Après la Grèce, c'est au tour de la Chine de faire peur aux investisseurs avec, comme d'habitude, des réactions apocalyptiques sur les marchés et des observateurs qui crient au krach. La Bourse de Casablanca n'a pas été épargnée par la baisse, avec l'épisode de la Samir et ses potentiels dommages collatéraux. Et si l'on se réfère à l'historique récent du marché, la plaie que laissera cette affaire derrière elle devrait faire saigner le marché, au moins jusqu'en avril prochain. Tour d'horizon.
Les investisseurs se posaient beaucoup de questions sur la Grèce, à la veille de leur départ en vacances. En rentrant, c'est la même histoire qu'ils retrouvent, concernant, cette fois-ci, la Chine et, dans une moindre mesure, les Etats-Unis et le futur comportement de leur Banque centrale quant au relèvement de ses taux d'intérêt. Seulement, la Chine représente 15% de l'économie mondiale, soit soixante fois le poids de la Grèce, sans parler de sa consommation de matières premières qui, en cas de baisse drastique (ce à quoi s'attendent les autorités locales), risque de mettre des économies émergentes, comme la Russie, l'Inde et le Brésil, à genoux. D'ailleurs, hormis l'or qui a réussi, par on ne sait quel miracle, à se maintenir pendant le mois d'août (+3,48%), toutes les autres matières premières ont dévissé : -7% pour le pétrole (le prix du gasoil a baissé de 17% sur la période), -2% pour l'argent ou encore -1,5% pour le cuivre, qui est considéré comme un indicateur avancé de l'industrie mondiale. Et les devises des marchés émergents ne sont pas en reste.
Mais cette dégringolade sur le marché des matières premières, qui les ramène à leurs niveaux de 2009, n'est qu'une partie de plaisir devant les réactions des marchés actions. Le CAC40 a perdu, par exemple, jusqu'à 8% lors d'une seule séance; et les Bourses américaines, pourtant hypnotisées par la planche à billet de leur Banque centrale depuis 2009, ont également vacillé. Le S&P500, indice des plus grandes firmes américaines, a perdu 7% pendant le mois écoulé, et même le Nasdaq s'est effrité dans une ampleur semblable.
La Bourse de Casablanca retombe dans ses travers
L'année avait pourtant bien démarré, avec des indicateurs économiques en forte croissance, tirés par l'activité agricole et la baisse des prix des produits pétroliers. Les quelques épisodes difficiles vécus par le secteur immobilier ont été, somme toute, peu "effrayants". Mais c'était sans compter sur la bombe à retardement qu'allait glisser la Samir dans cet édifice fragile. Cette dernière n'a pas encore explosé, mais les plus inquiets quittent déjà le navire, ou du moins essayent de le faire. En effet, outre les créanciers qui se sont rués sur la société après l'annonce de ses difficultés, les actionnaires minoritaires auraient plié bagage à leur tour si la valeur n'était pas suspendue en Bourse. Mais, en réalité, c'est l'ensemble des investisseurs qui risquent d'en pâtir. Rappelez-vous, à l'occasion des résultats annuels de 2014, la masse bénéficiaire des entreprises avait baissé de quasiment 13% à cause principalement de la Samir qui affichait une perte astronomique de 3 Mds de dirhams. Les gérants de fonds, qui apprécient le marché dans son ensemble, avaient alors choisi de s'alléger sur l'ensemble du marché, provoquant ainsi une baisse de 10% depuis le plus haut de mars 2015. Cette année encore, si le raffineur était amené à réaliser une perte équivalente, le marché risquerait de vivre le même sort. Ajoutez à cela les quelques profits warning annoncés jusqu'à présent, et vous aurez une idée de l'ambiance qui régnera en Bourse les mois à venir.
Le marché anticipe
Dans une publication parue quelques jours avant le communiqué de presse surprise de la Samir, les analystes d'Attijari Intermédiation expliquaient s'attendre à un léger sursaut de la masse bénéficiaire (+2,4%) cette année, tirée par le secteur agroalimentaire et les cimentiers. Les analystes ont pris le soin de réaliser ces prévisions en prenant en compte les pertes d'Alliances et de la Samir de l'an dernier. Autrement, les bénéfices des entreprises cotées pourraient grimper de plus de 18%. A posteriori, il paraît judicieux d'avoir introduit l'hypothèse pessimiste dans les calculs.
Pour leur part, les analystes d'Upline, dans une étude plus récente qui prend en compte la baisse du marché actions après l'annonce des difficultés du raffineur, parlent d'un «niveau majeur dépassé à la baisse par le Masi», et d'ajouter que «le MASI risque d’entrer dans une nouvelle dynamique baissière, tant qu’un solide support à l’achat ne sera pas trouvé».
Quoi qu'il en soit, la Bourse de Casablanca a inscrit un nouveau plus bas annuel, ce mois-ci, et perd 3,5% depuis le début de l'année. La rentrée s'annonce compliquée, et la hausse tant attendue risque, encore une fois, de se faire désirer. La tentation est grande de conclure par : vivement 2017 !
Adil Hlimi