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Monétique : «2019 sera l’année du décollage du paiement sans contact au Maroc»

«2019 sera l’année  du décollage du paiement sans contact au Maroc»

 

  • Mikael Naciri, Directeur général du Centre monétique interbancaire, revient sur les excellents chiffres de l’activité monétique au terme du premier semestre 2018 et décortique les habitudes de paiement des marocains.
  • M-paiement (le CMI vient d’obtenir son agrément d’établissement de paiement), paiement sans contact, e-gov, multiplication des partenariats innovants et exclusifs, etc., Naciri évoque les grands chantiers en cours qui devraient révolutionner notre façon d’effectuer nos achats.
  • Pour dynamiser davantage l’acceptation des paiements digitaux par les commerçants, il plaide pour une révision de la fiscalité.

 

 

Finances News Hebdo : On commence par la traditionnelle question des performances de l’activité monétique à mi-2018. Quel commentaire faites-vous des réalisations du CMI mais également du secteur ?

 

Mikael Naciri : L’activité monétique de paiement au Maroc, durant le premier semestre 2018, a été marquée par une croissance soutenue des paiements effectués par les porteurs des cartes bancaires marocaines (+26,6% en nombre d’opérations et +18,1% en montant) et une croissance forte des paiements effectués par les porteurs de cartes étrangères (+33,4% en nombre d’opérations et +27,2% en montant).

Parallèlement, le CMI a recruté 3.345 nouveaux commerçants, atteignant le seuil des 45.000 commerçants affiliés. Le nombre de commerçants actifs a atteint les 28.012, en progression de 11,7% par rapport à la situation au 30 juin 2017.

Ces progressions ont concerné l’ensemble des secteurs d’activité, avec une concentration auprès des hôtels, superettes, pharmacies, restaurants et boutiques d’habillement.

Le paiement en ligne par carte bancaire continue de progresser fortement d’une année à l’autre (+32% en nombre d’opérations et +22% en montant), porté par les paiements des factures, des taxes et de la billetterie aérienne.

Sur un autre volet, la digitalisation des services publics et gouvernementaux est un levier fort important que le CMI accompagne depuis plusieurs années et qui commence à porter ses fruits. Ainsi, la plateforme de paiements multicanaux des factures et des taxes, connue sous le nom de Fatourati, a enregistré au cours de ce premier semestre plus de 7 milliards de DH de paiements (11 millions de transactions). Fatourati regroupe les canaux digitaux (ebanking, mbanking, GAB) mais aussi les canaux physiques partenaires (agences bancaires, points de proximité Fawatir, agences des partenaires Cash Plus et Damane Cash, …).

 

 

F. N. H. : Le paiement électronique a longtemps souffert d’un manque de confiance de la part du consommateur marocain, plus habitué à recourir au cash. Aujourd’hui, l’usage de la carte bancaire a connu une progression fulgurante, notamment à l’initiative du CMI. Que pensez-vous des habitudes de paiement des Marocains ? Ont-elles changé ?

 

M. N. : 13,9 millions de cartes de paiement et de retrait sont aujourd’hui en circulation au Maroc (sans compter les 860.000 cartes de retraits exclusivement). Seuls 20% environ des cartes de paiement réalisent effectivement des transactions de paiement sur les TPE des commerçants et/ou sur les sites les marchands.

Il y a 3 ans, on dénombrait seulement 1,5 million de cartes bancaires marocaines actives en paiement, et à fin 2017, elles étaient 2,5 millions. La progression est significative mais le potentiel demeure gigantesque.

Les porteurs de cartes bancaires trouvent aujourd’hui, auprès des 45.000 adhérents au système de paiement du CMI, des opportunités de régler par carte toute sorte de dépenses. Nous concentrons nos efforts sur l’équipement des commerçants chez qui les Marocaines ont l’habitude de faire des courses quasi quotidiennes (épiciers, pharmacies, snacks et fastfood, marchands de légumes, bouchers, poissonniers, boulangeries, pâtisseries, stations-service, etc.).

Il y a quelques années, le paiement par carte était perçu comme élitiste et ne concernait que les montants importants. Les choses sont en train de changer rapidement, vous pouvez désormais régler votre péage d’autoroute (même quelques DH), ou une recharge télécoms de 20 DH avec votre carte bancaire.

L’un des secteurs qui favorise le paiement par carte bancaire est la grande distribution moderne, qui représente aujourd’hui 31,4% du nombre des transactions de paiement et 19,0% du montant. La confiance des usagers de la carte bancaire est intimement liée à la confiance que l’on a dans l’enseigne concernée ou dans le site auprès duquel nous faisons nos achats en ligne.

Le CMI et les banques, souvent en partenariat avec Mastercard et Visa, investissent durablement et régulièrement dans des actions de promotion du paiement par carte, auprès des porteurs de cartes bancaires et des commerçants acceptant le paiement par carte.

Chaque opération de marketing ou campagne de promotion améliore l’activation de ces cartes. Nous allons poursuivre aussi les campagnes de sensibilisation sur la sécurité et la facilité d’utilisation des cartes. Des initiatives sur le déploiement de cartes sans contact permettront également de drainer les paiements des petits montants (inferieurs à 50 DH).

