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Entretien : Marché financier : «Nous croyons au Team Maroc»

Entretien : Marché financier : «Nous croyons au Team Maroc»

altMaroclear et le groupe de la Bourse de Londres (LES) ont signé un accord de coopération visant à élargir les services offerts par LSE aux affiliés du marché financier marocain. De l’utilisation du système Target 2 Securities, en passant par l’attribution des LEI pour les intervenants financiers marocains, le dépositaire centrale ne ménage pas ses efforts pour moderniser la place et proposer des services «de classe mondiale». Fathia Bennis, PDG de Maroclear, a accepté de répondre à nos questions, et évoque pour nous cet accord ainsi que les projets futurs du dépositaire central. Et ils sont nombreux. 

 

Finances News Hebdo : Quel est le cadre général et stratégique dans lequel s'inscrit cet accord ? En quoi sera-t-il profitable à la place casablancaise dans sa stratégie de hub africain ? 

Fathia Bennis :  Maroclear a mis au top de ses priorités l’accompagnement de l’émergence de Casablanca comme Hub régional. A ce titre, nous cherchons à ouvrir les marchés européens aux intervenants marocains, mais aussi le marché marocain à des acteurs étrangers.

Les acteurs de la Place pourront ainsi grâce à cet accord, instruire via les systèmes Maroclear et selon les mêmes modalités, leurs opérations sur le marché domestique ou encore sur le marché européen et recevront sur leurs relevés comptables leurs avoirs au Maroc ainsi que ceux à l’étranger. Maroclear assurera les services d’opérations sur titres et d’informations sur les valeurs comme il le fait actuellement pour les valeurs mobilières marocaines.

L’utilisation de Target 2 Securities, système paneuropéen de règlement des titres géré par la Banque Centrale Européenne, comme système de règlement, permet un dénouement en temps réel sur le principe d’une livraison contre paiement, avec un règlement en monnaie banque centrale. 

 

Nous ambitionnons à terme d’étendre cette couverture pour le marché africain avec des liens vers d’autres dépositaires de la région. 

F.N.H. Les relations entre les acteurs du marché des capitaux marocain et ceux de la Bourse de Londres sont de plus en plus étroites. Qu'est-ce que ça vous apporte d'être partenaire d'une Bourse de renommée mondiale, en termes de savoir-faire, d'expériences, et de best practices ? 

F. B. L’émergence de Casablanca comme hub financier régional implique pour les acteurs une ouverture plus importante sur les autres places financières. Nous avons aujourd’hui une relation privilégiée avec le Groupe London Stock Exchange que nous souhaitons raffermir au travers d’autres actions.

Londres est un hub financier important, avec un pool important d’investisseurs à la recherche d’opportunités. Le Maroc a les moyens de répondre à ce besoin. Notre rôle en tant qu’infrastructure de marché est de rendre tout cela possible en mettant les liens qu’il faut en termes de règlements et dénouements. 

 

F.N.H. La convention évoque l'élargissement de la gamme de services du groupe FTSE 100 offerte aux acteurs du marché au Maroc. D'autres accords sont-ils dans le pipe ? 

F. B. Nous sommes actuellement en discussion avec le London Stock Exchange pour fournir d’autres services. Nous privilégions aujourd’hui des partenariats avec des acteurs de renom pour proposer à la Place des services de classe mondiale. La dynamique que connait la Place financière, avec tous les projets en cours, est propice à ce type d’exercice. 

L’esprit qui anime aujourd’hui Maroclear est un esprit de complémentarité avec les autres acteurs de la Place et non de compétition. Nous croyons au team Maroc et mettons tous nos moyens en oeuvre afin de permettre la concrétisation de la vision de Sa Majesté le Roi Mohammed VI pour faire de Casablanca un hub régional.

Par ailleurs, tous les projets que nous développons sont réalisés en étroite collaboration avec les acteurs de la Place, notamment les régulateurs. 

 

F.N.H. L'accord porte aussi sur l'attribution des LEI. En quoi ce service est primordial pour vos clients et constitue une avancée dans le processus de modernisation ? Quelle est sa valeur ajoutée ? 

F. B. Le «Legal Entity Identifier» constitue l'une des réponses du groupe du G20 à la crise financière mondiale. Il vise à permettre aux régulateurs de par le monde d’identifier de manière précise les entités intervenantes dans le cadre des transactions financières. L’objectif étant une meilleure maitrise des risques systémiques et un meilleur pilotage de la stabilité financière.

Il faut savoir que chaque intervenant financier marocain qui souhaite intervenir sur les marchés étrangers se doit d’avoir son identifiant LEI avant d’initier ses transactions. Avec cet accord, Maroclear sera en mesure de fournir aux contreparties marocaines (Banques, assurances, OPCVM, etc…) les codes nécessaires pour leur permettre d’investir à l’étranger.

Je voudrais ajouter que nous travaillons activement et en étroite collaboration avec les régulateurs de la Place pour permettre à terme à Maroclear de devenir un local operating Unit de la «LEI fundation» pour nous permettre d’attribuer directement ces codes. Ce qui nécessite pour nos régulateurs un processus assez long d’identification auprès de «LEI Fundation» avant d’autoriser Maroclear à devenir un local operating Unit. 

 

Il serait important à notre sens que la Place puisse réfléchir dans un horizon proche à la généralisation de l’utilisation du LEI, ce qui permettrait à terme une meilleure identification des contreparties financières et pourquoi pas sa généralisation comme identifiant unique de l’investisseur, comme c’est le cas dans un nombre important de pays. 

 

F.N.H. Qu'est-ce qui, selon-vous, manque encore à la place pour attirer davantage d'investisseurs étrangers ? 

