Le texte s’aligne sur les recommandations des assises de la fiscalité organisées en 2019.
Le volet social est une contrainte majeure pour lutter contre l’informel.
Par C. Jaidani
Le projet de Loi de Finances 2024 est établi dans un contexte particulier, marqué notamment par une conjoncture difficile et aussi par l’ambition du Royaume de poursuivre la réalisation de nombreux programmes structurants. Lors de la présentation du texte, l’exécutif a reconnu les incertitudes pour établir les prévisions, particulièrement les tensions inflationnistes et les perturbations géopolitiques mondiales.
Toutefois, une approche globale est déclinée pour assurer un équilibre entre les engagements de l’Etat et ses capacités de financement. Cette approche se base sur quatre axes principaux, notamment le programme de reconstruction et de mise à niveau des régions sinistrées par le séisme d’Al Haouz, la poursuite des réformes structurelles, le renforcement de la soutenabilité des finances publiques et le renforcement des bases de l’Etat social.
«Conformément aux recommandations des assises de la fiscalité tenues à Skhirate en 2019, le PLF 2024 manifeste clairement les nouvelles orientations de la politique fiscale de l’Etat. L’objectif est de simplifier le système fiscal national afin de le rendre plus incitatif et facilement applicable. Il est question aussi d’assurer sa convergence avec les autres politiques publiques», souligne Mohamed Amrani, professeur d’économie à l’université Hassan II de Casablanca. Les dispositions fiscales sont le volet le plus attendu du texte. Certaines mesures ont pour objectif de lutter contre l’inflation et renforcer le pouvoir d’achat des citoyens. Ainsi, ce PLF établit la généralisation de l’exonération de la TVA aux produits de large consommation ainsi que les fournitures scolaires. Cette mesure cible les médicaments et matières premières entrant dans leur composition ainsi que les emballages non récupérables.
«La TVA est un impôt indirect qui joue un rôle important pour renflouer les recettes de l’Etat, mais touche directement le consommateur. Pour assurer l’équité fiscale tant prônée, il était important de procéder à certains réaménagements. Le PLF 2024 n’est qu’une étape dans le processus de réforme qui devrait se poursuivre dans les années à venir. A cet égard, il est prévu d’aligner progressivement les quatre taux actuels (7%, 10%, 14% et 20%) en deux taux seulement (10 et 20%). Cela est conforme au principe de la neutralité économique de l’impôt», explique Amrani. Il note que pour assurer l’équilibre du budget public, d’autres taux sont revus à la hausse. Ils devraient pénaliser le pouvoir d’achat du consommateur, comme l’alignement progressif du taux de TVA applicable à l’énergie électrique pour passer de 14% à 16%.
Pour la location des compteurs d’électricité, il va passer de 7% à 11%. La hausse de cette taxe devrait toucher les prestations liées au transport. Outre les produits de large consommation, la hausse de l’imposition devrait toucher certaines niches, à l’image de la TIC sur les boissons alcoolisées. «La pression sur les niches fiscales a montré son effet contreproductif. Lors du gouvernement Benkirane, la surtaxation de ces produits n’a pas généré les recettes prévisionnelles. Elle a même réduit le volume de consommation. Trop d’impôt tue l’impôt. Il est opportun d’élargir l’assiette fiscale et d’éviter que les mêmes contribuables soient les mêmes qui subissent la pression fiscale», analyse-t-il.
Par ailleurs, le PLF 2024 veut lutter contre la fraude fiscale et l’informel. Dans ce cadre, Amrani affirme que «c’est un processus qui a démarré il y a des années, mais l’effet demeure mitigé. Pour la fraude fiscale, de nouveaux moyens sont mobilisés pour en atténuer l’effet. Dans ce sens, le renforcement du contrôle et le déploiement du digital sont préconisés. A terme, il est possible de maîtriser le phénomène. Ce qui n’est pas le cas de l’informel où d’autres aspects sont pris en considération : le volet social est une contrainte majeure pour le réduire».