 

 

F. N. H. : A votre avis, quels sont les moyens à mettre en place pour élargir davantage le cercle des utilisateurs du digital dans le marché des paiements ?

 

M. N. : Nous pensons qu’il faut agir sur les points suivants : la promotion des paiements sans contact ; le renforcement de la confiance dans les sites de paiement en ligne ; l’augmentation des plafonds de paiements par les banques, notamment pour l’aérien et l’hôtellerie ; l’amélioration des processus d’authentification forte 3Dsecure ; la promotion des canaux de paiements digitaux (e-banking et m-banking) ; et la poursuite de la digitalisation des services eGov.

L’ensemble de ces initiatives coordonnées permettra une amélioration des paiements digitaux en général, mais un des éléments clés pour favoriser l’acceptation des paiements digitaux par les commerçants réside dans la fiscalité des opérations électroniques. En effet, celles-ci sont tracées, identifiées, permettent la réduction de la circulation du cash, et devraient à mon sens bénéficier aux commerçants à travers une réduction de la fiscalité de ces opérations.

Bien entendu, je ne propose pas de créer une nouvelle niche des exonérations fiscales, mais de mettre en place des mécanismes d’incitation auprès des commerçants, le but étant de rendre l’acceptation des paiements électroniques presque obligatoire pour les commerçants et leur donner en contrepartie un avantage fiscal permanent ou pendant une certaine période. Des initiatives identiques ont été menées en Grèce, Turquie, Corée du Sud, et donnent de très bons résultats.

 

 

F. N. H. : Pour rester dans le monde du paiement, que va apporter le m-paiement au secteur bancaire et financier en général ? Est-ce que vous comptez vous y positionner ?

 

M. N. : L’initiative nationale sur le m-paiement a pour objectif de réduire la circulation du cash et d’apporter des solutions de paiement à une grande majorité des Marocains non bancarisés.

Ce sont plutôt les nouveaux établissements de paiement qui auront un rôle majeur à jouer dans la construction de cet écosystème, par leur capacité à enrôler des clients ou des commerçants non bancarisés à moindre coût, avec des process de KYC moins contraignants, tout en leur proposant des services de paiement de base : paiement de factures et achats de recharges, paiement de petits montants chez les commerces de proximité, transferts de personne à personne…

Ces établissements de paiement collecteront des dépôts qui seront «cantonnés» auprès des banques commerciales. Les établissements de paiement doivent donc être vus comme des partenaires des banques pour la collecte des dépôts et comme des agrégateurs de commerçants pour les transactions de petits montants.

Toutefois, avec les applications de paiement mobile proposées par les banques, se développeront aussi de nouvelles expériences clients dans la dernière étape de la transaction commerciale, c’est-à-dire le règlement. Ainsi, payer en sans contact avec son téléphone est aujourd’hui déjà une réalité.

Nos TPE NFC acceptent désormais les paiements mobiles portés par des applications comme Samsung Pay et Apple Pay, ou des applications propriétaires de banques étrangères. Les banques marocaines se préparent également pour offrir ce service à leurs clients bancarisés disposant d’une carte bancaire ou d’un wallet.

Le CMI qui vient d’obtenir son agrément d’établissement de paiement proposera très rapidement l’ouverture de son parc de TPE à tous les établissements de paiement nouvellement agréés.

Dans une seconde phase (fin 2018), nous entamerons le déploiement des solutions d’acceptations mobiles auprès des petits commerces de proximité. Ces solutions seront basées sur une application mobile du CMI, testée depuis plusieurs mois, mais aussi sur la technologie MasterPass QR.

Nous escomptons équiper 20.000 commerçants par an avec cette nouvelle technologie, qui favorisera l’usage et l’adoption des paiements mobiles pour l’ensemble des porteurs de wallet.

A ces commerçants nous apportons également de nouveaux gisements de revenus à travers l’encaissement des factures, recharges, taxes, vignette auto, services egov.

En parallèle, nous travaillons à la constitution d’un réseau d’agents principaux qui sont en cours de sélection,  pour distribuer notre offre de services mobiles : ouverture de comptes de paiement pour les particuliers, opérations de retraits et de versements sur ces mêmes comptes. Pour cela nous nous appuyons sur les réseaux physiques partenaires qui sont d’ores et déjà dotés de nos solutions d’encaissement de factures.

Enfin, une fois cette infrastructure mise en place, nous lancerons début 2019 une offre complète destinée aux particuliers :

 

• Une application de mobile paiement acceptée dans près de 50.000 points de vente au Maroc et 35 millions à l’étranger;

 

• Une carte CMI permettant de retirer son argent des GAB mais aussi de recevoir des cash back de fidélité, valable au Maroc et à l’international;

 

• Des services de paiement inédits : paiements en NFC ou en QR code, paiements en ligne sur les sites étrangers, transfert d’argent entre personnes à des tarifs imbattables;

 

• Des solutions de fidélité exclusives s’appuyant sur notre plateforme de fidélité  www.cmifidelite.ma.

