- Finances News Hebdo : Si vous deviez donner une définition à la bonne gouvernance, quelle serait-elle ?
- Karim Hajji : La bonne gouvernance c’est la capacité d’une organisation à mettre en place des systèmes, des procédures, des organes qui permettent d’assurer que les intérêts des parties prenantes de l’entreprise sont respectés, c'est-à-dire les intérêts aussi bien des actionnaires, des clients, des fournisseurs, des banques que de toutes les parties prenantes de l’entreprise. Il s’agit de respecter leurs intérêts tout en défendant, bien entendu, les intérêts de l’entreprise qu’on représente.
Et c’est cela, pour moi, une bonne gouvernance aujourd’hui.
- F. N. H. : Quel est, selon vous, l’impact de la bonne gouvernance sur les sociétés cotées ?
- K. H. : La bonne gouvernance permet d’améliorer la transparence des sociétés cotées, de donner confiance aux investisseurs.
Ces derniers ont besoin, pour pouvoir accorder leur confiance à une entreprise, d’être certains qu’elle est transparente, qu’elle respecte leurs intérêts, qu’elle a mis en place de bonnes règles de gouvernance de fonctionnement.
Donc, in fine, la bonne gouvernance permet d’attirer davantage d’investisseurs. Par ailleurs, lors de notre dernier workshop sur la gouvernance, il a également été relevé une étroite relation entre la gouvernance et la performance d’une entreprise.
- F. N. H. : Comment une bonne gouvernance peut-elle impacter la capitalisation boursière ?
- K. H. : Il y a plusieurs études qui ont démontré, de manière très claire, que les pays où les droits des actionnaires sont respectés, ont une capitalisation 4 fois plus importante que dans les pays où les droits des investisseurs ne sont pas assurés. Donc, il y a une relation directe entre la bonne gouvernance et la capitalisation boursière.
- F. N. H. : Quels sont les outils mis en place en vue de garantir une bonne gouvernance ?
- K. H. : Les outils sont déjà prévus, du moins pour certains d’entre eux, dans la loi pour la SA. Ainsi, cette loi permet, par exemple, de séparer les pouvoirs du Directeur général de ceux du président du Conseil d’administration, c'est-à-dire qu’il n’y a plus de concentration de tous les pouvoirs dans les mains d’un président directeur général.
Il y a d’une part, le Conseil d’administration ou le Conseil de surveillance et, d’autre part, le Directeur général ou le président du Directoire dans l’hypothèse où c’est une société avec Conseil de surveillance et Directoire.
Donc, déjà, il y a une séparation à ce niveau-là, entre les pouvoirs du management et les pouvoirs d’arrêter la stratégie de l’entreprise et de veiller à son application, d’une part.
D’ailleurs, il y a un certain nombre de comités que le Conseil d’administration de l’entreprise, ou son Conseil de surveillance, peut mettre en place pour assurer la protection des droits des actionnaires.
Le plus important de ces comités est naturellement le comité d’audit qui valide les comptes de l’entreprise, veille à ce que des procédures en interne existent pour assurer une bonne maîtrise des risques et une bonne gestion financière. Il s’agit également de s’assurer que les bonnes personnes sont aux bonnes fonctions pour garantir le respect des actifs de la société, donc la protection des intérêts des actionnaires.
Il y a également le comité des nominations qui se charge des rémunérations des administrateurs, du Directeur général et des cadres clés de l’entreprise. Ce comité s’assure que l’entreprise a les personnes qu’il faut aux postes clés, que leur rémunération est conforme à ce qui se pratique sur le marché, qu’il n’y a pas d’abus du management en terme de rémunération et, déterminera les jetons de présence qui seront alloués au Conseil d’administration en fonction du travail effectif des administrateurs. Voici donc deux comités qui sont particulièrement importants. D’autres comités peuvent s’y ajouter selon la nature de l’activité de l’entreprise, mais disons que ce sont les deux comités majeurs que l’on retrouve dans la plupart des entreprises qui ont une bonne gouvernance.
- F. N. H. : Un code d’éthique et de déontologie a été mis en place à la Bourse de Casablanca; que pouvez vous nous dire sur ce code ?
- K. H. : Le code déontologique fait partie d’une bonne gouvernance d’une entreprise. Il y a effectivement les différents comités que j’ai cités, mais il y a aussi un code de bonne conduite, qui précise les situations dans lesquelles un employé ou un administrateur peut se trouver en conflit d’intérêts.
Donc, lorsqu’une personne qui exerce des activités, soit au sein de l’entreprise, soit au sein du Conseil d’administration, se trouve dans une situation potentielle de conflits d’intérêts, elle est censée en informer le responsable de la conformité qui va lui dire d’éviter de s’impliquer dans telle ou telle transaction pouvant être en conflit avec les intérêts de l’entreprise, par exemple. Cela précise aussi la manière dont on doit respecter la confidentialité des informations de la Bourse de Casablanca. Cela précise également le fait que les personnes clés à la Bourse de Casablanca ne sont pas autorisées à traiter sur le marché des actions, et ça c’est une partie du code de déontologie de la Bourse de Casablanca.
Il y a un certain nombre de dispositions qui sont claires, pour encadrer justement toute intervention d’un responsable de l’entreprise, ou de son Conseil, et qui serait de nature à être en contradiction avec les intérêts de la société elle-même.
- F. N. H. : En quoi a consisté la contribution du CDVM dans l’élaboration de ce code ?
- K. H. : Le CDVM nous a recommandé fortement d’avoir un code de déontologie. Nous l’avons mis en application, et nous avons sensibilisé chacun des employés et des administrateurs de la société.
Par ailleurs, nous avons un code spécifique pour les administrateurs, un pour les employés et un autre pour les administrateurs. Et nous avons sensibilisé chacun de nos employés et de nos administrateurs à ce code et aux respects des dispositions que prévoit ce code.
Chacun doit signer une copie du code attestant qu’il l’a bien lu, qu’il en a pris connaissance et qu’il adhère bien évidemment à ses prescriptions.
Propos recueillis par W. M.