Par M. Diao
La crise liée à la Covid19, qui continue de sévir au Maroc en dépit des espoirs suscités par l’arrivée des doses de vaccin, a fragilisé les finances publiques et gonflé l’endettement global du Royaume. Pour preuve, les résultats du Budget économique prévisionnel 2021, réalisé par le HCP, font état d’une inflation notoire du taux d’endettement global du Royaume suite à la pandémie.
En effet, le taux d’endettement global est passé de 80,4% du PIB en 2019 à 94,6% en 2020. Et l’année 2021 ne risque pas d’être meilleure, puisque les experts du HCP tablent sur un taux d’endettement global de 95,6% du PIB. Même constat au niveau des finances publiques chahutées par la pandémie, laquelle menace les économies des principaux partenaires du Royaume, notamment les pays européens.
Concrètement, le déficit budgétaire, qui était de 3,6% du PIB en 2019, est passé à 7,4% du PIB en 2020 et devrait, d’après les prévisions, se situer à 6,4% du PIB en 2021. Face à cette dégradation notable des finances publiques, couplée au raffermissement substantiel de l’endettement public global, il est légitime de se poser la question de savoir si la pression fiscale déjà élevée au Maroc en comparaison à certains pays de la région MENA (Egypte, Tunisie, Jordanie), est susceptible de progresser.
Et ce, d’autant que le document intitulé «La capacité de mobilisation des recettes fiscales au Maroc», publié par Bank Al-Maghrib en décembre 2020, montre de surcroît que les taux d’imposition au Maroc sont supérieurs à ceux pratiqués par les pays susmentionnés. Pourtant, en moyenne sur la période 2013- 2017, la capacité fiscale du Maroc est évaluée à 27,2% du PIB, alors que les recettes fiscales représentaient 21,2% du PIB. Ce qui témoigne quelque part du manque d’efficience et de rentabilité du système fiscal national.
Le manque à gagner relevé par l’étude publiée par BAM est, en effet, de l’ordre de 6,7 points de PIB. En 2019, le Maroc a mobilisé près de 238,2 milliards de dirhams de recettes fiscales, soit 20,7% du PIB. Ce qui représente un niveau moindre en pourcentage sur la période 2013-2017.
Vers une hausse inexorable de la pression fiscale
Hicham Mouchir, économiste et expert-comptable est formel : «Au regard du niveau de détérioration des finances publiques, auquel s’ajoute l’accroissement de l’endettement global, la pression fiscale, déjà élevée au Maroc, est appelée à augmenter».
«Tout l’enjeu est de savoir comment l’augmentation de la pression fiscale sera répartie. Est-ce les mêmes contribuables qui vont supporter l’alourdissement du poids des impôts ? Ou, au contraire, l’accroissement de la pression fiscale se traduira par l’élargissement de l’assiette fiscale, conformément aux recommandations des Assises fiscales de 2019», ajoute-t-il. La situation actuelle questionne la pertinence du maintien de certaines niches fiscales. Sachant que les dépenses fiscales en 2020 se sont chiffrées à plus de 28,9 Mds de DH.
L’élargissement de l’assiette fiscale suppose aussi une contribution plus conséquente à l’effort fiscal des secteurs très peu concernés par le paiement de l’impôt. Il y a notamment l’agriculture, puisqu’un nombre réduit d’entreprises est entré dans le champ d’application du paiement de l’impôt. «Au Maroc, les professions libérales participent de façon marginale à l’effort fiscal. Pour preuve, 80% de l’IR sont payés par les salariés.
Des sociétés déclarent un déficit chronique quand bien même elles réalisent des marges confortables. 0,8% des sociétés s’acquittent de près de 80% de l’IS», dénonce Hicham Mouchir. Ce dernier suggère que le contexte actuel est un motif pour l’Etat de corriger les dysfonctionnements à l’origine d’un manque à gagner considérable pour les finances publiques.
D’autant que les recettes fiscales couvrent près de 74,5% du BGE. Au final, bon nombre d’experts affirment que le creusement des déficits budgétaires causés par la crise contraint l’Etat à s’endetter. Aux dettes antérieures s’ajoute la dette «Covid-19», qu’il faudra bien rembourser. Par conséquent, l’Etat n’aura d’autres choix si ce n’est d’accroître la pression fiscale afin d’honorer ses engagements. Et ce, en raison du poids important des recettes fiscales dans le BGE.