 

 

F. N. H. : Un mot justement sur le paiement  NFC ? Où en sommes-nous ?

 

M. N. : Environ un million de cartes émises au Maroc, au 30 juin 2018, sont des cartes sans contact. La moitié des cartes des visiteurs provenant de l’étranger sont également dotées de la technologie NFC. De notre côté, nous avons déjà équipé près de 20.000 commerçants avec des TPE certifiés sans contact.

Nous enregistrons chaque jour des centaines de transactions NFC, mais il reste un travail de fond en matière d’information et de sensibilisation aussi bien des porteurs que des commerçants pour favoriser ce mode de paiement plus simple et plus rapide.

2019 sera à mon avis l’année du décollage du sans contact au Maroc, plusieurs banques sont en cours de transformation de leur parc de cartes au fur et à mesure de leur renouvèlement.

Le CMI vient, quant à lui, de signer un partenariat stratégique avec Mastercard permettant aux 4 millions de cartes portant la marque «cmi» de pouvoir bénéficier de la technologie sans contact, et surtout de pouvoir être utilisée partout dans le monde ou sur les sites Internet étrangers.

Enfin, en ce moment, une action de PLV et de communication auprès des commerçants est en cours de déploiement pour favoriser et vulgariser le paiement sans contact.

 

 

F. N. H. : Vous avez lancé du 1er avril au 31 mai 2018 l’opération de paiement multicanal des taxes locales. Quel bilan en faites-vous et, surtout, comment se développent et le partenariat avec la TGR, les autres administrations et administrations publiques et l’effort d’accompagnement du eGov ?

 

M. N. : Le CMI est partenaire de la TGR et de la DGI depuis plusieurs années pour la digitalisation des paiements de taxes et impôts. Chaque année, nous avons deux campagnes majeures : la vignette automobile en janvier et la collecte des taxes locales (taxes des services communaux), sans compter les échéances de règlement de la TVA,  de l’IS et de l’IR.

Les chiffres sont très encourageants (une progression de + 500%) et nous avons noté avec satisfaction la montée en puissance des paiements digitaux effectués à travers le mbanking et l’ebanking des banques partenaires. Le paiement en ligne progresse très bien également. Ainsi, on paye de moins en moins en cash et de plus en plus par carte bancaire ou par e-banking et m-banking.

Au-delà des taxes, le CMI a lancé également le paiement des droits d’enregistrements par les notaires, les frais de tribunaux auprès du ministère de la Justice, le paiement des services en ligne de l’ANCFCC (Conservation foncière).

 

 

F. N. H. : En étant leader dans le domaine de la monétique, le CMI ne cesse de mettre à disposition des solutions innovantes. Que concoctez-vous pour cette année en termes d’innovation et de lancement de services à valeur ajoutée ?

 

M. N. : Cartes «cmi» co-badgées avec Mastercard, paiement sans contact par téléphone mobile, ouverture de notre parc de TPE pour l’acceptation des paiements par les wallets des établissements de paiement nouvellement agréés, émission de cartes, Tokenisation, etc., notre portefeuille de projets et d’innovation est rempli pour les 24 prochains mois.

Mais ce qui nous occupe le plus en ce moment, c’est le lancement du mobile paiement suite à l’obtention de notre agrément d’établissement de paiement : un wallet, une application, une carte….pour accéder à un ensemble de services financiers inédits.

Le CMI est le seul à pouvoir proposer un bouquet de services aussi riche : paiement de factures à travers Fatourati donnant accès à tous les grands facturiers marocains, paiement auprès de 45.000 commerçants déjà équipés de terminaux de paiement, Tokenisation de cartes permettant d’enrôler des clients de toutes les banques, déploiement du paiement par QR code pour les petits commerces de proximité, transferts de fonds de mobile à mobile avec des frais très compétitifs, etc.

A nos commerçants affiliés, nous continuons d’apporter des solutions innovantes et exclusives, comme le DCC, l’acceptation des cartes étrangères UPI et JCB (équivalents chinois et japonais de Visa ou Mastercard), American Express, Diners, Discover. Dernière nouveauté, l’acceptation des wallets AliPay, permettant aux touristes chinois de régler leurs achats en utilisant leur application AliPay. CMI vient de signer un partenariat avec EuroPass et AliPay pour démarrer ce déploiement dès septembre prochain. Nous prévoyons un équipement de près de 10.000 commerçants (hôtels, boutiques de luxe, restaurants, bazars, etc.) pour apporter aux 300.000 touristes chinois qui visiteront notre pays en 2019, une solution digitale de paiement identique à celle qu’ils utilisent en Chine, mais surtout pour les enseignes marocaines une possibilité de s’ouvrir sur un marché prometteur en mettant en avant leurs offres sur le portail de AliPay. Nous avons choisi la ville de Chefchaouen et les principaux Malls pour lancer notre pilote grandeur nature.

 

 

Propos recueillis par Youssef Seddik

 

 

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