Le gouvernement ambitionne de repenser les mécanismes de pilotage et élever le niveau d’exigence pour mieux répondre aux impératifs de performance, de transparence et de responsabilité.
Par C. Jaidani
Les établissements et entreprises publics (EEP) ont un rôle majeur dans la création de valeur à long terme et la gestion responsable des enjeux de développement. La dynamique de réforme du secteur public entre dans le cadre des directives royales visant à renforcer sa performance, sa transparence et son efficacité. A cet égard, le Maroc a établi une nouvelle vision pour assurer une bonne gouvernance de ces entités. Celle-ci se base sur la professionnalisation de l’actionnariat public, l’intégrité ainsi que sur une approche stratégique plus intégrée.
Dans ce cadre, un séminaire de haut niveau consacré à la présentation des lignes directrices révisées de l’OCDE sur la gouvernance des entreprises publiques a été organisé à Rabat. A l'initiative du ministère de l’Économie et des Finances (MEF) et l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de l’État et de suivi des performances des établissements et entreprises publics (ANGSPE), l’événement a mis en exergue les réformes initiées et les expériences réalisées par différents pays.
«Les EEP ont toujours constitué une composante essentielle de notre croissance. Elles interviennent dans des secteurs vitaux - énergie, transport, infrastructures, services de base - et portent des missions d’intérêt général indispensables à la cohésion sociale et territoriale. Mais dans le contexte actuel marqué par des attentes citoyennes croissantes, par des contraintes budgétaires fortes et par une transformation rapide de notre économie, les EEP doivent désormais répondre à de nouveaux défis : efficacité, transparence, performance et impact sociétal», souligne Nadia Fattah Alaoui, ministre de l’Economie et des Finances. Et de poursuivre : «dans cette perspective, il nous appartient de faire bouger les lignes de la gouvernance des EEP, en capitalisant sur notre expérience et notre expertise propres, tout en nous appuyant sur les références internationales que sont les lignes directrices de l’OCDE. Car il ne s’agit plus seulement de gérer l’existant, mais d’interroger nos modèles, de repenser nos mécanismes de pilotage, et d’élever le niveau d’exigence pour mieux répondre aux impératifs de performance, de transparence et de responsabilité».
L'événement a fait le point sur l’évolution de la réforme du secteur des EEP au Maroc. Il s'est focalisé sur la publication récente du décret n°2-24-429 du 24 avril 2025, portant approbation du Code des bonnes pratiques de gouvernance applicable aux établissements et entreprises publics. Ce texte, publié au Bulletin Officiel n°7399 du 28 avril 2025, et pris en application de l’article 38 de la loicadre n°50-21, vise à promouvoir la transparence, la redevabilité et l’efficience à travers un ensemble de recommandations et de lignes de conduite structurant les rapports entre l’État et les EEP.
«Depuis son opérationnalisation, l’ANGSPE œuvre à renforcer le rôle stratégique de l’État en tant qu’actionnaire et à garantir un suivi rigoureux de la performance. Notre responsabilité est, pour ce faire, d’accompagner la transformation engagée, en contribuant à faire évoluer les modèles, à professionnaliser les pratiques et à promouvoir une culture de performance au niveau du périmètre, afin de faire bouger les lignes de la gouvernance publique, de manière structurée et cohérente», a affirmé Abdellatif Zeghnoun, Directeur général de l'ANGSPE. La rencontre a été également marquée par la présentation de la charte de gouvernance du label GUIDE, un référentiel initié par l’ANGSPE destiné à promouvoir l’excellence en matière de gouvernance des EEP; ainsi que par la signature d’une convention de partenariat entre l’ANGSPE et le Club des femmes administrateurs d’entreprises (CFA Maroc).
Ce document constitue le référentiel pour la labélisation des EEP en matière de gouvernance. Il s’inscrit dans le projet de promotion des bonnes pratiques de gouvernance lancé par l’Agence en septembre 2024, et définit les axes et principes d’actions que les EEP sont invités à déployer. Inspirée des lignes directrices de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la charte GUIDE s’articule autour de quatre axes fondamentaux : gouvernance stratégique et efficacité des organes de gouvernance; contrôle interne et gestion des risques; respect des droits des actionnaires et intégration proactive de la durabilité (ESG). Elle traduit la volonté claire d’alignement avec les standards internationaux tout en répondant aux spécificités du contexte marocain. Son volet «durabilité», qui en constitue une composante inédite centrale, vient directement refléter les recommandations de l’OCDE.
Dans ce sens, l’OCDE salue les réformes engagées par le Maroc en matière de gouvernance des EEP. Son directeur adjoint de la Direction des affaires financières et d'entreprise, Nicolas Pinaud, a mis en exergue les réformes engagées par le Maroc en matière des EEP. «Ces réformes constituent un effort significatif des pouvoirs publics marocains pour renforcer l'efficacité de l'administration publique et améliorer la gouvernance des entreprises, tout en améliorant le fonctionnement des marchés», a indiqué Pinaud.
Pour lui, ces réformes sont en ligne avec plusieurs recommandations des lignes directrices de l'OCDE sur la gouvernance des entreprises publiques, notamment la création de l’ANGSPE, ce qui répond aux bonnes pratiques de coordination de l'actionnariat de l'Etat. «Nous sommes ravis de contribuer aux discussions et d'échanger sur les bonnes pratiques en matière de gouvernance des entreprises publiques.
L'OCDE veut explorer de futures collaborations avec le Maroc dans ce domaine et dans bien d'autres. Dans ce sens, elle travaille actuellement sur le lancement d'une tableronde sur les marchés capitaux en Afrique, avec un focus sur le cas du Maroc. La coopération Maroc-OCDE touche à plusieurs domaines, notamment l'investissement, les petites et moyennes entreprises (PME), la participation des femmes à la vie économique et sociale ou encore la lutte contre la corruption», affirme Pinaud.
«Cette riche collaboration a conduit au lancement en 2015 du programme pays Maroc-OCDE, qui a été l'objet d'une évaluation finale externe et qui s'est révélée très positive dans plusieurs domaines, notamment la gouvernance publique, la politique économique, la promotion de l'autonomie et le développement régional», ajoute-t-il. Au terme de ce séminaire, le ministère de l’Economie et des Finances, l’ANGSPE et l’OCDE ont réaffirmé leur engagement commun à promouvoir une gouvernance des EEP plus responsable, plus performante et tournée vers l’avenir.