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Private equity : «Favoriser les partenariats avec des acteurs mondiaux peut apporter une expertise et créer des opportunités de transfert de connaissances»

Private equity : «Favoriser les partenariats avec des acteurs mondiaux peut apporter une expertise et créer des opportunités de transfert de connaissances»

Au Maroc, le capital-investissement connaît une dynamique croissante, soutenue par l’expansion de son écosystème. Le cadre juridique et réglementaire, récemment renforcé grâce à la loi 58.22, offre une meilleure sécurité aux investisseurs. Entretien avec Me Aïda Bennani, avocate au Barreau de Casablanca, spécialisée en droit des affaires.

 

Propos recueillis par Ibtissam Z.

Finances News Hebdo : Quels sont les principaux enjeux juridiques et réglementaires auxquels fait face le capitalinvestissement au Maroc? Et comment les récents développements législatifs, tels que la loi n° 58.22 pourraient-ils transformer ce secteur ?

Me Aïda Bennani : Le capital-investissement au Maroc a considérablement mûri au fil des années, établissant une base solide pour une croissance durable. Cependant, des défis subsistent, notamment en ce qui concernent la clarté réglementaire et la simplification des structures d'investissement. Comme l’a souligné Hassan Laaziri, président de l’Association marocaine des investisseurs en capital (AMIC), des améliorations réglementaires sont essentielles pour faire progresser cet écosystème. Les initiatives de l'AMIC visent à remédier à ces problèmes en plaidant pour des processus simplifiés, des incitations fiscales et un cadre juridique qui encourage les investissements nationaux et internationaux. La loi n° 58.22 représente une avancée majeure, conçue pour renforcer la confiance des investisseurs et aligner le secteur marocain du capital-investissement aux normes internationales. Nous pouvons désormais avancer que nous disposons d’un arsenal juridique destiné à encadrer les opérations, en améliorant la transparence, en protégeant les investisseurs minoritaires et en facilitant les flux de capitaux. Cette législation devrait attirer davantage d’investisseurs institutionnels et mondiaux, favorisant ainsi une croissance à long terme du secteur.

 

F.N.H. : L'industrie du capital-investissement au Maroc est sur le point de franchir un tournant décisif avec l'arrivée du Fonds Mohammed VI pour l'investissement. En 2023, les capitaux levés et les investissements ont atteint des niveaux record. Quels sont, selon vous, les facteurs qui expliquent cet engouement ?

Me A. B. : Les niveaux record de capitaux levés en 2023 reflètent une reconnaissance croissante de la position stratégique du Maroc en tant que hub régional d'investissement. Ainsi, le Fonds Mohammed VI pour l'investissement joue un rôle transformateur en renforçant la résilience et la croissance économique. Les initiatives ciblées du fonds et ses efforts collaboratifs avec des investisseurs nationaux et internationaux ont renforcé la confiance des opérateurs sur le marché. Par ailleurs, un environnement macroéconomique stable, des réformes stratégiques et une attention croissante aux critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) attirent à la fois le capital-investissement et le capital-risque. Ces facteurs, combinés à l'engagement du gouvernement en faveur de l'entrepreneuriat, ont suscité un intérêt accru dans des secteurs tels que les énergies renouvelables, les technologies et les infrastructures.

 

F.N.H. : Quels sont les principaux leviers qui favorisent ou, au contraire, freinent la croissance du capital-investissement au Royaume ?

Me A. B. : Les principaux leviers favorisant la croissance du capital-investissement au Maroc incluent un environnement réglementaire favorable, des initiatives gouvernementales stratégiques comme le Fonds Mohammed VI, ainsi qu’un pipeline solide d'opportunités dans des secteurs à forte croissance. Comme l’a souligné Omar Laalej, Directeur général du Fonds Al Mada Ventures, l'écosystème des startups marocaines est de plus en plus dynamique, avec un potentiel encore inexploité dans certains secteurs tels que la tech et l'entrepreneuriat, renforcé par des stratégies de capital-risque ciblées. Ceci étant dit, des défis persistent, notamment la complexité réglementaire, l'accès limité au capital pour les petites entreprises et la nécessité de cadres de gouvernance plus robustes. Pour surmonter ces obstacles, il faudra continuer à simplifier les processus d'investissement, améliorer la transparence et aligner davantage les objectifs du capitalinvestissement sur les priorités de développement national.

