Des insuffisances persistent en termes de contrôle financier de l’Etat et des entreprises publiques.
L’audit permet d'instaurer un climat de confiance favorable à la dynamique économique et politique.
Rabat a abrité récemment la sixième édition des assises de l'Ordre des experts-comptables (OEC), placée sous le thème «L’audit dans le secteur public et les impératifs de transparence et de reddition de comptes». La manifestation a réuni plus de 300 personnes, dont des décideurs, des économistes, des professionnels de la finance, des régulateurs et des personnalités publiques.
Le président du Conseil national de l’OEC, Issam El Maguiri, a d’emblée indiqué que la profession comptable se donne aujourd’hui comme rôle majeur l'accompagnement de l’Etat en matière d'élaboration de comptes auditables et certifiables, rappelant dans ce sens le chantier de la mise en place des normes internationales de la comptabilité du secteur public. Il a, en outre, expliqué que «cette rencontre vise à examiner les moyens de mettre en place une comptabilité patrimoniale et d’engagements au Maroc».
Les travaux de ce rendez-vous ont démarré par un retour d’expérience de l’audit dans les établissements et entreprises publics (EPP). Pour Leila Boufous, adjointe à la Direction des entreprises publiques et de la privatiosation (DEPP) et présidente du comité d’audit de la DEPP, trois principales dates ont donné impulsion à l’audit dans le secteur public. Il s’agit de 1993, année à laquelle feu Hassan II a adressé au Premier ministre une lettre exhortant à auditer les établissements publics, compte tenu de leur importance vitale dans l’économie nationale. L’année 2003 est également un repère important, puisqu’elle a connu la promulgation de la loi 69-00, relative au contrôle financier de l'Etat sur les établissements publics. 2012, enfin, a vu le lancement officiel du Code marocain de bonnes pratiques et de gouvernance des EEP.
«Aujourd’hui, sur un portefeuille de 251 établissements et entreprises publics, nous avons 140 établissements qui disposent d’un comité d’audit, et 60 d’entre eux ont l’obligation d’instituer un comité d’audit. Pour la présidence de ces comités, elle varie entre le MEF, les ministères de tutelle ou des représentants de certains organismes comme le CIH, la CDG, etc.», déclare la responsable.
En dehors de ces chiffres, les constats dressés par Boufous concernent le non-respect de la régularité de la participation des membres des comités d’audits lors des réunions, l’inadéquation des profils des membres qui ont un besoin de formation afin de renforcer leurs compétences et l’absence d'évaluation des comités d’audit.
D’un contrôle préalable à un contrôle a posteriori
De son côté, les représentants de la Cour des comptes (CC) expliquent que le but recherché par la loi 69-00 était de faire migrer la plupart des entreprises publiques d’un contrôle préalable privilégiant la régularité, vers un contrôle a posteriori axé sur les résultats et les performances. «Or, aujourd’hui, le nombre des EPP soumis à ce type de contrôle (contrôle a posteriori : ndlr) n’a pas significativement évolué». Et de poursuivre : «A quelques rares exceptions, les EEP sont restés dans les types de contrôle dans lesquels ils ont été catégorisés en 2003, date de mise en application de ladite loi, à savoir le contrôle préalable, axé sur la vérification de la régularité des actes de gestion courante».
Pour la CC, le contrôle financier de l’Etat dans sa configuration actuelle «ne paraît plus adapté aux établissements publics locaux relevant des collectivités territoriales. Ces entités ont besoin d’un contrôle de proximité qui soit en ligne avec les principes de décentralisation et de déconcentration édictées par la Constitution de 2011».
Pour sa part, le MEF considère que le niveau insuffisant d’évolution est dû essentiellement aux insuffisances de la loi n°69-00, qui ne responsabilise pas les organes délibérants pour améliorer la gouvernance des entités concernées.
Qu’en pense El Othmani ?
Présent lors de ces assises, le chef de gouvernement estime que l'audit dans le secteur public constitue une garantie de l'efficacité et de la reddition des comptes et un moyen de redresser les dysfonctionnements, ce qui est à même d'instaurer un climat de confiance favorable à la dynamique économique et politique.
El Othmani a souligné le rôle de l'audit comme vecteur de performance des établissements publics, leur permettant de s'acquitter pleinement de leurs missions et d'être à la hauteur des attentes des citoyens. Il a assuré que «la réhabilitation de la gestion budgétaire et comptable publique est au centre des chantiers engagés par son gouvernement, mais que la réforme incombe à toutes les parties prenantes».
Il a insisté par ailleurs, sur la nécessité d'un partenariat entre le secteur public et les experts du secteur privé en la matière, saluant l’action de l'OEC en faveur du processus de développement au Maroc et sa contribution à la consolidation des principes de gouvernance et de reddition des comptes. ■
Y.S