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Marché obligataire: «Le financement du Trésor est un financement fondamentalement interne»

Marché obligataire: «Le financement du Trésor est un financement fondamentalement interne»

Dans cet exercice de transparence, nous avons soumis quelques-unes des observations des opérateurs du marché financier à la directrice du Trésor, Fouzia Zaaboul, qui y répond dans les détails.

 

Propos recueillis par A. Hlimi

Finances News Hebdo : Pour éviter les conditions de financement difficiles de 2022, pourquoi le Trésor n’a-t-il pas réalisé une levée à l’international en 2021 quand les Banques centrales étrangères ont commencé à parler de hausse des taux ?

Fouzia Zaaboul : Pour répondre à cette question, je pense qu’il serait utile de rappeler les soubassements de la stratégie de financement du Trésor. Le financement du Trésor est un financement fondamentalement interne. Le marché domestique des bons du Trésor demeure donc de loin la principale source de financement de l’Etat. Et pour ne pas m’attarder sur cette question, je dirais seulement que c’est une aubaine pour notre économie, et cela à plusieurs points de vue, que l’on se place au niveau micro ou au niveau macroéconomique. En complément de cette source de financement, il y a les emprunts mobilisés auprès de nos partenaires bilatéraux et multilatéraux. Ces financements sont généralement assortis de conditions financières favorables. Mais au-delà, ce sont des financements qui appuient soit des réformes structurelles d’envergure, soit des projets physiques importants. Par conséquent, et par rapport à cette catégorie d’emprunt, je dirais que le retour sur investissement, même s’il n’est pas immédiat, est assuré. Après, il y a les émissions sur le MFI (marché international financier). Comme vous avez pu le constater, le recours du Maroc au MFI reste modéré. Dans la mesure où notre économie est une économie ouverte, nous devons assurer une certaine présence sur ce marché pour donner la visibilité à tous ceux qui regardent le «crédit Maroc». Et c’est important aussi pour nous de jauger la qualité de notre crédit à l’international. Cela, c’est l’objectif fondamental. Après, il y a bien sûr la mobilisation des devises. Et bien évidemment, l’opportunité de ces émissions dépend de plusieurs facteurs.

Pour revenir à votre question, il n’y avait pas de besoin particulier pour recourir au MFI en 2021. Tout d’abord, nous venions juste de faire deux émissions en 2020, l’une en Euro et l’autre en Dollar. Et par rapport au besoin en devises, il n’y en avait pas du tout. D’abord, la crise pandémique s’est traduite par une réduction du déficit courant de la balance des paiements suite à l’arrêt de l’activité, et en plus, nous avions procédé à des mobilisations record de ressources financières extérieures. Il y a eu, en plus des deux émissions, le tirage de la LPL et une mobilisation record auprès de nos partenaires. D’ailleurs, nous avions stérilisé le tirage de la LPL, et l’émission de décembre 2020 a couvert une partie du besoin de financement de 2021; et nous avons même procédé au remboursement anticipé d’une partie de la LPL. Par contre, et dès que la hausse des taux de la FED a commencé à se profiler dans un contexte de pressions inflationnistes, le Trésor a réalisé plusieurs opérations de swap, en 2021, sur des prêts initialement assortis de taux variables indexés sur le Libor USD 6 mois, portant sur un montant total de 507,3 millions USD. Ces opérations ont permis de fixer les taux de ces emprunts à des niveaux bas, réduisant ainsi notre exposition au risque de hausse des taux d’intérêt à l’international.

 

F.N.H. : Le blocage de la courbe des taux en 2022 a entraîné des valorisations incorrectes des actifs des OPCVM détenus essentiellement par les caisses de retraite. Comment éviter qu’un tel phénomène ne se reproduise ?

F. Z. : Par rapport à cette question, je pense que nous en avons suffisamment débattu. In fine, c’est la première fois que notre marché a été confronté à une si grande incertitude et une si grande volatilité. L’objectif maintenant est de le doter des moyens de se renforcer davantage face aux évolutions qui pourraient survenir, et nous travaillons sur ça avec la Place. Plusieurs scénarios sont à l’étude.

 

F.N.H. : Pensez-vous judicieux la mise en place d’une agence dédiée à la gestion de la dette, avec une vision globale sur les recettes et les dépenses et une meilleure coordination des actions ?

F. Z. : Si vous pensez à l’indépendance qui devrait prévaloir au niveau de l’endettement et de sa gestion, je peux vous dire, d’ores et déjà, qu’avec agence ou pas, ceux-ci sont très encadrés. Après, s’il faut formaliser davantage, pourquoi pas. L’endettement est, tout d’abord, encadré par deux textes fondamentaux. Et à ce niveau, le cadrage du PLF commence dès le mois de juin. Une fois les grandes masses de recettes et de dépenses arrêtées, on commence à évaluer le niveau du déficit soutenable selon un processus itératif, et cela jusqu’à la veille du dépôt du PLF. Il y a, tout d’abord, la Constitution de 2011 qui a responsabilisé le Parlement et le Gouvernement, en vertu de son article 77, sur les équilibres macroéconomiques, et la LOF de 2015 qui a introduit une «règle d'or» dans le but de limiter les emprunts exclusivement au financement de l’investissement et au renouvellement des tombées de la dette. Et comme vous le savez, la qualité de notre dette est examinée annuellement par le FMI dans le cadre de l’article IV. Par ailleurs, les agences de notation, qu’elles soient mandatées ou non, notent les dettes de manière «régulière».

Enfin, il y a les exigences intrinsèques de la soutenabilité de la dette, qui nous imposent de rester vigilants par rapport à l’évolution de notre endettement. C’est pour cela que la stratégie d’endettement que nous adoptons chaque année veille à respecter les objectifs d’un portefeuille de référence que nous avons conçu pour la dette du Trésor. Ce portefeuille benchmark possède toutes les caractéristiques typiques qui assurent la soutenabilité de notre endettement. En plus de la diversification de la base d'investisseurs, notre stratégie d’endettement veille à  prévenir un certain nombre de risques, notamment le risque de refinancement, en allongeant la durée de vie moyenne de remboursement de notre portefeuille de dette; le risque de change, en maîtrisant la part de la dette en devises dans l’endettement total et en rapprochant la structure de la dette extérieure par devise de celle du panier de cotation du Dirham; et le risque de taux, en assurant une structure optimale de la dette du Trésor  par nature de taux (fixe ou variable). 

 

 

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