L’efficience de l’investissement laisse à désirer.
L’effort de l’investissement privé reste faible comparé à d’autres pays similaires.
Des pistes sont envisagées pour le revigorer.
Par Y.S
Malgré un taux d’investissement remarquablement élevé, l’un des plus hauts au monde avec une moyenne de 30% du PIB entre 2010-2019, les retombées en termes de croissance économique, création d’emplois et productivité, sont très faibles au Maroc. Pour ce niveau d’investissement, la croissance du PIB n’a été que de 3,5% entre 2010-2019. C’est un paradoxe pour l’économie marocaine.
A titre d’exemple, certains pays tels que la Turquie ont atteint des taux de croissance similaires ou supérieurs, avec des niveaux d’investissement pareils, voire inférieurs. Sur la même période, ce pays, souvent pris en exemple, a dégagé une croissance de 6% pour un niveau d’investissement rapporté au PIB de 28%. Ce décalage invite donc à s’interroger sur l’efficience de l’investissement au Maroc. En effet, «le Maroc est l’un des pays où l’efficience de l’investissement est la plus faible en gain de croissance», explique Youssef Saadani, Directeur général délégué de CDG Invest et membre de la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD), lors d’un Webinaire sur l’investissement privé au Maroc organisé par la SFI, filiale de la Banque mondiale.
En chiffres, le ratio taux d’investissement/croissance économique traduisant l’efficience de l’investissementest de 8,5% pour le Maroc contre 4,8% pour la Turquie. En clair, le modèle de croissance du Maroc repose avant tout sur un effort d’accumulation du travail et du capital et non sur celui de l’efficience.
Situation de l’investissement privé au Maroc
La structure du FBCF permet aussi d’expliquer l’impact limité de l’effort d’investissement au Maroc. Le secteur public, qui investit principalement par l’intermédiaire des entreprises publiques, représente la moitié de tous les investissements réalisés dans le pays, selon les calculs de Saadani. Il faut dire qu’un grand nombre d’investissements ont été réalisés dans les infrastructures, dont les effets sociaux et économiques ne peuvent être pleinement observés qu’à long terme. Qui plus est, les projets sélectionnés pour un financement public ne tiennent parfois pas suffisamment compte des problèmes d’efficacité et peuvent ne pas optimiser l’impact sur la productivité et la création d’emplois.
En Turquie, le taux de l’investissement privé est de 85% contre 15% pour le public, ce qui explique la forte croissance observée lors des dix dernières années. Au Maroc, en 2019, l’investissement privé s’est chiffré à seulement 50 milliards de DH, selon les données projetées par Amine Diouri, directeur études & communication chez Inforisk. Sur 10 ans, le total n’est que de 621 milliards de DH, représentant 4,8% du PIB entre 2014 et 2018.
Comment rebooster l’investissement privé ?
L’ambition du NMD aujourd’hui est d’inverser la vapeur. Objectif : arriver à une part de l’investissement privé de 65% contre 35% pour le public. Pour y parvenir, plusieurs pistes sont aujourd’hui possibles. Saadia Slaoui Bennani, PDG de Valyans et également membre de la CSMD, a listé une série de recommandations. Pour elle, il faut tout d’abord «revoir le rôle de l’État en se positionnant comme État stratège et régulateur des entreprises qui vont porter la croissance du pays».
Slaoui Bennani a cité aussi comme solutions : l’accélération des privatisations, la mise en place de financements alternatifs, orienter l’investissement vers des secteurs porteurs, favoriser le petit investissement ou encore la compétitivité sur les coûts d’énergie. Jouer sur ces leviers permettra d’atteindre l’objectif phare du NMD, à savoir doubler la croissance à l’horizon 2035. Sur ce point, Javier Diaz Cassou, économiste principal de la Banque mondiale au Maroc, estime que «c’est un objectif ambitieux, mais pas impossible». Toutefois, préconise-t-il, «il faut l’émergence de nouveaux secteurs à haute productivité, une inclusion du marché de travail et des réformes multisectorielles».