Adopté massivement dans le monde, le Buy Now, Pay Later transforme peu à peu les usages de paiement des consommateurs. Le Maroc entre à son tour dans la dynamique, porté par l’essor des fintechs et l’ouverture de Bank Al-Maghrib à l’innovation.
Par Y. Seddik
Né dans les années 2010 avec des pionniers comme Klarna en Suède, Afterpay en Australie ou Affirm aux États-Unis, le modèle du Buy Now, Pay Later (BNPL) s’est rapidement imposé comme une alternative séduisante au crédit à la consommation classique. Son principe est simple : permettre au client de payer un achat en plusieurs échéances, sans intérêts ni frais cachés, souvent directement depuis le site ou le point de vente.
À l’échelle internationale, le paiement fractionné est devenu l’un des moteurs les plus dynamiques du commerce digital. Selon les données publiées par Worldpay, les transactions BNPL traitées par le groupe ont progressé de 34% en un an. Le segment représente désormais 9,1% du volume total de paiements gérés par Worldpay. Le phénomène est porté par les jeunes générations : 66% des Millennials et 47% des utilisateurs de la génération Z privilégient ce mode de règlement pour leurs achats.
Du côté des commerçants, près d’un tiers des sites e-commerce (31%) proposent désormais une option BNPL, avec un panier moyen avoisinant 325 dollars. En Europe, la part du paiement fractionné dans les transactions numériques atteint 18,4%, dominée par le Royaume-Uni et l’Allemagne. Globalement, les moyens de paiement alternatifs représentent 36% du volume total traité par Worldpay, au détriment de la carte bancaire traditionnelle.
Cette dynamique mondiale se reflète aussi au Maroc où les comportements de paiement évoluent rapidement. Selon l’étude Mastercard New Payments Index, près de 74% des consommateurs marocains déclarent connaître le concept du Buy Now, Pay Later (BNPL), et 39% se disent déjà à l’aise pour l’utiliser. En pratique, 10% ont déjà eu recours à un paiement fractionné, principalement parmi les Millennials et la génération Z, plus enclins à adopter les solutions digitales.
Des chiffres qui confirment un potentiel de croissance important pour le marché local du BNPL, dans un contexte où la confiance envers les paiements dématérialisés ne cesse de progresser. Il faut dire que le principe du paiement différé n’a rien d’étranger au Maroc. Il existe depuis toujours, dans les commerces de proximité ou les relations de confiance entre particuliers. Mais jusqu’à récemment, il restait informel, sans cadre juridique ni technologie pour le structurer. C’est précisément ce que vient changer l’arrivée de Alya, première fintech marocaine à proposer une solution de paiement fractionné sans intérêts ni frais, agréée par Bank Al-Maghrib.
«Le paiement fractionné n’est pas une nouveauté au Maroc. Il fait partie de nos habitudes culturelles depuis longtemps. Ce que fait Alya, c’est de formaliser et sécuriser cette pratique grâce à la technologie et à la régulation de Bank Al-Maghrib», explique Brahim Zaid, fondateur et PDG de la startup. Le dispositif repose sur une architecture numérique rapide et conforme aux standards de la Banque centrale. Le commerçant est payé immédiatement, tandis que le client bénéficie d’un échéancier clair, sans frais additionnels.
«Les Marocains sont prêts. Ils ont déjà l’habitude de payer en plusieurs fois, mais ils veulent le faire de manière simple, sécurisée et reconnue», poursuit Zaid. Adoptée par de nombreux commerçants partenaires, la solution d’Alya bénéficie d’une croissance organique soutenue. En s’appuyant sur des partenaires de confiance tels que le CMI, la startup agit comme un tiers de confiance entre les deux parties et contribue à diffuser une culture de la transparence dans le paiement.
L'équilibre entre innovation et stabilité
Le développement du paiement fractionné au Maroc s’appuie sur un cadre réglementaire solide. Bank Al-Maghrib joue un rôle central dans cet équilibre entre innovation et prudence. «Nous avons la chance d’avoir un régulateur qui comprend les enjeux de l’innovation financière et qui adopte une approche pragmatique et progressive», observe Brahim Zaid. Depuis 1959, la Banque centrale veille à la stabilité du système financier marocain, qui a su traverser sans dommage les grandes crises mondiales.
La création du Morocco Fintech Center et l’agrément accordé à Alya illustrent cette volonté d’ouverture à la modernisation du secteur. Selon Zaid, la priorité aujourd’hui est d’adapter la réglementation au rythme de l’innovation, notamment autour de la donnée financière, des API bancaires et de l’open finance, afin de permettre une évaluation du risque en temps réel. «Il ne s’agit pas d’opposer innovation et régulation, mais de les faire évoluer ensemble, dans l’esprit de stabilité et de confiance que Bank Al-Maghrib incarne depuis plus de soixante ans», affirme-t-il.
En plus, avec l’essor du commerce en ligne et la généralisation des paiements digitaux, le BNPL pourrait rapidement devenir un standard du retail marocain. En rendant certains achats plus accessibles, il stimule la consommation et renforce le lien de confiance entre commerçants et clients. Pour Brahim Zaid, la démarche d’Alya ne vise pas à bouleverser les habitudes, mais à les moderniser : «nous n’inventons pas une nouvelle manière de consommer. Nous la rendons simplement plus fluide, plus rapide et plus sûre». Le paiement fractionné s’installe, lentement mais sûrement, dans les usages. Soutenu par la régulation et porté par une génération connectée, il ouvre un nouveau chapitre du financement à la consommation plus simple, plus rapide et mieux adapté au quotidien des Marocains.