Par Y. Seddik
La crise économique perdure, et la reprise espérée se fait à deux vitesses, alimentant de nouveau les spéculations autour de la politique monétaire de Bank Al-Maghrib (BAM). Les économistes sont toutefois une minorité à s'attendre à ce que l'institut sorte le grand jeu.
Très attendu par le marché, le premier Conseil de Bank Al-Maghrib de l’année 2021 se tiendra la semaine prochaine. Une réunion monétaire à forts enjeux, puisqu’elle intervient à mi-chemin entre une année 2020 de crise marquée par une forte dégradation de certains équilibres macroéconomiques et une année 2021 de relance.
En 2020, l’institution monétaire avait dégainé un arsenal de mesures pour permettre à l’économie d’absorber le choc de la pandémie : deux baisses consécutives du taux directeur en mars (-25 pbs), puis en juin (-50 pbs) 2020, avec un élargissement du collatéral et une révision des coefficients de décote des actifs.
Parallèlement, elle a procédé au changement de son mode d’intervention en termes d’instruments utilisés pour combler le déficit de liquidité bancaire, avec un recours plus important aux instruments de long terme, en l’occurrence les pensions livrées à long terme (sur 1 mois et 3 mois), les prêts garantis sur 1 an et les opérations de swap de change. BAM avait également libéré intégralement le compte de réserve au profit des banques, permettant l’injection de plusieurs milliards de DH dans le circuit monétaire.
Depuis, BAM est en pilotage automatique. Le gardien du Dirham a opté pour le statu quo tant sur la panoplie d'outils anti-crise que sur son taux directeur lors du dernier Conseil de décembre. Pour la recherche de CDG Capital, la transmission de la politique monétaire, en particulier la baisse des taux, ne s’est pas complètement reflétée sur l’économie réelle.
Ahmed Zhani, économiste à CDG Capital, écrit dans une note que «malgré les deux baisses du taux directeur de 75 points de base (PBS) en 2020, la transmission vers les taux débiteurs, particulièrement ceux relatifs aux entreprises, demeure incomplète en liaison d’une part, avec la hausse du risque associé à cette catégorie de prêt et, d’autre part, la durée nécessaire pour ajuster à la baisse le coût moyen des ressources bancaires afin de préserver la marge d’intermédiation».
Pourtant, en juin dernier, la Banque centrale affirmait qu’ «au regard de la conjoncture particulière qui prévaut actuellement, la Banque veillera, plus que par le passé, à la transmission de ses décisions à l’économie réelle et fera le point régulièrement à ce sujet avec le plus haut management du système bancaire».
Un geste supplémentaire sur le taux bénéfique pour la relance
Pour A. Zhani, dans les conditions économiques actuelles, une amélioration supplémentaire des conditions de financement pourrait être bénéfique pour la relance, et ce d’autant plus que les risques inflationnistes à l’horizon de prévision (8 trimestres) sont globalement orientés à la baisse en résultat, entre autres, de la régression prévue de la demande avec la hausse anticipée du chômage.
Néanmoins, la recherche estime à ce jour qu’ «il est plus probable que le Conseil de Bank Al-Maghrib maintienne le taux directeur inchangé au niveau de 1,5% lors de ce prochain Conseil, et ce dans l’attente d’une transmission complète des baisses du taux directeur vers les taux débiteurs et d’une reprise de la demande de crédit aussi bien des entreprises que des ménages».
En définitive, si pour CDG Capital il est question d’une pause dans la politique monétaire de BAM, le discours de certains gérants et analystes diverge. Pour eux, la Banque centrale doit assouplir davantage sa politique pour appuyer la reprise économique. Rendezvous le 23 mars courant pour le verdict.