Les attentes autour de ce PLF 2023 sont nombreuses.
Mais le gouvernement devra faire des choix cornéliens dans un contexte marqué par une conjoncture pour le moins défavorable.
Par D. William
Le gouvernement sera contraint de jouer aux équilibristes dans le cadre du projet de Loi de Finances 2023. Sa marge de manœuvre budgétaire reste réduite en raison de l’impact de la conjoncture internationale sur l’économie nationale. La guerre entre la Russie et l’Ukraine et la flambée des prix des denrées alimentaires et des produits énergétiques poussent ainsi logiquement à faire des arbitrages serrés, dans un contexte marqué par une forte poussée inflationniste.
Le PLF 2023 a retenu quatre domaines d’intervention prioritaires : le renforcement des fondements de l’Etat social, la relance de l’économie nationale à travers le soutien de l’investissement, la consécration de la justice spatiale et le rétablissement des marges budgétaires pour assurer la pérennité des réformes. Cela devrait ainsi aboutir à une croissance économique de 4% en 2023, après 1,5% en 2022, un taux d'inflation de 2% et un déficit budgétaire à 4,5% du PIB, selon les projections du gouvernement.
Tensions budgétaires
La conjoncture actuelle a fortement laminé les caisses de l’Etat. Le gouvernement, qui s’est refusé à faire une Loi de Finances rectificative, a néanmoins dû se livrer à des acrobaties budgétaires pour faire face à cette situation inédite. Dernière décision en date : l'ouverture de crédits supplémentaires d'un montant de 12 milliards de dirhams au cours de l'année 2022 au profit du budget général, dictée par les répercussions d'un contexte défavorable marqué par les tensions inflationnistes. Cette mesure vient s’ajouter à celles prises auparavant, dont notamment des crédits supplémentaires d'un montant de 16 Mds de DH, afin de maintenir les prix de vente du gaz butane, du sucre, de la farine et du pain à leurs niveaux actuels.
La multiplication des rallonges budgétaires témoigne de l’inconfort dans lequel se trouve l’Exécutif, dont les prévisions sont régulièrement chahutées par l’évolution de la conjoncture à l’international et ses répercussions internes. De fait, les projections du gouvernement au titre du PLF 2023, tant en termes de croissance que de déficit budgétaire, sont précarisées d’un côté par l’instabilité de la situation géopolitique internationale et les tensions persistantes sur les prix des matières premières, et de l’autre par l’effet pervers que peut avoir le déficit pluviométrique sur l’agriculture. Outre ces facteurs exogènes et endogènes, le gouvernement devra intégrer les doléances des différentes fédérations sectorielles, avec des entreprises particulièrement secouées par la conjoncture actuelle et qui réclament déjà davantage d’allègements fiscaux.
L’Exécutif doit aussi composer avec les centrales syndicales dans le cadre du dialogue social en cours, où la cherté de la vie occupe la centralité des discussions. Redonner du pouvoir d’achat aux ménages sera forcément l’un des points saillants du PLF 2023. En cela, il est entre autres prévu d’actionner le levier fiscal, avec notamment la baisse de l’impôt sur le revenu (IR). Si le principe semble acté, les modalités ne sont pas encore arrêtées. Sur ce point, l’Alliance des économistes istiqlaliens (AEI) préconise de «réviser le barème de l’IR conformément aux principales recommandations des dernières assises nationales de la fiscalité, en relevant la tranche annuelle exonérée de l’IR, de 30.000 à 36.000 DH, et en appliquant le taux maximum de l’IR au revenu annuel dépassant les 240.000 DH». L’AEI suggère aussi d’«augmenter le taux de déduction pour frais professionnels et relever les charges de famille déductibles de 360 DH à 1.080 DH par personne à charge».
Les attentes autour de cette Loi de Finances sont donc nombreuses. Mais le gouvernement devra forcément faire des arbitrages budgétaires délicats. Qui feront sûrement beaucoup de mécontents. Qui seront alors sacrifiés sur l’autel des contraintes budgétaires ? Sans aucun doute, il lui faudra faire preuve de beaucoup de pédagogie pour bien expliquer et argumenter ses choix. Ce qui, à l’évidence, n’est jusqu’à présent pas le fort de l’Exécutif.