- La décision pour une convergence des règles prudentielles de BAM et des règles fiscales de la DGI en matière de provisionnement revient aux instances politiques.
- La Banque centrale milite pour parvenir à une harmonisation des règles.
C’est l’un des sujets les plus ardus sur la table de Bank Al-Maghrib : réussir à convaincre le fisc que les règles de provisionnement bancaire, élaborées et régies de manière stricte par la Banque centrale à travers la circulaire n°19-G, ne doivent pas faire l’objet de redressements fiscaux de la part des agents de la Direction générale des impôts.
Il faut savoir que le fisc et les banques ont une interprétation très différente de la question de la déductibilité des provisions. La réglementation prudentielle oblige en effet les banques à passer en charges un certain pourcentage de leurs créances selon l’importance du risque d’impayé (créances pré-douteuses, douteuses, compromises).
Or, la DGI juge que seules les provisions qui ont donné lieu à un contentieux (une procédure judiciaire) dans les 12 mois qui ont suivi la constitution de la provision sont fiscalement déductibles.
Dernièrement, c’est CIH Bank qui a fait les frais de cette divergence de points de vue. La banque a fait l’objet d’un redressement fiscal début 2017. D’autres établissements bancaires pourraient subir la même mésaventure tant qu’un accord n’est pas trouvé.
Plus récemment, Bank Al-Maghrib, par la voix de son wali Abdellatif Jouahri, a affirmé que la Banque centrale milite sans relâche pour faire converger les règles prudentielles avec les règles fiscales (voir encadré). «Nous travaillons au corps la DGI», avait lancé le gouverneur.
Cela fait presque 10 ans que les négociations sont en cours entre les deux entités pour parvenir à un terrain d’entente. En vain.
Selon nos informations, la décision de cette convergence ne relève pas du fisc, malgré la bonne volonté qu’il peut afficher. «A un moment donné, le principe de la convergence entre les règles prudentielles de BAM et la réglementation fiscale doit être tranché au niveau politique», nous explique une source très au fait du dossier.
Le ministère des Finances aurait certaines réticences à franchir le pas. Il faut dire qu’en cas d’accord, le manque à gagner à court terme au niveau des recettes fiscales dues aux contrôles sur les provisions bancaires, serait non négligeable. Ceci explique peut-être cela.
Toujours est-il que selon nos sources, la DGI ne serait pas du tout réticente à ce que ses règles convergent avec celles de la Banque centrale en la matière. «La démarche du fisc de manière générale est d’essayer d’avoir une convergence des règles entre les institutions de l’Etat pour que les contribuables ne soient pas ballottés entre deux logiques», nous explique-t-on.
D’ailleurs, un cas similaire portant cette fois-ci sur l’impôt sur le revenu (concernant les indemnités et les primes), s’était posé avec la CNSS par le passé. Dans une démarche de concertation associant le patronat, un cadre de convergence avait pu être trouvé en 2017 pour donner de la visibilité aux entreprises à travers une harmonisation des assiettes fiscale et sociale.
La convergence est donc possible. Mais tant que la loi en matière fiscale est ce qu’elle est, l’inspecteur des impôts n’a d’autres choix dans ses missions de contrôle que de l’appliquer.
Aujourd’hui, la discussion est toujours ouverte. Les différents points de vue sont exprimés, des propositions sont faites, mais la décision revient, en dernier ressort, aux instances politiques. Chez certains banquiers, on a bon espoir qu’un compromis puisse être trouvé d’ici 2018 ou 2019.
L’argumentaire de la Banque centrale
L’argumentaire de la Banque centrale pour défendre son point de vue est assez limpide : si une banque fait une provision, c’est qu’elle estime qu’il y a un risque. Et elle le fait conformément au classement des créances en souffrance établi par une circulaire de BAM. Si le risque se confirme, la provision est affectée, dans le cas contraire, la provision est reprise et l’impôt est payé.
«Les banques suivent les règles du régulateur qui sont reconnues au plan international. Ce ne sont pas des règles propres à nous», ne cesse de répéter Abdellatif Jouahri. «Un benchmark a d’ailleurs été présenté qui montre clairement que les règles prudentielles priment sur les règles fiscales», a-t-il par ailleurs ajouté.
Autre argument de taille : les banques n’ont aucun intérêt à surestimer leurs provisions, «car elles sont suivies au niveau de la Bourse, des actionnaires, du dividende distribué, etc.».
A.E