Le vent favorable qui souffle sur les économies avancées et dans certains pays émergents, combiné à une activité économique dynamique au Maroc, avec un taux de croissance de 4,6% du PIB en 2015 (d’après les estimations), a sans doute induit la Banque centrale à maintenir son taux directeur à 2,5%. Du reste, le rythme de croissance du crédit bancaire demeure particulièrement faible (+2,3% à août 2015). Ce qui constitue une réelle source d’inquiétude pour les autorités monétaires.
Experts, presse spécialisée et opérateurs économiques sont enfin fixés. A l’issue de son troisième Conseil, Bank Al-Maghrib n’a pas revu à la baisse le taux directeur qui reste à 2,5%. Lors de la traditionnelle conférence qui suit le Conseil, Abdellatif Jouahri, patron de l’Institut d’émission, a brossé, dans un premier temps, comme à son habitude, la situation économique au niveau mondial avant de se livrer au même exercice pour ce qui est du contexte économique national. Au niveau mondial, la bonne nouvelle est que les pays avancés observent une reprise économique, quoique moindre par rapport aux estimations. En effet, au regard des prévisions, la zone Euro devrait connaître un taux de croissance de 1,4 % du PIB en 2015, et 1,7% en 2016. Aux USA, la Réserve fédérale (Fed) table sur une croissance de 2,1% en 2015, et 2,3% en 2016. Concernant les pays émergents, la situation est beaucoup contrastée puisqu’on note une amélioration de l’activité en Inde, un repli du PIB en Russie et le surplace de la Chine, qui connaît actuellement des déboires au niveau économique et financier. Toujours à l’échelle internationale, ce qui est de bon augure pour l’économie nationale est l’inexorable chute des prix du pétrole de l’ordre de 15,9% au mois d’août 2015. A noter que selon la Banque mondiale, le prix moyen du baril de pétrole devrait s’établir autour de 57,5 dollars d’ici décembre 2015, avant de progresser pour atteindre 61,2 dollars en 2016. De plus, l’inflation reste maîtrisée dans les pays développés. A titre illustratif, elle s’est située autour de 0,1% dans la zone Euro au mois d’août 2015. Au regard de l’ensemble de ces éléments, le wali de BAM assure qu’il n’existe guère de pressions inflationnistes d’origine étrangère. Outre ces prévisions, il y a lieu de souligner que l’économie nationale continue d’afficher de bonnes performances au titre de cette année, quoique 2016 risque d’être marquée par des contre-performances à maints égards.
Un taux de croissance de 4,6%
A en croire Abdellatif Jouahri, la croissance, qui s’est établie à 4,1% du PIB au premier trimestre 2015 (contre 2,8 un an auparavant), devrait se chiffrer à 4,6% en 2015. A l’évidence, cette performance est à relier à une campagne agricole exceptionnelle, avec une production céréalière de 115 millions de quintaux. Du reste, ce qui retient l’attention du gouverneur de la Banque centrale est la croissance limitée des activités non agricoles. A noter tout de même que les prévisions tablent sur une méforme de l’activité économique en 2016, avec un taux de croissance de 2,4%. Ce qui remet en selle le débat sur la pérennité de la croissance économique au Maroc. Cela dit, les comptes extérieurs ont affiché des résultats reluisants au cours du mois d’août 2015. On note un allégement substantiel du déficit de la balance commerciale (-20,4%). Ce qui est la résultante du recul de la facture énergétique (-30%) et de la bonne dynamique des activités exportatrices de l’automobile et de l’industrie des phosphates. Les IDE ont aussi poursuivi leur trend haussier pour se chiffrer à 24,2 Mds de DH au terme des huit premiers mois de l’année. Ces améliorations ont été bénéfiques pour les réverses de change, qui représentent désormais 210,2 Mds de DH, soit 6 mois d’importations de biens et services. A noter que d’ici la fin de l’année, la Banque centrale prévoit des réserves de change se situant autour de 6 mois et demi d’importations. Au registre des finances publiques, des signes avant-coureurs laissent penser que l’objectif du déficit budgétaire de 4,3% du PIB fixé par le gouvernement serait atteint. On note d’ores et déjà un recul des dépenses globales (-5%), avec une baisse significative des charges de compensation (-54% en août 2015). Cela dit, l’évolution de l’accroissement du crédit bancaire (+2,3% en août 2015 contre +9% en moyenne il y a de cela quelques années), est loin de rassurer le gouverneur de la Banque centrale. «Il y a visiblement un problème, les crédits bancaires ne progressent que de 2,3%. Or, dans le même temps, les dépôts bancaires augmentent de 7%», martèle Abdellatif Jouahri. Et d’ajouter : «Depuis que je suis à ce poste, c’est la première fois que je vois cela». Il faut dire que cette baisse des crédits bancaires est essentiellement liée à la baisse de la demande des entreprises qui continuent de faire les frais des délais de paiement trop longs.
Dans un autre registre, l’inflation continue d’être confinée en dessous de 2% (1,7% en août 2015). Les liquidités bancaires ont pour leur part connu une amélioration de 5,9 Mds de DH. Entre juillet et août 2015, BAM a ramené ses interventions à 36,3 Mds de DH.
L'agriculture détruit 58.000 emplois
Au registre du marché du travail, le taux de chômage a baissé pour se situer à 8,7% au deuxième trimestre 2015. Ce chiffre a largement été commenté par le patron de BAM, qui le relie non pas à une performance économique, mais à la chute du taux d’activité (-0,9%). «Certaines personnes découragées ne s’inscrivent plus dans les registres des chercheurs d’emploi», assure Abdellatif Jouahri. L’autre fait qui interpelle est que l’activité économique n’a créé que 38.000 emplois au deuxième trimestre 2015, tandis que dans le même temps, l’agriculture en a détruit près de 58.000.
Momar Diao