C’est peu dire que le courrier de la CGEM adressé au GPBM n’a pas été apprécié au sein du secteur bancaire. La réponse sèche et sans détour du groupement professionnel des banques, est là pour en témoigner.
Cette passe d’arme entre deux instances majeures de la sphère économique et financière marocaine démontre à quel point les nerfs sont mis à rude épreuve par l’une des plus graves crises que le Maroc et l’humanité n’ait jamais traversée.
Dans ces conditions, il faut savoir raison garder, se poser les bonnes questions pour faire avancer les choses, au service des ménages et des entreprises.
Il est vrai que les banques ont déjà pris une série d’engagements forts : citons, entre autres, le report d’échéances des crédits amortissables pour une période de 3 mois, la couverture des besoins en fonds de roulement des entreprises, le lancement par la CCG d’un nouveau produit de garantie.
Ces engagements ont été réitérés par la lettre du GPBM signée des mains d’Othman Benjelloun, président du groupement, et Mohamed El Kettani, vice-président délégué : «Nous saisissons cette occasion pour nous adresser directement à chaque entreprise et à chaque ménage touchés (...) pour renouveler l'engagement et la mobilisation de toutes les banques pour leur apporter soutien et appui».
La Banque centrale a également introduit des mesures d’assouplissement pour les banques, notamment sur la restructuration des créances en souffrance, ou encore le refinancement des crédits aux TPME touchées par la crise du covid-19.
Faut-il aller plus loin ? A l’évidence oui, au vu de l’ampleur de la crise économique et du manque de visibilité qui se profilent. C’est à l’aune de cette crise à la durée plus qu’incertaine qu’il faut replacer la lettre de la CGEM qui semble être en fin de compte, un véritable cri de détresse.
La réponse à cet appel doit venir de toutes les parties prenantes au premier chef les autorités publiques financières du pays (Banque centrale et ministère des Finances), conscients du fait que les banques sont un vecteur incontournable du financement de l’économie. Les mesures à envisager par la place doivent incontestablement dépasser le contexte actuel qui pose les orientations pour un horizon de seulement 3 mois.
Au-delà de cette période ? Aucune visibilité. De fait, aucune banque ne s'aventurera à prendre des risques pareils. Encore une fois, il revient aux autorités a travers des mesures d’accompagnement à aider les banques à prendre les mesures fortes qui les engageraient sur des horizons plus lointains .
Car, ce sont de véritables mesures globales qu’il faudra engager; et ce n’est pas quelques mois de trésorerie, aussi nécessaires soient-elles à court-terme, qui sauveront l’économie marocaine et ses entreprises.
Ce sont des mesures globales et étalées sur le temps qu’il faut engager, au point de renégocier nos engagements auprès de nos «partenaires», que sont par exemple le FMI et la Banque mondiale. Idem pour les sacro-saintes règles bâloises.
Car il y aura bien un avant et après coronavirus. Toutes nos certitudes, nos modèles économiques, sont battus en brèche et démontrent leur obsolescence.
Mais il y a une seule certitude : c’est que les banques continueront à jouer pendant encore un bon moment le rôle de principal financeur de l’économie marocaine. Pour qu’elles puissent jouer ce rôle, il faut qu’elles aient les coudées franches, et de la visibilité sur un horizon de plusieurs années.
Et ça, c’est aux autorités financières et monétaires du pays de les accompagner.