Dans un continent encore sous-bancarisé mais en pleine croissance, les banques marocaines connaissent une forte dynamique en termes d’ouverture d’agences. Une expansion et une agressivité commerciale qui relèguent les banques françaises au second plan. Le principal concurrent des banques du Royaume, et notamment d'Attijariwafa bank, demeure Econbank, qui parvient à conjuguer croissance du parc d’agences et rentabilité par agences. Eclairage.
Dans la guerre aux parts de marché bancaires que se livrent les établissements bancaires en Afrique, les banques marocaines se montrent très agressives. Elles adoptent une stratégie tournée vers l’extension rapide du réseau d’agences, comme le souligne une étude du cabinet de conseil, Nouvelles Donnes, spécialiste des stratégies bancaires, opérant en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique.
Dans cette étude intitulée «analyse de la dynamique des réseaux bancaires des pays émergents», il est souligné l’importance croissante de l’Afrique subsaharienne, qui constitue aujourd’hui la zone d’expansion avec le plus fort potentiel de croissance.
Alors que partout ailleurs dans le monde le rythme de progression des agences bancaires faiblit, l’Afrique subsaharienne reste la zone dynamique par excellence, avec une croissance des réseaux de 12% entre 2008 et 2014, selon Nouvelles Donnes. Et ce rythme n’est pas prêt de s’arrêter, si l’on en croit les projections du cabinet d’études français : d’ici à 2020, l’Afrique subsaharienne est la zone où les réseaux devraient connaître la plus forte croissance, avec plus de 40% de nouvelles agences.
En 2014, le nombre d’agences pour 100.000 adultes demeure très faible en Afrique. Il est de seulement 3,2 agences pour 100.000 adultes (hors Afrique du Sud et Nigéria). Un pays comme la Côte d’ivoire a, en 2014, une densité de près de 3,5 agences pour 100.000 adultes. Le territoire devrait, selon les projections basses du cabinet Nouvelles Donnes, passer, d’ici 2020, à une densité de près de 3,9 agences, soit un ajout de 220 agences supplémentaires.
Le réseau d’abord…
Dans cette course à la densification du réseau, Attijariwafa bank, le géant panafricain, tire son épingle du jeu avec une hausse de plus de 128% du nombre d’agences entre 2007 et 2014. Sur la période, le nombre d’agences du groupe bancaire marocain est passé de 723 à 1.647. Si l’on exclut les ouvertures d’agences dans le Royaume, ce taux passe à 404%. Le nombre d’agences Attijariwafa bank hors-Maroc a donc été multiplié par 5 entre 2007 et 2004).
D’après les données du cabinet, ce chiffre de 1.647 agences fait de la filiale bancaire de la SNI le plus large réseau bancaire en Afrique, devant Ecobank (1.265 agences avec une croissance de 300% sur la même période), la Société Générale (912 agences, 28% de croissance), et BNP Paribas (699 agences, 44% de croissance).
La publication précise également que pour les deux zones francophones et stratégiques que sont CEDEAO, (communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) et CEMAC (Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale), Attijariwafa bank est le groupe le plus dynamique. Avec 12,5% de parts de parcs, il se rapproche du géant panafricain Ecobank qui, lui, revendique 14% de parts de parcs.
Ce dynamisme des banques africaines n’est pas sans conséquences sur les banques françaises, historiquement présentes sur le continent africain, mais qui perdent lentement mais sûrement du terrain par rapport aux banques locales. Les banques françaises (BNP, Société Générale et Crédit Agricole) sont les seules à voir leurs parts décroitre dans ce contexte de croissance. La Société Générale et BNP Paribas ont perdu presque trois points de parts de marché, passant respectivement à 8% et 5%. «Historiquement en position de leaders, la BNP et la Société Générale sont de plus en plus en position défensive, notamment par rapport aux banques marocaines», peut-on lire dans l’étude. Cette nouvelle configuration se lit sur les bilans de banques. Aujourd’hui, en Afrique du Nord, les trois principaux groupes bancaires français pèsent l’équivalent, en termes de bilan, du géant marocain Attijariwafa bank, précise-t-on au sein de Nouvelles Donnes.
… La rentabilité ensuite
Toutefois, cette expansion se fait, pour l’instant, au détriment de la rentabilité par agences. Nouvelles Donnes précise ainsi qu’au sein d’un marché qui a doublé en termes de nombre d’agences, les acteurs marocains ont fait le choix de sacrifier leur revenu par agence pour acquérir des parts de parc. Cette volonté des banques marocaines de mettre en place un maillage dense du territoire s’explique par l'ambition de capter au maximum les clients nouvellement bancarisés dans un continent en plein boom.
Pourtant, des groupes comme Ecobank parviennent à conjuguer croissance du parc et croissance des revenus par agence. A ce titre, le groupe bancaire panafricain fondé au Togo reste le concurrent le plus sérieux pour les établissements marocains, et notamment Attijariwafa bank. La ruée vers l’ouverture d’agences s’explique aussi par l’arrivée à saturation du marché domestique. Il y a en effet un essoufflement constaté de la croissance des réseaux bancaires en Afrique du Nord. Celle-ci était de 40% entre 2007 et 2014, avant de retomber à 4% pour la période 2014-2020 (soit un additionnel de 500 agences d’ici 2020 en Afrique du Nord). Concernant l’Afrique subsaharienne, elle devrait connaître la création de plus de 8.000 agences d’ici 2020, soit un taux de croissance de 42%, largement supérieur aux projections en Amérique latine et en Asie.
Il faut souligner enfin que la croissance du réseau en Afrique n’est pas le fait de nouveaux entrants : les barrières à l’entrée sont devenues difficiles à franchir. Sur le continent, le nombre de création de banques marque sensiblement le pas. Ainsi, sur la période 2008-2014, seules 3 nouvelles banques ont été créées sur le continent, contre une moyenne de 10 sur la période précédente.
Amine Elkadiri