F. B. Les investisseurs étrangers sont de plus en plus intéressés par l’Afrique qui est perçue comme la seule région à fort potentiel de développement. Il y a aujourd’hui un grand intérêt notamment pour des investissements dans les infrastructures et plus particulièrement le secteur de l’énergie. Le Maroc devrait tirer parti de cet engouement en offrant de nouveaux instruments. Nous pensons particulièrement aux projets Bonds et aux certificats Carbone pour accompagner le développement du Plan solaire.

Certaines entreprises nationales exportatrices de renommée pourraient tirer profit également de cet engouement pour émettre des obligations en devises. Des cas similaires peuvent être cités en exemple, notamment sur le Sud-Est asiatique avec Petronas ou encore Thai Airlines qui ont émis massivement des obligations en dollars souscrites par des investisseurs étrangers qui ont permis à ces entreprises de prendre l’essor qu’on leur connait aujourd’hui.

Permettez-moi juste de revenir sur les «Projets Bonds» pour rappeler ce que c’est. Il s’agit en effet pour les Etats ou les gestionnaires d’infrastructures de créer par projet des entités juridiques distinctes qui portent les projets (Special Vehicule) qui émettent sur les marchés financiers des obligations généralement garanties par les bailleurs de fonds type Banque Africaine de Développement, Banque Européenne investissement etc... Il est à rappeler que du point de vue historique, les centrales électriques, le réseau ferroviaire et tramway et j’en passe, ont été au début du siècle financés exclusivement par les marchés financiers au Maroc. J’invite par la même occasion la communauté financière à venir visiter notre musée des valeurs mobilières qui renferme une importante collection relatant l’histoire des marchés financiers au Maroc et de leur développement.

 

F.N.H. Une question pour revenir sur votre ambitieux plan de développement lancé récemment et de ses nombreux projets (nouvelle plateforme OPCVM, dématérialisation des titres des entreprises non cotées, paiement direct, entre autres). Les choses avancent-elles ? 

F. B. Nous avons en effet lancé, en 2013, un programme d’envergure de développement stratégique «CAP 2013-2017», avec le soutien de la Place. L’objectif est de mieux accompagner l’émergence de Casablanca comme Hub financier à dimension régionale. 

Ce plan stratégique, concerté avec la Place, voulu et soutenu activement par nos organes de gouvernance, vise à capitaliser sur les acquis de Maroclear pour en faire un centre de compétence au service de la Place. Le plan a été bâti sur plusieurs piliers, avec un renforcement de notre structure d’organisation et de gouvernance, de nos infrastructures informatiques, mais aussi un développement de notre offre de service.

Un benchmark avec les autres Places financières africaines, mais aussi des Places comparables a été réalisé, avec pour objectifs d’identifier les axes d’amélioration et de progrès. A l’issue de cette étape, nous avons lancé la mise à jour de notre plateforme métier pour permettre une normalisation des échanges de messageries financières au niveau de la Place. Nous sommes sur le point de lancer les tests de la Place avec un démarrage au premier trimestre 2015. A l’issue de cette phase, un nombre important d’acteurs de la place disposera d’infrastructures capables d’interagir automatiquement avec les systèmes Maroclear dans l’objectif d’une meilleure gestion de la volumétrie, notamment en période de pics, et d’une meilleure maîtrise des risques opérationnels. Nous serons en effet la seule Place financière africaine à avoir réussi l’implémentation de la messagerie financière ISO15022 sur l’ensemble des filières de gré à gré et Repo’s.

Par la suite, de nouveaux services seront proposés à la Place, avec une plateforme dédiée à la collecte des ordres et au dénouement des opérations de souscription rachat d’OPCVM. L’objectif recherché est un élargissement des réseaux de distribution au-delà des configurations actuelles pour permettre à cette industrie de se développer davantage. Cette plateforme pourrait être utilisée pour commercialiser sur le Maroc des OPCVM étrangers, notamment africains et en Afrique des OPCVM marocains.

Nous ambitionnons en 2015 une refonte complète de nos services d’opérations sur titres et services aux émetteurs, avec la mise en place du paiement direct pour les remboursements des intérêts et de capital des Bons du Trésor. Nous souhaitons à ce titre signaler l’engagement de Bank Al-Maghrib et de la direction du Trésor qui ont soutenu activement la mise en oeuvre de ce projet. Ce projet a valeur de signal aux autres émetteurs pour un règlement efficace et à bonne date de valeur des paiements de dividende, paiement d’intérêts ou encore remboursement final d’obligations.

Nous croyons fermement que l’émergence d’une industrie de services financiers de classe régionale passe par l’élargissement, sur une base réglementaire ,du régime général de l’inscription en compte, comme c’est le cas de la régulation européenne CSDR. Outre une sécurisation des avoirs et une meilleure circulation des titres, la dématérialisation permet une meilleure traçabilité et le développement de nouveaux services. Maroclear a lancé un programme visant une meilleure sensibilisation des acteurs de la Place. Nous pensons notamment aux experts-comptables et notaires qui doivent jouer un rôle important. Nous pensons, avec d’autres acteurs de la Place, que nous pourrions avoir à terme un marché «hors cote», sans que cela n’implique une introduction en Bourse, tel que nous l’entendons aujourd’hui. 

 

F.N.H. Le dépositaire central est-il toujours candidat à la gestion de la future chambre de compensation ? Pensez-vous être bien positionné pour hériter de cette charge ? 

F. B. Comme je l’ai dit plus haut, nous croyons au team Maroc. Pour cela, nous devons rapidement doter notre pays de ce type d’infrastructure, tout en veillant à ne pas ré-enchérir les coûts des transactions. 

 

Propos recueillis par A. Elkadiri

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