 

F.N.H. : Comment les investisseurs institutionnels et les entreprises peuvent-ils contribuer au meilleur développement de ce secteur clé ? Et quelles réformes supplémentaires seraient nécessaires pour rendre le capital-investissement plus attractif et dynamique au Maroc ?

Me A. B. : Les investisseurs institutionnels et les entreprises peuvent jouer un rôle crucial en apportant plus que du capital: leur participation active à la gouvernance, au mentorat et aux initiatives de renforcement des capacités peut générer une réelle création de valeur. En l’occurrence, l’approche d’AfricInvest met l’accent sur l’accompagnement des entreprises en portefeuille, essentiel pour les faire évoluer et leur assurer une croissance durable. Pour rendre le capital-investissement plus attractif et dynamique, des réformes supplémentaires sont nécessaires, notamment pour renforcer les protections juridiques des investisseurs, introduire des incitations fiscales pour les investissements à long terme, par exemple la suppression de la taxation des «management fees», et renforcer les partenariats public-privé. Des initiatives visant à améliorer la disponibilité des données et l’intelligence de marché aideraient également les investisseurs à prendre des décisions éclairées et à renforcer leur confiance dans l’écosystème du capitalinvestissement marocain.

 

F.N.H. : De quelle manière le capital-investissement pourrait-il mieux soutenir l’innovation et la diversification économique, notamment dans des secteurs stratégiques comme les énergies renouvelables ou les technologies de pointe ?

Me A. B. : Le capital-investissement peut catalyser l’innovation et la diversification économique en orientant les ressources vers des secteurs stratégiques comme les énergies renouvelables, les technologies avancées et la fintech. En effet, les stratégies de capital-risque axées sur les secteurs à forte croissance et les tendances émergentes dans la technologie peuvent avoir un impact transformateur sur l’économie marocaine. Soutenir les startups et les PME dans ces domaines ne favorise pas seulement l'innovation, mais crée également un impact significatif sur les industries connexes. Les entreprises de capital-investissement peuvent également encourager la collaboration entre investisseurs, entrepreneurs et institutions de recherche pour accélérer l’adoption de nouvelles technologies. En outre, favoriser les partenariats avec des acteurs mondiaux peut apporter une expertise et créer des opportunités de transfert de connaissances, renforçant ainsi l’avantage concurrentiel du Maroc.

 

F.N.H. : Quels impacts positifs le développement du capital-investissement pourrait-il avoir sur l’emploi et la montée en compétence des talents locaux ?

Me A. B. : Le développement du capital-investissement au Maroc pourrait avoir des impacts très positifs sur l’emploi et le développement des talents locaux. Le Fonds Mohammed VI pour l'investissement priorise des projets qui contribuent à la résilience économique, ce qui se traduit directement par la création d’emplois dans différents secteurs. De plus, les investissements en capital-investissement s’accompagnent souvent d’initiatives visant à développer le capital humain, notamment par le biais de formations, de développement du leadership et de l’introduction de meilleures pratiques en matière de gestion. En soutenant les startups et les PME, le capital-investissement peut offrir des opportunités aux jeunes professionnels, leur permettant d'acquérir de nouvelles compétences et d’être exposés à des industries innovantes. À long terme, cela renforcera non seulement la main-d’œuvre locale, mais contribuera également à construire une économie fondée sur la formation continue au Maroc.

 

F.N.H. : Récemment, le groupe régional Mena d’IR Global a organisé sa conférence annuelle au Maroc. Parmi les sujets abordés figurait le private equity. Quelle a été la portée de cet événement qui a rassemblé des experts de renom issus de 168 juridictions ?

Me A. B. : Le Mena meeting tenu à Casablanca et Marrakech du 31 octobre au 3 novembre courant, organisé par des membres d'IR Global, un réseau mondial de premier plan de conseillers juridiques, comptables et financiers, s'est avéré être un événement marquant pour les professionnels de divers secteurs. Axée sur la thématique globale «Opportunités d’investissements au Maroc», la conférence était destinée à présenter le Maroc comme pays attractif et prospère. L’évènement avait pour but de favoriser l'échange d'expertises et la création de relations durables pour promouvoir des collaborations fructueuses. Un point fort de cet événement a été la participation de conférenciers éminents qui façonnent l’écosystème financier et d’investissement du Maroc, notamment Omar Laalej d’Al Mada, Omar Bekkali d’AfricInvest Maroc, Badr Belkadi du Fonds Mohammed VI pour l’investissement, et Hassan Laaziri de CDG Invest Growth. Modérée par Rachida el Johari, éminente avocate aux Pays-Bas et membre de Gold d’IR Global, cette tableronde a offert des perspectives précieuses :

• Hassan Laaziri a retracé l’évolution et la maturité du marché du capital-investissement au Maroc, partageant la vision de l’Association marocaine des investisseurs en capital (AMIC) pour faire progresser l’écosystème grâce à des améliorations réglementaires et des mécanismes de soutien stratégique.

