Le système fiscal actuel est propice au décollage de l’épargne. Toutefois, il serait réducteur de limiter le développement de l’épargne privée au seul paramètre fiscal, même s'il est important.
L’amélioration des liquidités des banques, due en partie au trend haussier des réverses de change, est-il un motif pour baisser la garde dans le domaine de la promotion et de l’encouragement de l’épargne intérieure ? Tout naturellement, la réponse est négative d’autant plus qu’au regard des derniers chiffres du Haut-commissariat au plan (HCP), l’épargne nationale devrait dégringoler en 2016 en comparaison à l’année dernière pour se situer à 27,7% du PIB.
A cela, s’ajoute aussi l’accentuation du déficit du compte épargne- investissement de l’ordre de 2,4% du PIB. Ces quelques éléments factuels légitiment indéniablement la mise en place d’un ensemble de dispositifs à même de mobiliser l’épargne à moyen et long terme.
La fiscalité pourrait constituer le fer de lance des efforts publics engagés en la matière. Contacté par nos soins, Rachid Seddik Seghir, expert-comptable et fondateur du Cabinet Seddik, souligne l’étendue de la loi fiscale en matière d’exonérations des produits distribués par une multitude d’organismes, pour ne citer que les Organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) et les Organismes de placement en capital risque (OPCR). Bien entendu, l’objectif visé à travers ces mesures fiscales est de faire décoller l’épargne qui peine toujours à satisfaire les besoins d’investissement du Maroc.
Pour rappel, l’investissement brut devrait se situer autour de 30,1% du PIB. Même si globalement le système fiscal est de plus en plus favorable à l’épargne, qu’elle soit petite, moyenne ou grande, réduire le développement de l’épargne privée au seul paramètre fiscal semble être assez simpliste. Pour cause, du chemin reste encore à faire en matière d’amélioration du pouvoir d’achat des Marocains, d’adaptation et d’élargissement de l’éventail des produits (épargne actions, logement et assurance vie) et de bancarisation.
Au-delà de l’aspect fiscal qui revêt une grande importance, Rachid Seddik Seghir reste convaincu que les pouvoirs publics doivent s’atteler à inciter le grand public à faire fructifier son épargne auprès de la Bourse de Casablanca. D’après la note de conjoncture du HCP auprès des ménages comptant pour le 2ème trimestre 2016, seuls 8,3% des familles marocaines sondées affirment épargner une partie de leur revenu.
M. Diao
ENTRETIEN : «Des mesures favorisant l’épargne doivent être engagées»
Rachid Seddik Seghir, expert-comptable et fondateur du Cabinet Seddik, apporte un éclairage édifiant sur la manière d’ériger le paramètre fiscal en un véritable catalyseur de l’épargne.
Finances News Hebdo: Le système fiscal actuel est-il de nature à mobiliser suffisamment l'épargne intérieure pour le financement des besoins d'investissement du pays ?
Rachid Seddik Seghir: Les dispositions prévues par la loi fiscale se sont développées ces dernières années à travers l’adoption de plusieurs mesures destinées à encourager le développement de l’épargne privée. Les plus importantes sont celles concernant l’exonération de : -dividendes dans certains cas et également les produits distribués par certains organismes, tels que les OPCVM (Organismes de placement collectif en valeurs mobilières), les OPCR (Organismes de placement en capital risque), les banques offshore;-intérêts et autres produits servis aux établissements de crédit et organismes assimilés par les OPCVM, par les FPCT (Fonds de placement collectifs en titrisation), et par les OPCR. D’autres dispositions sont également prévues en faveur des personnes physiques, à travers l’exonération de certains revenus et indemnités, tels que les cotisations retraite, l’assurance groupe, les options de souscription ou d’achat d’actions prévues en faveur des salariés stock-options sous certaines conditions, l’abondement versé dans le cadre d’un plan d’épargne en faveur du salarié; -l’exonération sous conditions des intérêts perçus dans le cadre d’un plan épargne éducation en faveur des personnes physiques; -l’exonération sous conditions, des revenus et plus-values de capitaux mobiliers réalisés dans le cadre d’un plan d’épargne en actions et -l’exonération sous conditions des revenus et plusvalues de capitaux mobiliers réalisés dans le cadre d’un plan d’épargne entreprise.
F.N.H.: Est-il judicieux de mobiliser davantage la petite épargne (salariés) ?
R.S.S. : Il est certain que des mesures favorisant l’épargne doivent être engagées en vue de permettre l’émergence de la classe moyenne. Il s’agit notamment d’introduire des règles d’imposition du foyer fiscal.
F.N.H.: Y a-t-il des efforts fiscaux substantiels déployés pour mobiliser plus conséquemment l'épargne?
R.S.S.: La tendance est surtout à la suppression des exonérations et des dépenses fiscales suite aux Assises fiscales, pour leur substituer des efforts sous forme de baisse des taux d’imposition. Cependant, il est constaté que plusieurs exonérations sont prévues.
F.N.H.: Selon vous, quels sont les leviers fiscaux à même de faire décoller l'épargne intérieure au Maroc ?
R.S.S.: Les leviers seraient plutôt dans les actions à engager par les pouvoirs publics en vue d’encourager le grand public à fructifier son épargne au niveau de la Bourse. Des garanties de transparence et de bonne gouvernance doivent être renforcées dans le but d’améliorer la confiance et le recours à la Bourse. A mon sens, le paramètre fiscal ne jouera qu’un petit rôle et c’est surtout la communication et la vulgarisation des instruments de l’épargne qu’il faut cibler.
Propos recueillis par M. D.