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Politique monétaire : doucement, mais sûrement

Politique monétaire : doucement, mais sûrement

Le Conseil de Bank Al-Maghrib a préféré une pause dans son cycle d'assouplissement, en attendant de nouvelles données plus claires sur la situation économique et les risques externes. 

Le Conseil de Bank Al-Maghrib a souligné mardi, pour sa troisième réunion de 2024, que les perspectives économiques et sociales restent entourées d’un niveau élevé d’incertitudes. Dans son communiqué, la Banque centrale dresse une liste exhaustive de ces incertitudes de provenance aussi bien interne qu'externe. Celles-ci sont liées, au niveau international, à l’enlisement de la guerre en Ukraine, à l’escalade du conflit au Moyen-Orient et aux tensions géopolitiques qui accentuent la fragmentation économique, non sans impact sur le rythme de l’activité et sur l’évolution des prix, notamment énergétiques. 

Au niveau national, la récurrence des sécheresses et le stress hydrique constituent un risque majeur pour la production agricole et la croissance économique plus globalement.  De même, la déclinaison des orientations du projet de Loi de Finances 2025 ainsi que la poursuite des négociations dans le cadre du dialogue social pourraient se traduire par des impacts plus importants que prévu sur l’évolution de la demande et des prix, estime la Banque centrale. Tenant compte de l’ensemble de ces données, le Conseil a jugé approprié de maintenir l’orientation actuelle de la politique monétaire. Il a ainsi décidé de garder le taux directeur inchangé à 2,75%, tout en continuant de suivre de près l’évolution de la conjoncture économique et sociale. 

Avancer avec prudence

Lors de son point de presse suivant la réunion du Conseil de BAM, Abdellatif Jouahri a fait une analogie parlante : la politique monétaire est «un jeu de cartes vues et non vues». Dans ce jeu, BAM doit jongler avec les incertitudes multiples, tant à l’international qu’au niveau national. Jouahri a averti : «il ne faut jamais agir dans la précipitation, sous peine de devoir rectifier brusquement le cap par la suite». La prudence de Bank Al-Maghrib se justifie aussi par les répercussions encore incertaines de la baisse de 25 points de base opérée en juin dernier. Bien que cette mesure ait été saluée à l’époque, son impact sur l’économie n’a pas encore livré tous ses effets. Jouahri l’a reconnu : «je n’ai pas encore toutes les conséquences et les effets de la décision que nous avons prise en juin».

C’est précisément ce besoin d’évaluer les retombées réelles qui motive la posture actuelle. Pour la Banque centrale, il est essentiel de laisser cette décision produire ses effets avant d’envisager de nouveaux ajustements. L’objectif est d’éviter une intervention trop rapide, qui pourrait s’avérer inopportune ou mal calibrée. Cette approche mesurée, voire conservatrice, a certes pu décevoir certains acteurs économiques qui espéraient un soutien monétaire supplémentaire. Le consensus anticipait en effet une nouvelle baisse de 25 points de base, surtout dans un contexte où l’inflation reste contenue et où l’économie nationale montre des signes de reprise non agricole. Toutefois, BAM préfère observer l'évolution de la conjoncture sur les trois prochains mois avant d'agir.

Inflation contenue, mais sous surveillance

Une autre justification majeure du statu quo est la modération de l'inflation. Depuis le début de l’année, elle évolue à des niveaux modérés, notamment en raison de la baisse des prix des produits alimentaires à prix volatils. BAM projette une stabilisation de l’inflation sous-jacente autour de 2% pour les huit prochains trimestres, avec une légère accélération prévue à 2,5% en 2025. De plus, le Conseil a noté le renforcement de l’ancrage des anticipations d’inflation telles qu’elles ressortent de l’enquête trimestrielle de Bank Al-Maghrib auprès des experts du secteur financier. Celles-ci sont revenues au troisième trimestre à 2,2% pour l’horizon de 8 trimestres et à 2,3% pour celui de 12 trimestres.  Mais BAM préfère rester sur ses gardes. L'inflation, bien que sous contrôle, est un phénomène complexe et volatil, influencé par de nombreux facteurs externes.

Si le Maroc continue de subir les effets des tensions géopolitiques mondiales et de la hausse des prix énergétiques, une reprise de l'inflation pourrait survenir plus rapidement que prévu. C’est cette crainte d’une inflation persistante qui incite aussi BAM à maintenir une posture d’observation vigilante. Enfin, le Wali a conclu son intervention en écartant toute idée de surenchère politique ou populiste : «je ne souhaite pas que quelqu’un nous fasse la surenchère de dire qu’il a à cœur plus que nous l’intérêt du pays». Un rappel qui met en lumière l’indépendance et la rigueur de Bank Al-Maghrib, qui se veut avant tout au service des équilibres macroéconomiques du Royaume, loin des considérations politiques à court terme. 

 

 

 

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