Le président de la commission aux Affaires économiques du Parlement européen exhorte la Banque centrale européenne (BCE) à «corriger» sa position vis-à-vis des créances douteuses, cette dernière se trouvant ainsi exposée à une contestation d'une ampleur sans précédent dans ses fonctions de surveillance.
Roberto Gualtieri se fait ainsi l'écho des préoccupations exprimées cette semaine par Antonio Tajani, le président du Parlement, sur l'épineuse question du traitement des créances bancaires non honorées depuis 90 jours, dont l'encours dépasse le millier de milliards d'euros dans la zone euro, un sujet qui divise les pays membres et oppose à présent l'institut d'émission au législateur.
La BCE va demander aux banques européennes d'augmenter leurs provisions sur leurs nouvelles créances douteuses à compter de l'année prochaine afin d'enrayer un problème qui entrave le crédit et ne permet pas aux taux d'intérêt ultra-bas de produire leur plein effet dans le soutien à l'économie.
A partir du 1er janvier, les banques auront deux ans pour provisionner toutes leurs créances non garanties nouvellement qualifiées en catégories douteuses et irrécouvrables et sept ans pour les créances garanties et nouvellement qualifiées aussi.
Ce volontarisme de la BCE n'est pas du goût des députés européens qui tentent de rédiger leur propre proposition de loi sur les créances douteuses et qui veulent que le Parlement ait la préséance sur la banque centrale.
«Je partage les soucis du président Tajani», a dit Gualtieri à Reuters. «J'espère que la procédure de consultation aidera le MSU (Mécanisme de surveillance unique) à corriger sa position afin qu'elle soit plus équilibrée».
Tajani et Gualtieri sont tous deux italiens mais pour une fois leurs opinions sont partagées par certains Allemands. Rome et Berlin ont eu une passe d'armes sur la manière dont le gouvernement italien a géré la crise bancaire locale, les Allemands réclamant un traitement de cheval pour les créanciers du secteur bancaire.
Markus Ferber, vice-président de la commission parlementaire des Affaires économiques et monétaires et membre influent de l'Union chrétienne démocrate (CDU), le parti de la chancelière Angela Merkel, accuse la BCE d'outrepasser ses pouvoirs.
«Je crois que la BCE est allée au-delà de ses attributions et cela ne peut que saper la confiance envers son travail de superviseur», a-t-il déclaré à Reuters.
«La BCE tente d'imposer de nouvelles normes de fonds propres universelles mais cela devrait être la prérogative du législateur européen».
Matt Carthy, un eurodéputé irlandais, est lui aussi très critique alors que les créances douteuses continuent de plomber son pays, que la crise financière de 2008 avait presque acculé à la faillite.
«Le Parlement européen devrait avoir son mot à dire sur la résolution du problème persistant des créances douteuses, le problème relève de choix politiques et n'est pas une simple question technique qui pourrait être arbitrée par le seul MSU», a-t-il dit.
Souvent présenté comme un problème concernant principalement l'Italie, l'ampleur des créances douteuses affecte aussi des pays comme l'Allemagne ou la France.
Les créances douteuses du système bancaire italien atteignaient 262 milliards d'euros à la fin mars selon des données des régulateurs bancaires européens. Mais leur montant atteint 160 milliards d'euros en France, 139 milliards en Espagne et 69 milliards en Allemagne.
Toutefois, si les prêts douteux représentent autour de 12% du total des encours de prêts en Italie et en Espagne, cette proportion tombe à 4% en France.
L'agence de notation Moody's a prévenu que l'initiative de la BCE risquait d'affecter les notes de crédit des banques des pays le plus touchés par le phénomène.
«Cela pourrait causer des problèmes à certaines sociétés, surtout celles dont les matelas de fonds propres sont maigres», a expliqué Alain Laurin, de Moody's.