C’est une grande première depuis 2007 ! Le besoin des banques sur le marché interbancaire est entièrement résorbé, créant presque une situation de surliquidité. Cela va-t-il profiter à la relance du crédit ? Rien n’est moins sûr.
C’est un petit évènement assez inédit dans le monde de la finance au Maroc pour ne pas être signalé : pour la première fois depuis 2007, le déficit de liquidité bancaire est résorbé et le marché interbancaire est repassé en situation de surliquidité. Conséquences : entre le 31 mars et le 6 avril 2016, la Banque centrale n'a injecté que 9 milliards de dirhams pour des opérations de prêts garantis dans le cadre du programme de soutien au financement de la TPME. Surtout, Bank Al-Maghrib (BAM) n'a injecté aucune avance à 7 jours au cours de la semaine écoulée. Parallèlement à cela, les échanges sur le marché interbancaire ont diminué de 300 millions de dirhams sur la semaine. Le wali de BAM, Abdellatif Jouahri, lors de sa dernière conférence de presse tenue en mars, avait d’ailleurs annoncé cette situation excédentaire des liquidités bancaires pour le deuxième semestre de l’année en cours. Elle est finalement survenue avant cette date. Selon les projections de Jouahri, le secteur bancaire devrait passer d’un déficit moyen de 16,5 milliards de DH à fin 2015, à une surliquidité de 20,9 milliards de DH en 2016 et plus de 47 milliards de DH en 2017.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène. Il y a tout d’abord la progression constante et remarquable des réserves internationales nettes, dans le sillage de l’amélioration de la balance commerciale, le rapatriement de devises dans le cadre de l’amnistie fiscale et, surtout, la chute drastique de la facture pétrolière. A fin février 2016, les réserves de devises atteignent près de 234 milliards de DH, en hausse de 27,6% par rapport à février 2015. Cela représente un surplus de près de 50 milliards de DH. Autre facteur important, la hausse soutenue des dépôts bancaires, rémunérés ou non, depuis maintenant plusieurs mois. D’après les statistiques de la Banque centrale, les dépôts à vue des banques à fin février 2016 se sont appréciés de 8,3% à 453,35 milliards de DH, soit un additionnel de 34,8 milliards de DH. Idem pour les dépôts à terme et les bons de caisse qui ont progressé sur la même période de 8,9%. C’est également la conséquence de la baisse sensible des crédits bancaires accordés à l’économie. Le compte de patrimoine de Bank Al-Maghrib nous renseigne également sur cette situation de surliquidité qui se dessine. Ainsi, à fin février 2016, les créances de la Banque centrale sur les banques résidentes ont chuté de 71,4% par rapport à février 2015, tandis que les dépôts des banques auprès de BAM ont progressé de plus de 54% sur la même période à 12,2 milliards de DH. Le problème est que dans le même temps, ce contexte de détente sur les liquidités ne profite pas au crédit bancaire. Celui-ci n’a progressé que de 1,4% entre février 2015 et février 2016. Et en l’absence de solutions par les établissements de crédit, la Banque centrale et le patronat pour relancer structurellement la demande de crédit des entreprises, cette situation risque de perdurer. Dans cette configuration, on peut s’attendre à ce que la Banque centrale relève quelque peu le taux de la réserve obligatoire et sa rémunération.
La question qui se pose aujourd’hui est de savoir comment les banques vont s’y prendre pour placer tout ce cash ? Elles devront vraisemblablement, dans un premier temps, se tourner vers les produits de taux. A ce titre, le Trésor et la bancassurance (l’assurance Vie) devraient être les principaux bénéficiaires de cette détente sur les liquidités en en drainant une partie. En tout cas, ce qui est sûr, c’est que la surliquidité bancaire est le signe que notre économie ne tourne pas à plein régime.
Amine El Kadiri