Les fonds propres des banques marocaines sont une nouvelle fois dans la ligne de mire de Bank Al-Maghrib, qui annonce la révision de la circulaire 14/G/2013, déjà très consommatrices en fonds propres. Les trois banques panafricaines ont été identifiées comme des banques revêtant un caractère systémique.
Un cran supplémentaire vers le renforcement de la solvabilité et la résilience des établissements bancaires est dans le pipe. Concrètement, deux nouvelles mesures relatives aux fonds propres sont en cours d’élaboration par la Banque centrale. La première concerne la constitution par les banques d’un coussin de fonds propres contracycliques. Comme son nom l’indique, ce coussin est un outil prudentiel destiné à contrer les effets du cycle économique sur l'activité de crédit des banques. En gros, en période de forte croissance du crédit (cycle haut, comme ce fut le cas dans les années 2000 au Maroc), les banques seront tenues d’augmenter leurs fonds propres de catégorie 1. En cas de ralentissement de l’activité et de contraction du crédit (cycle bas, comme cela est le cas aujourd’hui au Maroc), le coussin de fonds propres ainsi constitué peut être «libéré» pour continuer à distribuer des crédits. Selon la littérature financière et le comité de Bâle, un tel matelas de sécurité permet d’atténuer les chocs de solvabilité, et d’éviter les fortes dépréciations d’actifs.
Dans la pratique, Bank Al-Maghrib aura la latitude de requérir des banques de constituer, pour des considérations macro-prudentielles, un matelas de fonds propres dit contracyclique, composé de fonds propres de base, dont le niveau se situe dans une fourchette de 0% à 2,5% des risques pondérés. Mais la Banque centrale ne veut pas brusquer les banques. Elle envisage de fixer le niveau du coussin de fonds propres contracycliques à 0%, au moment de son entrée en vigueur. Dans le cas où le régulateur décide de relever le niveau du coussin, il en informerait les banques 12 mois avant la date butoir de mise en oeuvre. A l’inverse, la décision de Bank Al-Maghrib de réduire le niveau du coussin prendrait effet immédiatement.
3 banques «too big to fail»
La deuxième mesure concerne les banques marocaines revêtant une importance systémique, c’est-à-dire celles dont une faillite pourrait impacter négativement le secteur financier. Ces banques seront tenues de respecter des règles prudentielles plus contraignantes. Ces règles incluraient notamment une surcharge additionnelle en fonds propres visant le renforcement de la capacité d’absorption des pertes de ces banques. En Europe où cette mesure est déjà en vigueur depuis janvier 2016, les 29 banques systémiques qui ont été identifiées doivent constituer un coussin de risque systémique de 1 à 3,5% des fonds propres de base.
Au Maroc, le dispositif encadrant les banques marocaines revêtant une importance systémique est en cours de mise en place. Une circulaire de Bank Al-Maghrib doit définir le cadre et les critères d’identification de ces banques. A ce propos, une source à la Banque centrale nous apprend que les banques à caractère systémique ont déjà été identifiées : il s’agit des trois banques marocaines panafricaines, à savoir Attijariwafa bank, Banque Centrale Populaire et BMCE Bank of Africa. Selon la même source, le dispositif est d’ores et déjà finalisé, mais il ne sera pas déployé dans l’immédiat. Il est préférable d’attendre que les effets de l’implémentation de Bâle III, qui court jusqu’en 2019, se dissipent avant d’exiger des banques de nouvelles mesures touchant les fonds propres.
Signalons qu’au 31 décembre 2015, les banques marocaines étaient dans les clous en matière de respect des ratios bâlois : sur base consolidé, le ratio de solvabilité moyen ressort à 13,5%, au-dessus du seuil minimum de 12% édicté par la réglementation prudentielle en vigueur; le ratio de fonds propres de catégorie 1 s’est, lui, établi à 11,5%, pour un minimum réglementaire de 9%.
A. Elkadiri