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Marché obligataire : la suractivité du Trésor ravive les tensions sur le court terme

Marché obligataire : la suractivité du Trésor ravive les tensions sur le court terme

Porté par une cadence de levées nettement accélérée, le Trésor dépasse ses besoins annoncés et imprime de nouvelles tensions sur les maturités courtes, malgré une tendance de fond qui reste orientée à la détente.

 

Par Y. Seddik

Depuis plusieurs semaines, le Trésor adopte un tempo de financement nettement plus soutenu sur le marché domestique, multipliant les levées entre 4 et 7 milliards de dirhams par séance d’adjudication. Une cadence inhabituelle qui, séance après séance, finit par remodeler l’équilibre entre offre publique et appétit des investisseurs, et par imprimer de nouvelles pressions sur la courbe des taux, en particulier sur les segments courts et intermédiaires.

La dernière adjudication du mois donne la mesure du mouvement. Face à une demande solide de 8 Mds de DH, concentrée à 80% sur le 2 ans, le Trésor retient 4,3 Mds de DH, soit un taux de satisfaction de 54%. Mais c’est surtout la dynamique cumulative qui interpelle, puisque la levée du mois atteint 15,9 Mds de DH, soit 55% au-dessus du besoin prévisionnel de 10,3 Mds de DH.

Le marché n’avait plus vu un tel niveau de demande (38,2 Mds de DH) depuis juillet 2024. Cette suractivité s’est immédiatement reflétée sur les taux : +16 pb sur le 2 ans en primaire, et jusqu’à +17 pb sur le secondaire. Le segment court, traditionnellement amortisseur, a cette fois absorbé l’essentiel du choc. Les données compilées par BKGR confirment une pression diffuse mais tangible sur l’ensemble de la courbe : la maturité 26 semaines enregistre ainsi la plus forte hausse, autour de +17 pb, tandis que le 52 semaines progresse de près de +8 pb. Le mouvement est encore plus marqué sur le 2 ans, qui s’apprécie d’environ +16,6 pb, quand le 10 ans suit avec une avancée plus contenue, de l’ordre de +6,5 pb. *

«Le mouvement haussier observé ces dernières semaines reste, selon nous, avant tout d’ordre conjoncturel. Le rythme de financement autour de 10 à 15 milliards de dirhams par mois demeure largement absorbable par le marché et n’a pas, en soi, la capacité de créer des tensions persistantes sur la courbe. La hausse des rendements actuelle reflète uniquement un effet temporaire de liquidité. Une fois l’accélération des levées du Trésor digérée et les flux vers la dette privée stabilisés, nous anticipons une normalisation progressive des niveaux de rendement, à l’image du début d’année», nous précise un gérant taux.

Ainsi, malgré un niveau faible de tombées attendues en décembre, le Trésor continue «de faire le plein», pesant mécaniquement sur les taux du court et du moyen terme. Les investisseurs, eux, demeurent présents (souvent en excès) mais orientent davantage leurs stratégies vers les durations intermédiaires, considérées comme le meilleur point d’équilibre entre portage et risque directionnel. À l’échelle de la fin d’année 2025, les projections restent gérables. Le besoin de financement brut est estimé à 32,2 Mds de DH, qui inclut 5,4 Mds de DH pour la couverture du déficit et des arriérés et 26,8 Mds de DH de tombées, majoritairement domestiques. «Malgré le repli récent de la liquidité institutionnelle, nous considérons que les fondamentaux plaident toujours pour une détente graduelle des taux.

La trajectoire désinflationniste reste solide et les tombées du Trésor reviennent vers des niveaux plus normatifs, ce qui réduit la pression sur le CT lors des prochaines adjudications», précise notre interlocuteur. Selon la Loi de Finances 2025, 17,2 Mds de DH seront mobilisés à l’international, laissant 15 Mds de DH à lever sur le marché intérieur d’ici fin décembre. Rapporté au profil de financement mensuel, ce niveau soit environ 5 Mds de DH par mois, demeure «très modéré» et n’est pas, en soi, de nature à générer des tensions durables sur les rendements. La pression récente semble donc davantage conjoncturelle que structurelle.

Effet de ciseaux sur la liquidité

Depuis octobre, plusieurs facteurs contribuent à un reflux de la liquidité institutionnelle. D’un côté, l’accélération tardive des levées du Trésor pour rattraper un taux de réalisation très faible à fin septembre (seulement 11%, soit 3,8 Mds de DH sur une cible annuelle de 35 Mds de DH). Et de l’autre, le retour en force des émissions actions et dette privée, qui captent une partie des ressources disponibles. Cet affaiblissement relatif du réservoir obligataire a mécaniquement poussé certains taux à la hausse. Les analystes s’accordent toutefois pour y voir un ajustement technique, circonscrit dans le temps. Par ailleurs, plusieurs éléments continuent de soutenir l’idée d’une normalisation, voire d’un reflux progressif de la courbe.

La désinflation, d’abord, se consolide mois après mois, permettant au marché d’anticiper une politique monétaire qui devrait s’installer dans un régime plus stable à moyen terme. Parallèlement, le profil des tombées du Trésor s’oriente vers des niveaux plus normatifs après le pic d’octobre, réduisant mécaniquement la pression sur les adjudications à venir. L’ensemble forme un socle suffisamment robuste pour que les maisons de recherche maintiennent, à ce stade, leur scénario central : la tendance baissière de fond des taux obligataires demeure intacte.

À court terme, le marché devrait évoluer dans une relative stabilité, malgré le creusement du déficit de la liquidité bancaire. La partie courte de la courbe apparaît «ancrée», portée par une demande primaire toujours vigoureuse, notamment sur le 2 ans.

À l’inverse, le long terme pourrait conserver un léger biais haussier, alimenté par des besoins de financement encore conséquents et une visibilité budgétaire moins confortable. Dans cette configuration, les investisseurs semblent conserver leur cap en favorisant les maturités intermédiaires, qui offrent aujourd’hui le meilleur compromis entre rendement, sensibilité et visibilité. 

 

 

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