la tête à consommer, tue l'autre pilier du marché.
Si la projection initiale de Bank Al-Maghrib faisait état d’une baisse de 3% du marché du crédit à la consommation en 2020, les banques d'affaires estiment dans leurs projections que cette composante du marché du crédit, qui pèse 6% des encours globaux du secteur bancaire, devrait baisser dans des proportions de 8% à 10% cette année à cause des impacts du Covid-19.
Ce serait avec les crédits immobiliers, la composante la plus affectée par les conséquences de la crise sanitaire. Les sociétés de crédit à la consommation sondées par Finances News Hebdo affirment ne pas compter sur les promotions du Ramadan pour attirer la clientèle et placer des encours. Seulement deux d’entre elles nous ont indiqué préparer des offres dédiées au mois de Ramadan, contre 100% du marché habituellement.
Hausse des impayés ?
Outre leur incapacité à placer leurs produits, les sociétés spécialisées s'attendent à une montée en flèche des créances en souffrance sur cette branche déjà réputée pour son niveau relativement plus élevé d'impayés.
«La dégradation de la solvabilité des ménages ainsi que des entreprises ayant subi une rupture de leurs cycles d’exploitation suite à la crise pourrait mener à une dégradation de la qualité des actifs», prévoit un analyste de société de gestion d’OPCVM.
Le coût du risque consolidé pourrait également être impacté négativement sous IFRS9 qui recommande une approche prospective du risque crédit.
Quant aux perspectives du marché du crédit en 2020, les professionnels s'attendent à ce que la baisse soit contenue sur l’année en raison des mesures de soutien entreprises par le comité de veille économique.
L'élargissement du collatéral décidé par Bank Al-Maghrib pour tripler la capacité de refinancement des banques et la garantie CCG «Damane Oxygène» devront à leur tour amortir le choc subi par le marché. ◆