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Banques : un secteur résilient en pleine mutation

Banques : un secteur résilient en pleine mutation

Porté par une capitalisation robuste, une gestion prudente des risques et une adaptation continue aux évolutions économiques, le secteur bancaire marocain parvient à maintenir sa stabilité malgré un contexte mondial incertain. Entre expansion stratégique en Afrique, ajustements monétaires et défis liés aux créances en souffrance, les banques marocaines font preuve d’une résilience exemplaire tout en consolidant leur position sur la scène régionale et internationale.

 

Par Gh. Bennani

Dans un environnement économique marqué par de fortes incertitudes, le secteur bancaire marocain démontre une solidité remarquable, soutenue par des fondamentaux robustes et une politique monétaire adaptée. Selon S&P Global Ratings, cette stabilité repose en grande partie sur l’expansion des banques marocaines en Afrique subsaharienne, qui leur offre de nouvelles sources de revenus.

Cette diversification, bien que stratégique, n’est pas sans risques, exposant les banques à des fluctuations des taux de change, à des incertitudes politiques et à des cadres réglementaires parfois instables. Toutefois, la dynamique de croissance de ces marchés constitue un levier essentiel pour l’économie marocaine et s’inscrit dans une stratégie d’internationalisation progressive des institutions financières du pays. Les efforts de réforme et de conformité réglementaire ont également contribué à renforcer la crédibilité du système bancaire.

La sortie du Maroc de la liste grise du GAFI en février 2023 a marqué un tournant, facilitant l’accès des banques marocaines aux marchés internationaux et renforçant leur attractivité auprès des investisseurs étrangers. En parallèle, la libéralisation progressive du régime de change a permis une meilleure gestion des risques de change, tout en consolidant l’intégration du pays dans l’économie mondiale.

Le Dirham, historiquement indexé à un panier de devises dominé par l’Euro et le Dollar, a vu sa bande de fluctuation s’élargir progressivement depuis 2018, offrant plus de flexibilité aux institutions financières marocaines. Cette souplesse accrue permet aux banques de mieux absorber les chocs externes et d’adapter leurs stratégies face aux évolutions du marché des changes, un élément essentiel dans un contexte marqué par une volatilité accrue des devises à l’échelle mondiale. Les données de la dernière note de conjoncture de Bank Al-Maghrib confirment cette résilience, avec un ratio de solvabilité de 15,7%, bien au-delà du minimum réglementaire de 12%, et des fonds propres de catégorie 1 à 12,9%, supérieurs aux 9% requis.

Ces niveaux traduisent une bonne capacité des banques à absorber d’éventuels chocs économiques. Par ailleurs, le marché du crédit connaît une croissance modérée de 2,6%, portée par une hausse notable de 7,3% des prêts aux entreprises publiques, notamment les facilités de trésorerie qui ont bondi de 30,9%. Les entreprises privées enregistrent, quant à elles, une croissance plus mesurée de 0,7%, avec un recul de 3,9% des facilités de trésorerie et une progression de 10,7% des crédits à l’équipement.

Une évolution qui s’explique par une prudence accrue des banques dans un contexte où les tensions économiques internationales impactent les flux financiers et la demande de financement des entreprises. Parallèlement, le lancement du marché à terme interbancaire par Bank Al-Maghrib, le 19 février 2025, constitue une avancée majeure pour le secteur bancaire marocain. Ce marché introduit des swaps de change et des swaps de taux au jour le jour (OIS) indexés sur le MONIA, offrant aux banques et aux opérateurs économiques de nouveaux outils pour gérer efficacement leur exposition aux fluctuations des taux de change et des taux d’intérêt.

Grâce à ces instruments, les banques disposent désormais de moyens plus performants pour sécuriser leurs transactions en devises et anticiper l’évolution des conditions monétaires, réduisant ainsi leur vulnérabilité aux chocs externes. Cette innovation contribue également au développement du marché des produits dérivés au Maroc, renforçant la profondeur du marché financier et favorisant une meilleure liquidité au sein du système bancaire. Comme l’a souligné le professeur d’économie Rachid El Fakir, «la mise en place du marché interbancaire à terme pourrait jouer un rôle crucial dans le développement de l'attractivité du marché financier marocain et son intégration dans les flux financiers internationaux. Un marché interbancaire à terme efficace réduit l’incertitude et instaure la confiance chez les investisseurs».

En outre, ajoute-t-il, «un marché interbancaire à terme bien développé offre aux investisseurs, tant nationaux qu'étrangers, la possibilité de se couvrir contre les fluctuations des taux d'intérêt et des taux de change. Cette réduction de l'incertitude rend le marché financier plus attractif, car les investisseurs sont plus enclins à investir dans un environnement où ils peuvent gérer efficacement leurs risques, notamment de change et de taux».

Par ailleurs, la liquidité bancaire reste sous contrôle, avec un besoin en financement en repli à 125,5 milliards de dirhams en janvier 2025, contre 136 milliards de DH un mois auparavant. Bank Al-Maghrib a ajusté ses interventions, réduisant son volume d’injections à 140,2 milliards de dirhams, via des avances à sept jours et des pensions livrées à un et trois mois. Ces mesures ont permis de stabiliser le marché interbancaire, avec un taux moyen pondéré fixé à 2,50% suite à la baisse du taux directeur de 25 points de base décidée par le Conseil de Bank Al-Maghrib. Une décision qui vise à assouplir les conditions de financement et à soutenir l’activité économique, tout en évitant les risques de surchauffe liés à une expansion excessive du crédit.

La problématique des créances en souffrance

Cependant, la montée des créances en souffrance reste un enjeu majeur. Celles-ci ont progressé de 2,5%, portant le taux global à 8,3%, avec des niveaux de 10,4% pour les ménages et 12,5% pour les entreprises non financières privées. Si cette tendance persiste, elle pourrait poser des défis en cas de détérioration des conditions économiques. Néanmoins, la robustesse du secteur bancaire permet d’absorber ces risques, comme en témoigne le maintien du ratio de liquidité à court terme bien au-delà du seuil réglementaire de 100%.

En parallèle, l’évolution des performances boursières des banques marocaines illustre la confiance des investisseurs dans la solidité du secteur. CDM a enregistré une hausse de capitalisation de 24% en février, suivie par ATW et CIH (+16%), BMCI (+9%) et BCP (+1%), des performances qui traduisent la solidité du système bancaire et la confiance des marchés financiers dans sa capacité à naviguer dans un environnement complexe.

En cela, le secteur bancaire marocain reste un pilier de stabilité pour l’économie nationale. Entre croissance prudente du crédit, consolidation des fonds propres et gestion des risques ajustée, les banques marocaines poursuivent leur transformation en dépit des incertitudes macroéconomiques. Reste à voir comment elles navigueront face aux défis futurs, notamment la montée des créances en souffrance et les réformes structurelles nécessaires pour assurer une croissance durable et équilibrée du système financier. 

 

 

 

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