• Omar Laalej a mis en lumière l’écosystème des startups marocaines, en abordant les défis rencontrés par les entrepreneurs locaux, la stratégie de capitalrisque d’Al Mada et les secteurs à forte croissance qui se prêtent à une transformation grâce à la technologie et à l’entrepreneuriat.

• Omar Bekkali a parlé d’une perspective régionale en comparant les tendances financières du Maroc à celles de l’Afrique. Il a détaillé le soutien d’AfricInvest à la fintech au Maroc et a souligné l’importance des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) dans des pratiques d’investissement durables et responsables.

• Badr Belkadi a partagé la vision du Fonds Mohammed VI pour l’investissement, expliquant les initiatives visant à renforcer la résilience économique et la croissance. Il a mis en avant les partenariats avec des investisseurs nationaux et internationaux pour amplifier l’impact des investissements au Maroc.

En complément de ces discussions, Zina Barrada, Directrice en collaboration avec Madeleine Molster et Wissam Mghazli, a présenté une intervention sur les techniques de négociation donnant des clefs permettant la réussite de la négociation d’accords commerciaux dans un environnement marocain. Ses observations ont mis en avant l’importance des nuances culturelles et des approches stratégiques pour naviguer dans un marché marocain dynamique. La conférence a également abordé l’importance de la santé mentale dans les milieux professionnels. Modérée par Maija Brossard, cette session a réuni les contributions d’Ammar El Banna, fondateur d’Incept Legal à Dubaï, et du Dr Ibrahim Msefer, psychiatre de renom à Casablanca. Leurs interventions ont souligné le lien crucial entre le bien-être mental et la performance professionnelle, comparant les environnements de travail à haute pression à des performances de sport de haut niveau.

Des questions critiques liées à la protection des données et à la vie privée ont également été discutées. Driss Jabri et moi-même avons présenté des interventions sur la conformité à la protection des données, notamment la loi 09-08 et au Règlement général sur la protection des données (RGPD). En présentant les meilleures pratiques au Maroc et en insistant sur la pertinence croissante de ce sujet dans le monde technologique actuel. Partager mon expertise dans ce domaine a été particulièrement gratifiant, car il est au centre des préoccupations des entreprises, et ce dans tous les secteurs. Une session marquante, animée par Women in Tech Morocco et modérée par Urs Breitsprecher, a exploré le thème «La technologie : un levier pour des opportunités inclusives et durables». Ranya Alaoui, directrice Maroc de Women in Tech Global, a présenté les grandes initiatives technologiques pilotées par le Maroc, tandis que la conférencière principale, Saloua Karkri ep Belkeziz, a inspiré les participants. La discussion en panel a mis en avant trois femmes pionnières de l'industrie technologique marocaine, âgées de moins de 40 ans. Il s’agit de :

• Chakir Salma, PDG de Catalyst Insight Agency.

• Aïda Tagmouti, co-fondatrice et PDG de JobBee.

• Zineb Khayatei, directrice nationale d’Endeavor Maroc.

• Aida Kandi, CEO de My Tindy.

En outre, les discussions sur l'immobilier et le développement durable, ainsi que sur la préservation du patrimoine culturel, ont mis en lumière des experts tels que Gert Jan van den Bergh, propriétaire de Jnane Rumi à Marrakech, et Philippe Chalindar, un leader du marché immobilier de luxe au Maroc. Animée par Christophe El Gammal, cette session a mis en avant les opportunités d’investissements haut de gamme et durables. En somme, la conférence Mena a fourni une plateforme pour le leadership éclairé dans les domaines de la finance, de la technologie et de l’innovation, de l’immobilier, des stratégies de négociation et de la santé mentale. En réunissant des voix influentes de ces différents secteurs, l’événement a souligné la position stratégique du Maroc en tant que passerelle pour les investissements et l’innovation dans la région Mena. 

 

 

 

 

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