Réforme de la TVA, taxe carbone, verdissement du tarif des droits d’importation, fiscalité sur les cigarettes, fraude fiscale…, le budget 2024 sera marqué par la poursuite de la réforme fiscale entreprise il y a deux ans. Plusieurs initiatives majeures sont prévues cette année.
Par Y. Seddik
Les réformes fiscales entreprises dans les Lois de Finances 2022 et 2023 seront poursuivies cette année dans le cadre du PLF 2024. L'objectif étant de moderniser l'administration fiscale, d'accroître la visibilité pour les acteurs économiques et de maintenir la stabilité du système fiscal à l’horizon 2026.
La feuille de route de cette politique fiscale a été tracée par la loi-cadre n°69-19 portant réforme fiscale, publiée en 2021, et qui constitue une référence permettant d'encadrer les actions à prendre durant les différentes étapes de sa mise en œuvre, de manière à garantir sa convergence avec les politiques publiques, renforcer les droits des contribuables, assurer la sécurité juridique et instaurer un régime fiscal simple et transparent. Cette réforme est mise en œuvre progressivement sur un délai de cinq ans (2022-2026), compte tenu des priorités fixées par cette loi-cadre.
Dans ce sens, l'année 2024 sera marquée par plusieurs initiatives majeures. Tout d'abord, dans le domaine des douanes et des impôts indirects, la réforme de la fiscalité sur les cigarettes se poursuivra, avec un schéma de taxation progressive sur cinq ans. Cette approche vise à simplifier le système de taxation, à renforcer les recettes de l'État et à protéger les consommateurs. En outre, un schéma de taxation graduel relatif à la TIC, sur une durée de 2 ans à partir de 2024, pour certains produits alimentaires de grande consommation contenant du sucre ajouté sera mis en place. Cette mesure contribuera à la lutte contre certaines maladies et à la réduction des dépenses de santé associées. Parallèlement, des efforts seront déployés pour renforcer la législation douanière dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, conformément aux recommandations du Groupe d'action financière (GAFI).
«Les réformes fiscales présentées dans le Budget 2024 représentent un pas important vers l'adaptation du système fiscal aux réalités économiques et environnementales actuelles de notre pays. L'année 2024 représente un jalon important pour la politique fiscale marocaine, mais il convient de se demander si les objectifs de financement des politiques publiques et de renforcement des droits des contribuables seront atteints sans imposer une charge excessive aux citoyens», nous explique à ce sujet Mohammed Erradi, économiste et expert en politiques publique et fiscale.
Initiatives pour un avenir durable
L'année 2024 sera également marquée par trois initiatives majeures orientées vers un avenir plus durable. Tout d'abord, une étude sera menée en vue de la mise en place d'une taxe carbone au Maroc, visant à soutenir la compétitivité des entreprises marocaines à l'échelle internationale. L'année 2024 sera ainsi dédiée à la conception de ladite taxe à travers, notamment, la délimitation de son périmètre et la détermination des modalités de son application en concertation avec les départements ministériels concernés, et via l'appui technique des institutions financières internationales. Ensuite, pour encourager l'efficacité énergétique, une taxe intérieure de consommation (TIC) sera appliquée sur des équipements spécifiques, en fonction de leur efficacité énergétique, s'alignant ainsi sur les objectifs de protection de l'environnement et de développement durable.
«L'étude de la mise en place d'une taxe carbone au Maroc est prévue dans le cadre des dispositions de l'article 7 de la loi-cadre n° 69-19 portant réforme fiscale.. Ceci dans l'objectif de permettre aux entreprises marocaines de maintenir leur compétitivité à l'international. L'année 2024 sera ainsi dédiée à la conception de ladite taxe à travers, notamment, la délimitation de son périmètre et la détermination des modalités de son application, en concertation avec les départements ministériels concernés, et via l'appui technique des institutions financières internationales», relève le rapport d'exécution budgétaire et de cadrage macroéconomique triennal au titre du PLF 2024. Enfin, le PLF 2024 prévoit le verdissement du tarif des droits d’importation.
L'objectif de cette réforme est de rendre le tarif douanier plus vert et de soutenir les mesures de politiques écologiques, de sorte que le rôle de la nomenclature, en tant qu'outil statistique de commerce international, puisse être élargi pour devenir également un outil de soutien du commerce international durable. «La mise en place d'une taxe carbone est un défi complexe. Bien que cela puisse encourager la réduction des émissions de carbone, nous devons tenir compte des répercussions sur les entreprises locales, en particulier celles qui sont déjà aux prises avec des coûts de production élevés. Dans ce sens, le gouvernement doit travailler en étroite collaboration avec les secteurs industriels pour trouver un équilibre entre la protection de l'environnement et la compétitivité économique», explique de son côté Mohamed Erradi.
Réforme de la TVA et lutte contre la fraude fiscale
La réforme de la TVA est une priorité en 2024. Elle vise à établir le principe de neutralité de la TVA en alignant les taux et en élargissant les exonérations aux produits de première nécessité. Cette réforme sera mise en œuvre progressivement sur trois ans (2024-2026), avec pour objectifs principaux d'aligner les taux de TVA sur deux taux cibles, à savoir un taux normal de 20% et un taux réduit de 10%, tout en élargissant les exonérations aux produits essentiels et en rationalisant les incitations fiscales. En parallèle, des mesures seront prises pour renforcer le cadre juridique et institutionnel visant à lutter contre la fraude fiscale et l'économie informelle. Cela impliquera notamment la révision des procédures d'examen de la situation fiscale des contribuables et le renforcement de la conciliation pour résoudre les questions fiscales des contribuables, tout en les accompagnant.
«La lutte contre la fraude fiscale est essentielle, mais elle nécessite une approche beaucoup plus équilibrée. Les procédures d'examen de la situation fiscale des contribuables doivent être transparentes et équitables pour éviter les abus. De plus, il faut investir dans la formation des agents fiscaux et améliorer les canaux de communication avec les contribuables pour encourager la conformité plutôt que la dissimulation», précise notre expert. En définitive, l'année 2024 s'annonce comme une année de réformes fiscales majeures au Maroc, avec un accent sur la modernisation, la durabilité et la stabilité économique. Toutes ces réformes traduisent l’ambition du gouvernement à adapter la fiscalité aux défis du monde moderne et à soutenir les objectifs de développement durable du pays.