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Croissance : La douche froide

Croissance : La douche froide

 

La Banque centrale a considérablement revu à la baisse sa prévision de croissance pour 2019. Celle-ci devrait s’établir à un petit 2,7%.

Pour Abdellatif Jouahri, le politique doit redonner confiance aux opérateurs économiques.

 

Par A. Elkadiri

 

C’était prévisible : au vu des faibles précipitations de ces derniers mois, la prévision de croissance du PIB pour 2019 ne pouvait qu’être revue à la baisse. Mais ce qui l’était moins, en revanche, c’est l’ampleur de cette révision : pas moins de 0,4 point d’écart entre la prévision établie par la Banque centrale en décembre, à savoir une croissance de 3,1%, et celle établie en mars, qui pronostique un taux de 2,7% pour 2019. Une vraie douche froide, qui ne va pas faire du bien au moral des troupes. Un moral déjà bien entamé depuis plusieurs mois.

Ce fort recul de la prévision de croissance s’explique essentiellement par la contreperformance attendue de la campagne agricole. Selon les projections de Bank Al-Maghrib à début mars, la campagne céréalière ne devrait pas dépasser les 60 millions de quintaux (au lieu des 80 millions pronostiqués en décembre). La valeur ajoutée agricole devrait dans ce sens baisser de 3,8% en 2019 par rapport à 2018.

«D’après nos modèles, le cumul pluviométrique est en baisse de 15,1% par rapport à l’année dernière à la même période, et l’indice de végétation est lui en baisse de 12,2%», précise Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, lors de la conférence de presse post-Conseil de la Banque centrale, le premier de l’année 2019.

«Il faut avouer que notre économie reste tributaire des conditions climatiques», déplore le gouverneur de la Banque centrale. D’autant que les activités non agricoles peinent à décoller, et continuent à progresser à un rythme lent : +2,7% en 2017, 2,9% en 2018 et +3,4% en 2019. Des taux insuffisants pour stimuler durablement la croissance, et qui restent loin de ceux d’avant crise, lorsque la valeur ajoutée des activités non agricoles dépassait régulièrement les 5%.

Au final, le Maroc est parti pour enchaîner 3 années successives de croissance molle (3,1% en 2018, 2,7% en 2019 et 3,9% en 2020 sous l’hypothèse d’une campagne céréalière moyenne de 80 millions de quintaux).

«Ce n’est pas avec ces taux-là que l’on va résoudre nos problèmes», commente le wali. Ce dernier fait notamment référence au chômage des jeunes citadins qui a encore augmenté, passant à 43,2%, malgré une année positive en termes de création globale d’emploi : 112.000 postes ont été créés en 2018, dont près de la moitié dans les services, après 86.000 en 2017 et une perte de 37.000 en 2016.

 

La responsabilité du politique

Jouahri ne manque pas de rappeler que la Banque centrale a utilisé tous les instruments possibles pour tenter de redynamiser l’activité économique, à travers principalement une politique monétaire non conventionnelle. «Nous avons activé tous les leviers», souligne le gouverneur.

«Nous avons accepté de prendre dans notre portefeuille les effets des PME, initié le dialogue à trois (CGEM, BAM, GPBM), dédié un volume de refinancement à la PME, sans parler du fonds de soutien à la TPME, de l’Observatoire de la PME, ou encore du mémorandum adressé au gouvernement en 2016», rappelle-t-il.

Une baisse supplémentaire du taux directeur n’aurait-elle pas été la bienvenue dans ce contexte ? Selon la Banque centrale, l’inflation à moyen terme ne justifie pas pour l’instant d’activer ce levier. Surtout, une telle décision aurait eu un impact négatif sur la rémunération de l’épargne, qui est déjà à des niveaux historiquement bas, sans nécessairement avoir un impact positif sur la hausse du crédit.

Quant à l’idée de laisser courir les déficits et faire de l’inflation pour relancer l’économie, comme l’a suggéré récemment Ahmed Lahlimi, haut-commissaire au Plan, elle a le don d’irriter le gouverneur de la Banque centrale. «La croissance ne s’administre pas», rétorque-t-il.

Clarifiant le fond de sa pensée, Abdellatif Jouahri rejette la balle dans le camp du politique. «J’estime que c’est le politique qui commande tout, même si je ne minimise pas pour autant le rôle de l’économie et des finances. L’opérateur a besoin de visibilité et de confiance. Quand il voit les politiques qui se crêpent le chignon, que voulez-vous qu’il pense ?», s’interroge-t-il.

«Le monde est en train de se complexifier d’une façon invraisemblable. On ne peut pas être en retard. Le politique doit être capable de se projeter et d’avoir une vision», martèle-t-il. A bon entendeur… ◆

 

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